par Anaïs Chabalier
Chère Lauryn Hill,
C’est avec une immense joie, aussi en tant que fan de la star internationale du RnB/hip-hop que vous êtes, que j’ai appris votre décision d’annuler votre concert prévu le 7 mai à Tel-Aviv.
Car en choisissant de ne pas chanter en Israël, vous refusez de vous laisser instrumentaliser par cet État.
L’État d’Israël utilise les artistes internationaux
C’est un grand soulagement de constater qu’une artiste engagée de votre renommée, qui après avoir dédié une chanson aux habitants de Ferguson qui se sont révoltés et luttent comme en Palestine contre le racisme et pour l’égalité, refuse désormais de blanchir l’apartheid israélien.
L’État d’Israël utilise ouvertement les artistes internationaux pour redorer son image et normaliser sa politique de colonisation, d’occupation et d’apartheid envers le peuple palestinien.
C’est pourquoi je salue votre choix courageux d’annuler ce concert, et ainsi de ne pas légitimer ces violations des droits humains. Vous démontrez ainsi votre loyauté envers les idéaux de Frantz Fanon, que vous mettez magnifiquement en voix dans le film « Concerning Violence« .
Des droits bafoués quotidiennement
L’été dernier à Gaza, Israël a assassiné plus de 2.200 palestinien-ne-s, dont au moins 500 enfants lors de l’opération « bordure protectrice ». Aujourd’hui, c’est dans un territoire en ruine que les gazaouis tentent de survivre. En Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ce sont des milliers de maisons de Palestinien-ne-s qui sont détruites par les autorités israéliennes, et des droits bafoués quotidiennement.
Récemment, comme le rapporte le journal « Le Monde », une enquête de l’ONG Breaking the Silence a révélé au grand jour les crimes de guerre dont est coupable l’armée israélienne, à travers le témoignage de plusieurs soldats israéliens qui ont participé aux massacres de Gaza. Destruction du maximum d’infrastructures, ciblage de civils, tels ont été les ordres donnés par l’armée qui se considère comme « la plus morale du monde ».
Les politiques racistes et la répression du gouvernement s’abattent également sur les citoyens israéliens d’origine éthiopienne, qui se sont soulevés, ces derniers jours, contre les multiples discriminations qu’ils subissent de la part de la société et des autorités.
Une victoire pour la justice
Ne pas divertir l’apartheid israélien représente un acte de résistance et de solidarité avec tous les peuples opprimés. Cela respecte également le choix de la société civile palestinienne qui, en s’inspirant de la campagne non-violente contre l’apartheid en Afrique du Sud, appelle au boycott culturel d’Israël à travers la campagne Boycott Désinvestissement Sanctions lancée en 2005.
Cet appel est soutenu par de plus en plus d’israéliens et de juifs progressistes pour la paix et la justice à travers le monde, comme ce groupe américain « Jewish Voice for Peace », qui représente des milliers de personnes et qui a crée un site spécialement pour vous remercier.
Votre geste représente donc une victoire pour tou-te-s celles et ceux qui luttent pour la justice, quand d’autres artistes choisissent malheureusement de se placer du mauvais coté de l’histoire, à l’instar de Juliette Gréco qui a donné un concert à Tel-Aviv le 4 mai, en prétendant « dialoguer ».
Au confort de l’ignorance, vous préférez la lucidité de l’intégrité. Vous avez bien compris qu’il ne peut s’agir de dialogue lorsque les situations sont aussi tragiquement déséquilibrées.
Une mobilisation populaire de la solidarité
Désormais, les crimes israéliens ne sont simplement plus tolérés. À l’impunité israélienne répond la mobilisation populaire de la solidarité. Dans le monde entier, les personnes de conscience s’indignent, refusent l’impuissance politique volontaire de leurs gouvernements, et agissent directement.
La campagne BDS est une campagne non violente et populaire, multiforme, qui s’ancre partout, du Brésil à l’Afrique du Sud, du Japon à la France. Elle vise à isoler Israël tant qu’il viole le droit international.
En annulant votre concert en Israël, vous suivez aussi la voie de nombreux-ses artistes qui refusent de se produire en Israël tant que cet État continuera à violer les règles du droit international, tels que Cassandra Wilson, Natacha Atlas, Cat Power, Gilles Vigneault, Roger Waters, Elvis Costello, Carlos Santana, Annie Lennox, Vanessa Paradis, Llasa, Gil Scott-Heron, Jello Biafra, Massive Attack, et aussi Peter Brook, Susan Sarandon, Ken Loach, Mike Leigh…
D’autres suivront, c’est le sens de l’histoire.
Pour toutes ces raisons, merci Lauryn Hill.