Dans son numéro n°505 de juin 2012, la revue QUE CHOISIR de l’Union Fédérale des Consommateurs publiait un test comparatif entre gazéificateurs d’eau, parmi lesquels figuraient les appareils de marque Sodastream (ex Sodaclub).
A cette occasion, les lecteurs de QUE CHOISIR restaient dans l’ignorance de deux informations pouvant fortement infléchir leur choix comme consommateurs :
– 1. Sodastream commercialise des produits fabriqués (à Mishor Adumim) dans les Territoires palestiniens militairement occupés, ce qui est illégal au regard du droit international,
– 2. Sodastream ment sur l’origine de ses produits en mentionnant « Made in Israel » et en y apposant le code-barre 729, ce qui constitue une fraude.
La campagne BDS considère que tout produit objet de violations aussi graves aurait dû être disqualifié par une association de consommateurs au service de ses adhérents et lecteurs. Toutefois, le test comparatif ayant été déjà publié sans information ni commentaire, BDS-France a écrit le 26 juin à la rédaction de QUE CHOISIR pour l’informer de ces faits et lui demander de « … publier dans votre prochain numéro une précision faisant état de la nature illégale des produits Sodastream au regard du droit international ».
Le 7 août, le service « Courrier des lecteurs » de QUE CHOISIR a envoyé à la campagne BDS une réponse (voir le lien) aussi surprenante que problématique :
En premier lieu, cette réponse n’indique nulle part que QUE CHOISIR aurait ignoré la situation de l’entreprise Sodastream lors de la réalisation du test.
Allant plus loin, QC avance : « …nous ne sommes amenés à dénoncer la commercialisation d’un produit qu’en cas de problème de sécurité ». Cette réponse étonnante fait table rase de ce que l’UFC QUE CHOISIR combat depuis longtemps. Devons-nous comprendre que la dénonciation des marques non éthiques – par exemple la dénonciation des sociétés et firmes exploitant le travail des enfants – n’entre pas ou plus en ligne de compte? Ou que l’UFC QUE CHOISIR ne se soucie nullement du fait qu’une entreprise coloniale vit de l’exploitation des ressources naturelles d’un pays occupé militairement ?
Pourtant l’étude de l’association israélienne WHO PROFITS sur Sodastream (disponible à http://www.whoprofits.org/content/production-settlements-case-sodastream) est claire. En voici quelques citations :
- P. 5 : « Tous les travailleurs [palestiniens] doivent obtenir des permis spéciaux et obtenir l’autorisation du service général de sécurité israélien (Shabak [ex Shin Bet]) rien que pour entrer dans ces usines. Leur dépendance de ces permis limite les choix d’emplois des travailleurs et rend leur organisation quasi-impossible. »
- P. 6 : « La compagnie paie ses taxes au gouvernement et non à l’Autorité palestinienne, et les profits bénéficient à l’économie israélienne et non aux Palestiniens locaux. (…) Les taxes locales (…) vont à la municipalité de Ma’aleh Adumim où elles ne servent qu’au développement des colonies ».
- P. 16 : « En mars 2000, le fondateur de la compagnie Peter Wiseburgh expliquait son choix de Mishor Edomim à cause de très bas prix fonciers [normaux sur des terres volées, notre addition] et de règlements laxistes [normaux pour faciliter la colonisation, notre addition] : ‘J’ai cherché partout’, dit-il, ‘mais partout la bureaucratie était lourde. Quand je suis venu ici l’espace [utilisé précédemment par l’industrie militaire israélienne] était déserté et plein de pigeons. Alors j’ai arpenté et je suis parti. Une semaine après Jerusalem Economic [qui loue la zone industrielle pour l’Administration Civile israélienne (euphémisme pour l’armée d’occupation, notre addition)] m’a proposé le site gratuit pour 6 mois puis pour 44.000 shekels [8500 euros] par mois et m’a offert 100.000 dollars cash pour rénover le lieu. J’ai loué 13.000 m2, et c’était une bonne affaire. Pas une action politique’ ».
- P. 17 : « L’enregistrement de la compagnie à l’American Securities and Exchange Commission (SEC) » (…) « mentionne les campagnes de boycott comme un ‘facteur de risque’ significatif » mais aussi que partir de la colonie « limite[rait] certains avantages fiscaux sont nous bénéficions actuellement ».
- P. 19 : De 2008 à 2010 il a été possible à Kav LaOved, une association israélienne de défense des travailleurs palestiniens, d’obtenir des témoignages directs des Palestiniens employés par Sodastream. Un des témoignages est résumé ainsi : « Les travailleurs palestiniens disent qu’ils sont discriminés, ils ne gagnent même pas la moitié du salaire minimum et les conditions de travail sont terribles. S’ils demandent leurs droits ils sont virés. C’est comme dans beaucoup d’usines des environs mais l’usine Soda Club est une des pires ».
- P. 23 : « Les terres expropriées pour Mishor Adumum et la colonie mère Maale Adumim appartiennent aux villes palestiniennes d’Abu Dis, Azarya, A-Tur, Issauya, Han al-Akhmar, Anata et Nabi Mussa ». L’étude de WHO PROFITS explique comment l’aide de lois ad-hoc, appliquées à un territoire militairement occupé, a permis l’acquisition gratuite de terres publiques et privées palestiniennes.
Les consommateurs attribuent de plus en plus d’importance aux garanties telles que le label AB, Fair Trade, le commerce équitable ou les bilans carbone, montrant que, pour eux, la qualité d’un produit ne se limite pas à son seul rapport qualité/prix, coût/efficacité ou à son innocuité, mais à une exigence de qualité bien plus globale qui implique aussi des critères environnementaux, éthiques et sociaux. La campagne BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions contre Israël jusqu’à ce que celui-ci se conforme au Droit international), expression de la société civile, appelle nos concitoyens à boycotter toutes les entreprises israéliennes, participant directement ou non à la colonisation des territoires palestiniens occupés, à l’apartheid et à la dépossession des Palestiniens. Sodastream, comme d’autres entreprises coloniales participant directement à l’exploitation des territoires palestiniens occupés (Mehadrin, Ahava, Haklaïdim et d’autres) est au premier rang des entreprises visées par notre combat moral pour le respect de la justice et des droits humains.
Au-delà de tout ce qui vient d’être évoqué, la réponse de QUE CHOISIR à notre demande d’informer ses lecteurs est particulièrement singulière : « Nous ne faisons absolument pas mention du lieu de fabrication des produits que nous étudions, tant dans notre revue que sur notre site internet. De ce fait, nous n’avons pas vocation, dans le cadre de nos tests et enquêtes, à préciser que la société Sodastream ne distribue pas des appareils ‘made in Israel’ ». Nous pensions que la transparence et la traçabilité, le droit des consommateurs à bénéficier d’un étiquetage clair et non trompeur, étaient des chevaux de bataille de l’UFC depuis sa création. Aussi, si lors de ses tests, QUE CHOISIR ignorait que Sodastream trichait sur l’origine de ses produits en marquant « Made in Israel » et en utilisant le code-barre 729 [1], pourquoi ne pas en informer ses lecteurs dans un prochain numéro ? La campagne BDS renouvelle expressément cette demande.
En refusant, nous l’espérons provisoirement, d’informer ses lecteurs, QUE CHOISIR est aussi en retard par rapport à la contestation des différents niveaux de tromperie et de fraude qu’Israël utilise pour normaliser et promouvoir les exportations de ses colonies illégales de Cisjordanie :
– En décembre 2010, 26 anciens Premier Ministres et Ministres des Affaires Etrangères écrivaient : « Nous estimons nécessaire que l’UE mette fin à l’importation des produits des colonies qui sont, en contradiction avec les règlements d’étiquetage de l’UE, commercialisés comme originaires d’Israël. Nous considérons comme simplement inexplicable que de tels produits bénéficient encore des accords de commerce préférentiel entre l’UE et Israël. »
-Le 5 juillet 2012, le parlement européen réaffirmait le caractère illégal de toutes les colonies au regard du droit international et demandait un contrôle effectif de l’origine pour empêcher que leurs produits bénéficient des avantages donnés aux produits « made in Israel ».
-En août 2012, l’UE publiait la liste des localisations d’origine ne pouvant pas bénéficier des avantages du label « made in Israel ».
-Toujours en août 2012, le gouvernement Sud-Africain annonçait sa décision de ne plus permettre la désignation des produits originaires des colonies comme « provenant d’Israël », conformément au consensus international sur les frontières d’Israël (seul Israël n’a jamais défini ses frontières).
Les trois derniers événements ont eu lieu à la même période durant laquelle QUE CHOISIR a écrit que seule la sécurité des produits peut l’inciter à dire non et que le lieu de fabrication des produits n’entre « absolument » pas dans les informations dignes d’être indiquées. Les adhérents de l’UFC-QUE CHOISIR apprécieront…
Comme ils le font en direction des enseignes et des distributeurs, les militants de la campagne BDS poursuivront leur campagne, vers sa direction et ses associations locales, pour exiger de l’UFC QUE CHOISIR une position moralement cohérente à propos des produits du colonialisme israélien.
Campagne BDS-France
[1] L’étude de Who Profits fournit de nombreuses preuves photographiques de la tromperie sur l’origine de produits Sodastream. L’une d’elles indique un « Made in China » mensonger. Le cas d’un appareil Sodastream pourvu à la fois d’une mention Made in China et d’un code-barre d’origine 729 (code-barre pour Israël) est à la disposition de QUE CHOISIR.