Les auteurs du document proprement dit :
- Michel Waelbroeck, professeur émérite, université libre de Bruxelles, membre émérite de l’institut de Droit international ;
- Willem Aldershoff, conseiller de l’Union européenne pour la politique Israël/Palestine
Document à lire sur http://www.eccpalestine.org/israels-obligations-as-an-occupying-power-under-international-law-its-violations-and-implications-for-eu-policy/
Résumé analytique
Coordination européenne des comités et associations pour la Palestine (ECCP) – 29 janvier 2014
Bien des gens ne semblent pas conscients que, en tant que puissance occupante, Israël est astreint, en vertu du droit humanitaire international, à d’importantes obligations envers la population palestinienne. Ces obligations reflètent le fait que le droit international considère une occupation comme étant, par essence, un phénomène temporaire, et que de ce fait, la puissance occupante ne peut provoquer de changements irréversibles à la structure physique et juridique du pays occupé, tandis qu’elle a le devoir de protéger la population civile contre des privations excessives.
Le document commence en rappelant pourquoi ce qui est généralement dénommé Territoire palestinien occupé (TPO) est bien en effet un « territoire occupé » au sens du droit international, et pourquoi, par conséquent, les instruments internationaux définissant les obligations d’une puissance occupante engagent Israël dans ses relations avec les Palestiniens.
Par la suite, ces obligations seront analysées, basées exclusivement sur les instruments internationaux dont Israël est partie prenante (1), ou qui sont acceptés par lui dans le cadre du droit international coutumier (2). Il sera ensuite expliqué en quoi la politique et la conduite d’Israël contreviennent à ces obligations. Il sera démontré que :
- le simple fait qu’Israël continue d’occuper le TPO après plus de 47 ans est en lui-même une violation du droit international ;
- Israël ignore délibérément ses obligations fondamentales en tant que puissance occupante lui imposant d’utiliser ses forces au profit de la région occupée comme requis par l’article 43 du Règlement de La Haye (http://www.icrc.org/applic/ihl/dih.nsf/INTRO/195) ;
- Israël a apporté des modifications à la législation existante dans le TPO en violation du droit international ;
- la politique de colonisation de peuplement d’Israël a été, à raison, condamnée par les plus hautes autorités politiques et juridiques des Nations-Unies comme contraire à l’article 49-6 de la Quatrième Convention de Genève (http://www.icrc.org/dih/INTRO/380) ;
- la construction d’une barrière de séparation (« le Mur ») sur le territoire palestinien entrave l’exercice du droit à l’autodétermination de la population palestinienne et contrevient à plusieurs autres dispositions du droit international ;
- la destruction de biens meubles et immeubles de Palestiniens est prohibée par l’article 53 de la Quatrième Convention de Genève et plusieurs autres dispositions du droit international ;
- la confiscation de biens privés appartenant à des Palestiniens est prohibée par l’article 46-2 du Règlement de La Haye ;
- l’exploitation et la destruction de ressources naturelles palestiniennes violent l’article 55 du Règlement de La Haye ainsi que le principe de souveraineté permanente des peuples et nations sur leurs ressources naturelles (http://www.ihedn.fr/userfiles/file/apropos/SAKAI%20%28L%29%20Le%20PRINCIPE%20DE%20LA%20SOUVERAINETE%20PERMANENTE%20SUR%20LES%20RESSOURCES%20NATURELLES%20%20exclusivit%C3%83%C2%A9.pdf) ;
- en tolérant la violence des colons, Israël n’est pas fidèle à son obligation stipulée à l’article 43 du Règlement de La Haye d’assurer l’ordre et la sécurité publics dans le TPO ;
- l’appropriation de biens culturels palestiniens enfreint l’article 5-1 de la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé du 14 mai 1954 (http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=13637&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html) ;
- le régime de détention administrative appliqué par Israël aux détenus palestiniens n’est pas conforme aux dispositions pertinentes de la Quatrième Convention de Genève et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 (https://treaties.un.org/pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=IV-4&chapter=4&lang=fr) ;
- en détenant des Palestiniens à l’extérieur du territoire palestinien, Israël viole l’article 76 de la Quatrième Convention de Genève ;
- en utilisant son contrôle des points de passage entre lui-même et la bande de Gaza pour imposer une fermeture quasi totale, Israël impose à la population de Gaza une punition collective, laquelle est prohibée par l’article 50 du Règlement de La Haye et l’article 33-2 de la Quatrième Convention de Genève, en plus qu’il agit d’une manière arbitraire qui n’est pas justifiée par des considérations authentiques de sécurité ;
- par son inexécution prolongée des nombreuses résolutions du Conseil de sécurité des Nations-Unies, Israël refuse de respecter son obligation stipulée à l’article 25 de la Charte des Nations-Unies « d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseils de sécurité conformément à la Charte » (https://www.un.org/fr/documents/charter/).
Les violations ci-dessus doivent être démontrées pour constituer « des transgressions de normes impératives du droit international ». En conséquence, c’est non seulement Israël mais aussi les autres membres de la communauté internationale – dont l’Union européenne – qui sont astreints à une obligation à trois volets :
- de coopérer en faisant cesser ces transgressions graves ;
- de s’abstenir de reconnaître comme licite la situation créée par ces transgressions ;
- de s’abstenir de prêter aide ou assistance et maintenir la situation ainsi créée.
Le document explique ensuite ce qui doit être fait par l’Union européenne pour se conformer à cette obligation. Il deviendra clair que l’approche purement rhétorique qu’elle a suivie jusqu’à récemment a été incapable de produire le moindre changement dans l’attitude d’Israël et qu’elle est par conséquent insuffisante. Plus récemment, certaines mesures limitées, mais toujours insuffisantes ont prises, telles que :
- le refus d’un traitement tarifaire préférentiel pour les marchandises venant des colonies ;
- le refus d’accorder une aide financière dans le cadre des programmes de l’UE aux entités israéliennes établies ou actives dans les colonies (les « Lignes directrices des subventions ») ;
- le refus d’accepter des estampilles certifiant un produit comme biologique venant des colonies.
Les mesures qui précèdent ont besoin d’être consolidées sans délai par des dispositions supplémentaires. Certaines sont déjà en préparation :
- l’imposition aux détaillants de l’UE d’une obligation à étiqueter les produits des colonies d’une manière claire et visible de façon à permettre aux consommateurs de les distinguer des produits fabriqués en Israël même, comme exigé par la législation de l’UE ;
- une annonce publique pour informer les citoyens de l’UE et le monde des affaires des risques de leur implication dans les activités financières et économiques dans les colonies.
La publication de ces mesures ne constitue pas une sanction infligée à Israël, mais elle s’impose dans le cadre de la législation en vigueur relative à l’information du public ; il n’y a aucune raison pour la faire dépendre de l’issue des négociations en cours entre Israël et la Palestine.
Sont également indispensables :
- une interdiction d’importer (et pas seulement une obligation d’étiqueter) des produits des colonies ;
- une extension de ce que couvrent les lignes directrices de subventions afin de toucher toutes les entités, y compris celles de l’UE, où l’octroi d’une aide financière impliquerait une reconnaissance de la légalité de l’occupation du TPO ou constituerait une aide ou une assistance au maintien de cette occupation ;
- une prohibition des transactions financières qui soutiennent les activités de colonisation ;
- une exclusion des marchés publics des produits et entreprises des colonies ;
- le retrait de l’octroi de visas aux colons connus comme violents.
Au cours des dernières semaines, l’UE a montré qu’elle était prête à jouer un rôle plus actif pour amener Israël à accepter un règlement définitif et à mettre fin à l’occupation de la Palestine et aux violations qui en découlent du droit international. Le 16 décembre 2013, le Conseil des Affaires étrangères a proposé « un ensemble sans précédent de soutiens européens politiques, économiques et sécuritaires aux deux parties dans le cadre d’un accord sur le statut final » et il a mis en garde « contre les actions qui mineraient les négociations », telles que « l’expansion des colonies, (…) l’incitation, les actes de violences dans le territoire occupé, les démolitions de maisons, et la détérioration de la situation humanitaire dans Gaza », de même que contre « les actions qui mineraient le statu quo des lieux saints, notamment à Jérusalem ».
Même s’il faut bien les accueillir, ces mesures ne réduisent pas la nécessité pour l’UE d’adopter sans plus tarder les mesures qu’elle envisage actuellement, de même que les mesures supplémentaires recommandées ci-dessus. Toutes peuvent être prises sans que ne soit mise en danger la sécurité d’Israël ; il n’est pas nécessaire d’attendre l’issue des négociations pour les publier.
Notes :
1 – Ceci inclut la Quatrième Convention relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, signée à Genève le 12 août 1949 (http://www.icrc.org/dih/INTRO/380) (Quatrième Convention de Genève) ; le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ; et la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé du 14 mai 1954.
Diffusé par ECCP, le 229 janvier 2014 : eccp.brussels@gmail.com
Traduction : JPP pour BDS FRANCE