Leur refus entêté de répondre aux nombreuses critiques concernant leur concert fâcheux à Tel Aviv me fait penser qu’ils ne veulent entendre qu’un seul côté – celui qui soutient l’apartheid.
11 Juillet 2017 – Ken Loach
J’ai été étonné de lire dans Rolling Stone que Thom Yorke pense que les critiques concernant le concert prévu de Radiohead à Tel Aviv ne sont que des “jets de merde” en public contre le groupe, sans leur avoir parlé en privé. C’est à la fois inexact et – même si c’était exact – assez hors de propos.
Que ce soit pendant l’apartheid d’Afrique du Sud par le passé ou pendant l’apartheid d’Israël de nos jours, lorsqu’une communauté oppressée demande à des artistes connus internationalement de ne pas prêter leurs noms aux tentatives des oppresseurs d’étouffer leurs violations des droits humains, il en va de notre obligation morale de tenir compte de leurs appels. Il devrait s’agir d’eux et de leurs droits humains, pas de nous et de notre sentiment de fierté.
J’ai aussi cru comprendre que plusieurs artistes avaient approché Radiohead en privé ces derniers mois, dont des artistes palestiniens et israéliens progressistes, et leur ont demandé une rencontre pour leur expliquer la nécessité de respecter le boycott culturel d’Israël, demandé par la société civile palestinienne. Autant que je sache, ces demandes ont été ignorées.
J’ai moi-même approché le manager de Radiohead pour une proposition de rencontre, aux côtés d’artistes palestiniens. Cette offre a été faite plusieurs fois ces trois dernières semaines. A ce jour je n’ai reçu aucune réponse, que ce soit du groupe ou du manager.
Cela est profondément décevant. Je ne sais pas qui conseille Radiohead, mais leur refus entêté de répondre aux critiques concernant leur concert fâcheux à Tel Aviv me fait penser qu’ils ne veulent entendre qu’un seul côté – celui qui soutient l’apartheid.
Yorke a dit qu’il ne penserait jamais à me dire “où travailler ou bien quoi faire ou boire.” Au contraire, moi je pense que nous devrions tous discuter de comment répondre aux appels d’une communauté oppressée. Dans ce cas, Radiohead devraient écouter leurs amis qui leur disent qu’en jouant à Tel Aviv ils sapent non seulement la lutte pour les droits humains mais aussi la réputation de Radiohead.
Les musiciens, artistes, écrivains, réalisateurs, organisations culturelles palestiniens nous ont demandé de nous engager dans un boycott culturel institutionnel d’Israël, tout comme cela avait été fait pendant l’apartheid en Afrique du Sud. Ils nous ont demandé, au minimum, de nous abstenir de saper leur lutte pour mettre fin à l’occupation militaire israélienne, qui aura 50 ans cette année, à la colonisation de leurs terres et à son système d’apartheid qui domine chaque aspect de leurs vies.
Yorke nous reproche de “balancer” le mot apartheid. La définition correspond, trop bien. Les hommes, femmes et enfants palestiniens sont dégagés de chez eux pour voir des colons israéliens s’y installer ; ils regardent leurs maisons se faire détruire alors que la construction illégale de maisons pour Juifs seulement continue de confisquer des terres palestiniennes ; ils voyagent sur des routes soumises à la ségrégation raciale et subissent l’humiliation aux check points et barrages routiers israéliens.
Les Palestiniens savent que les artistes qui ne respectent pas leur stratégie non- violente, peu importent les intentions, finissent par blanchir et aider à perpétuer cette injustice, alors qu’Israël continue d’ignorer le droit international et les résolutions de l’ONU.
Moi, ainsi que d’autres, désirons toujours rencontrer Yorke et ses collègues, avec des artistes palestiniens. Radiohead est un groupe important pour beaucoup de gens à travers le monde, pas seulement parce qu’ils sont d’éminents musiciens talentueux, mais aussi parce qu’ils sont perçus comme un groupe politiquement progressiste. Aucun d’entre nous ne veut les voir faire l’erreur d’avoir l’air de soutenir ou de cacher l’oppression israélienne. S’ils vont à Tel Aviv, ils ne l’oublieront probablement jamais.
Souvenez-vous de ce que le héros sud-africain contre l’apartheid, Desmond Tutu, nous a souvent dit : il n’est pas de neutralité dans les situations de grave injustice. Radiohead doit décider s’ils sont du coté de l’oppressé ou de celui de l’oppresseur. Le choix est simple.
Traduction: L.Gr pour BDS France
Source: Independent