Procès BDS : Réaction de Xavier Renou, porte-parole des Désobéissants
« BDS : du boycott aux sanctions »
Ça doit être la saison, les procès pleuvent. Bon, ça ne vous étonnera pas, les gouttes ne tombent pas sur tout le monde quand même. Même lorsque la Justice s’intéresse à eux, Woerth, ou Besson et Hortefeux, s’en tirent généralement sans accros. Mais les militants français de la campagne Boycott Désinvestissement Sanctions (BDS), eux, commencent à sentir le vent du boulet. La délicieuse Michèle Alliot-Marie, qui s’est déjà distinguée dans l’affaire des ultra-épiciers de Tarnac, leur a déclaré la guerre. Cette fois, ce n’est pas l’arlésienne du terrorisme qu’elle agite, mais la provocation à la discrimination et à la haine raciale, rien de moins. Le truc n’est plus très neuf, mais il marche encore : accusez, accusez, même de racisme et des militants de la solidarité, il en restera toujours quelque chose.
Faut dire qu’ils font fort, les militants de la Palestine : pour s’opposer à la vente de produits israéliens fabriqués dans les colonies, et inciter les entreprises occidentales à cesser leurs relations avec Israël, ils multiplient les intrusions ludiques et spectaculaires dans les hypermarchés Carrefour, histoire de décourager ceux-ci de vendre les fruits et légumes Jaffa et Carmel-Agrexco, auxquels il est reproché d’être directement produits sur des terres agricoles confisquées aux Palestiniens. Les magasins parfumés au cocktail pétrochimique de la chaîne Sephora ont également croisé le chemin de ces intrépides activistes qui ont convaincu pas mal de clients de se détourner des produits cosmétiques Ahava, dans la mesure où ils viennent du côté palestinien de la Mer Morte. Il arrive même que la question palestinienne s’invite chez le roi du crédit illimité et du lave-vaisselle pour nouveaux mariés, Darty : dans les magasins de cette enseigne sont vendus sous la marque allemande Brita des gazéificateurs d’eau ainsi que des accessoires fabriqués par un fournisseur israélien, Soda-Club, dont le site de production est situé à Mishor Adumin, une colonie de 35 000 habitants implantée en Cisjordanie. La liste ne serait pas complète si l’on n’évoquait pas les sympathiques chahuts organisés chez les encravatés de Dexia, la petite banque nécessiteuse à laquelle Sarkozy avait refilé trois milliards pendant la crise… accusée d’en avoir partagé une partie avec une bonne dizaine de colonies israéliennes.
En tant que telle, la campagne BDS, lancée en 2005 par 170 organisations de la société civile palestinienne, n’est pas bien différente de celle qui contribua jadis à mettre fin à l’apartheid. Aux grandes heures du racisme en short hollandais, alors que tous les gouvernements occidentaux se vautraient dans des formes plus ou moins dissimulées de soutien au régime de Pretoria, l’Europe militante, elle, s’était bougée pour boycotter les oranges Outspan et les échanges culturels et sportifs avec l’Afrique du Sud, et convaincre certaines entreprises occidentales de retirer leurs investissements. Certaines de ces entreprises font aujourd’hui l’objet de poursuites aux États-Unis pour leurs agissements aux côtés de l’apartheid…
Sauf qu’au lieu de voir Carrefour et consorts sanctionnés, ce sont les partisans du boycott qui sont aujourd’hui traînés devant les tribunaux par le gouvernement et diverses coquilles vides spécialisées dans le harcèlement judiciaire des militants de la cause palestinienne. La militante de la Ligue des droits de l’Homme de Bordeaux, Sakina Arnaud, a déjà pris 1 500 Euros d’amende en première instance, et passe en appel le 24 septembre. En octobre, on jugera des militants à Perpignan, d’autres à Paris, et même la sénatrice verte Alima Boumediene-Thiery. Le 29 novembre, c’est à Mulhouse que se poursuivra le combat judiciaire et politique pour la défense du droit à boycotter les produits issus de colonies. Pendant ce temps, la caravane humanitaire et désobéissante de l’ancien député britannique George Gallaway, Viva Palestina, traverse l’Europe en direction de Gaza, et le collectif Les Juifs européens pour une paix juste collectent de l’argent pour affréter un nouveau bateau pour Gaza. Un bateau à bord duquel n’embarqueront que des militants d’origine juive, histoire de tester les nerfs des commandos israéliens, et de donner un peu le mal de mer à une certaine Michèle Alliot-Marie, la ministre qui voit des antisémites partout… »
Xavier Renou
Source : http://lameche.org/