Le deuxième jour de la fête musulmane de l’Aïd al-Adha, des enfants palestiniens jouent dans ce qu’il subsiste du quartier al-Shujaiya à l’est de la ville de Gaza après les bombardements israéliens – Photo : APA/Mohammed Asad
Selon un communiqué publié le 1er octobre, les chercheurs appellent Israël à :
mettre fin à son siège de Gaza, à l’occupation et la colonisation de toutes les terres arabes occupées en juin 1967, et à démanteler les colonies et les murs
reconnaître les droits fondamentaux à la plein égalité des citoyens arabo-palestiniens d’Israël et des Bédouins du Néguev
respecter, protéger et promouvoir les droits des réfugiés palestiniens pour qu’ils reviennent dans leurs maisons et propriétés, comme stipulé dans la résolution 194 des Nations Unies.
La liste initiale des signataires contient plus de 250 noms, dont des universitaires des pays suivants : l’Australie, le Canada, la Chine, la Hollande, l’Inde, le Liban, la Palestine, la Suède, la Turquie, le Royaume-Uni et les États-Unis. Des collègues de l’Espagne, l’Irlande, la Belgique, le Chili, l’Égypte, la Finlande, la France, l’Allemagne, la Grèce, le Koweït, le Portugal, le Qatar, le Mexique, les Philippines et l’Afrique du Sud – entre autres – ont apporté leur soutien.
« L’agression militaire récente sur la bande de Gaza par Israël n’est que le dernier rappel que les gouvernements du monde et les médias dominants ne tiennent pas Israël responsable de ses violations du droit international, » note le communiqué, et justifiant ainsi l’action de la société civile.
Parmi les signataires se trouvent de grands noms dans le domaine de l’anthropologie, avec les professeurs Jean et John Comaroff de l’Université de Harvard, les professeurs Lila Abu-Lughod et Michael Taussig de l’Université de Columbia, Talal Asad de CUNY et Sherry Ortner et Susan Slymovics de l’UCLA.
La liste comprend également un certain nombre de spécialistes de la Palestine elle-même, avec Nadia Abou El Haj de Barnard College, Glenn Bowman, de l’Université de Kent, Julie Peteet de l’Université de Louisville et Rosemary Sayegh, probablement l’un des plus célèbres écrivains et chercheurs sur la Palestine depuis les années 1970.
Mais les organisateurs ont également noté : « En outre, 46 chercheurs ont choisi de signer cette déclaration anonymement » et au moins quarante d’entre eux étaient des universitaires non titulaires, stagiaires post-doctoraux ou des étudiants diplômés. Cela semble suggérer que le personnel universitaire sans protection d’emploi craint d’être victimes de harcèlement ou de discrimination s’il parle des droits des Palestiniens.
Le groupe d’anthropologues se joint à un certain nombre d’associations universitaires des États-Unis, dont l’American Studies Association, l’African Literature Association, l’Association for Asian American Studies et la Native American and Indigenous Studies Association dans le soutien à l’appel palestinien au boycott des institutions universitaires israéliennes.
Ce faisant, les anthropologues s’engagent « à ne pas collaborer sur des projets et des événements organisés ou financés par des institutions universitaires israéliennes, de ne pas enseigner ou d’assister à des conférences ou d’autres événements de ces établissements, et de ne pas publier dans des revues académiques basées en Israël. » Mais, comme avec d’autres partisans du boycott : « Ils restent ouverts à la collaboration avec des chercheurs individuels basés dans les universités israéliennes. »
Du colonialisme à la solidarité
En plus du support à l’appel à un boycott universitaire, l’annonce indique que l’anthropologie en tant que discipline « se spécialise dans la façon dont le pouvoir, l’oppression et la violence structurelle affectent la vie sociale, et en tant que témoins des multiples et flagrantes violations commises par l’État d’Israël à l’égard du droit international qui constituent une atteinte à la culture et de la société palestinienne, [les signataires] s’engagent à respecter l’engagement pris par leur discipline à la promotion et la protection du droit à la pleine réalisation de leur humanité des personnes et des peuples partout dans le monde. »
La déclaration souligne également l’histoire de l’anthropologie comme discipline qui, après avoir commencé avec des liens étroits avec le colonialisme, s’est efforcée de devenir un moyen de soutenir l’autodétermination et la libération des peuples avec lesquels elle travaille.
« En réponse à l’appel palestinien, » poursuit le communiqué, « nous cherchons à pratiquer ce que l’[American Anthropological Association] appelle une anthropologie impliquée » qui est « engagée à soutenir les efforts de changement social qui résultent de l’interaction entre les objectifs communautaires et la recherche anthropologique. La recherche anthropologique a mis en évidence les effets destructeurs de l’occupation israélienne sur la société palestinienne. »
En plus de reconnaître les profonds impacts de l’occupation israélienne et de son militarisme sur peuple palestinien, la déclaration précise également les effets particuliers sur l’enseignement supérieur – y compris les récents raids sur un certain nombre d’universités palestiniennes, parmi lesquelles l’Université de Birzeit, l’Université arabo-américaine de Jénine et l’Université Al-Quds à Jérusalem, ainsi que la destruction d’une grande partie de l’Université islamique de Gaza.
Cela est explicitement en contraste avec le « soutien inconditionnel » promis pour l’armée israélienne par certaines universités, dont l’Université de Tel Aviv, l’Université hébraïque, l’Université Bar-Ilan, l’Université d’Haïfa, l’Université Ben Gourion et le Technion.
La déclaration des anthropologues, tout en distinguant la connexion « intime » entre le monde universitaire israélien et le militarisme, note également que les anthropologues ont pris de fortes positions éthiques sur d’autres pays et organisations complices de violations des droits de l’homme, dont le régime d’apartheid sud-africain, les agresseurs des communautés autochtones et des droits des minorités au Chili, au Brésil et en Bulgarie, le régime brutal de Pinochet au Chili, et pour les boycotts commerciaux, y compris ceux de la chaîne d’hôtels Hilton et Coca-Cola.
La déclaration complète et la liste des signataires peuvent être consultées à : http://anthroboycott.wordpress.com, ainsi que les coordonnées utiles pour ceux qui souhaitent ajouter leur nom à la liste.
* Sarah Irving est un écrivain et éditrice, auteur d’une biographie de Leila Khaled et du Bradt Guide to Palestine, co-éditrice de A Bird is Not a Stone (un volume de poésie palestinienne traduit dans les langues de l’Ecosse), et doctorante à l’Université d’Edimbourg. Elle a travaillé et voyagé en Palestine depuis 2001.