Christiane Taubira, il faut abroger la circulaire Alliot-Marie qui criminalise l’action des militants anticolonialistes
Le 12 février 2010, la Garde des Sceaux de l’époque, Michèle Alliot-Marie signait une directive ordonnant aux procureurs de la République d’engager des poursuites pénales contre tout personne appelant les consommateurs à ne pas acheter les produits israéliens. Un simple texte interne à l’administration s’autorisait ainsi une interprétation de la loi pénale sanctionnant d’un an d’emprisonnement et 45.000€ d’amende le fait « d’entraver une activité économique ou d’inciter à le faire ». Cette interprétation bafoue les deux lois sur lesquelles elle prétend se fonder et qui n’ont d’ailleurs rien à voir entre elles (au mépris du principe de l’interprétation stricte qui prévaut en droit pénal): 1) la loi du 7 juillet 1977 contre le boycott par certaines d’entreprises françaises (donc des personnes morales) ayant des relations commerciales avec Israel au motif que ce sont les pouvoirs publics qui ont le monopole du boycott. 2) l’article 24, al.9 de la loi de 1881 sur « les provocations à la discrimination, la haine ou la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe, orientation sexuelle ou handicap » (disposition issue de la loi du 30 décembre 2004 créant la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité).
A l’évidence, ces textes de loi ne visent pas les citoyens menant des actions de dénonciation de la politique de certains gouvernements et d’entreprises qui participent et bénéficient de celle-ci ( pour mémoire les oranges Outspan boycottés par les antiracistes après la condamnation de Mandela à la prison à vie en 1964). Or la circulaire Alliot-Marie veut criminaliser la société civile engagée dans la lutte contre les violations par l’Etat d’Israel du droit international (32 résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies, un arrêt de la Cour de Justice sur la construction du mur en Cisjordanie, des condamnations des bombardements massifs sur Gaz en 2008) et tout spécialement de la poursuite de la colonisation des territoires palestiniens. Le gouvernement d’Israel viole constamment ses engagements commerciaux avec l’Union Européenne qui tient les colonies pour illégales et les considère même comme des crimes de guerre selon la 4° Convention de Genève. C’est pourquoi, l’Union Européenne refuse d’accorder un privilège douanier à leurs produits. Et à partir du 1° janvier prochain les pays membres de l’UE imposeront un boycott des produits fabriqués dans les territoires occupés et n’autoriseront plus le financement de projets scientifiques dans lesquels seraient impliqués des chercheurs ou des institutions aux colonies.
Dans ce contexte le maintien en vigueur de cette directive Alliot-Marie est une incongruité: elle est tout simplement contraire à la liberté d’expression en criminalisant le débat d’idées. Elle veut enrayer la dynamique de la campagne « Boycott, Désinvestissement, Sanctions » lancée en juillet 2005 et qui n’en finit pas de s’étendre avec succès jusqu’en Israel. La France est le seul pays « occidental » à pénaliser ainsi le débat démocratique, ce qui n’avait rien d’étonnant sous « l’Empire » Sarkozy mais devient une anomalie scandaleuse dans la « République normale » de François Hollande. Des militants anti-colonialistes continuent à être trainés devant les tribunaux en raison de leur action pour la justice et le respect du droit.
Vous devez donc, Christiane Taubira abroger sans tarder cette directive scélérate, condamnée par toute un flopée de juristes et même de procureurs contraints de l’appliquer. Le boycott et l’arme des pauvres contre les puissants, des opprimés contre la domination; bref, celle du camp auquel vous appartenez fièrement. Ne le décevez pas.