Sur cette terre il y a ce qui fait vivre malgré tout :
L’hésitation d’avril, l’odeur du pain, …
le début de l’amour,
de l’herbe sur une pierre, …
et chez le conquérants, la crainte de la mémoire.
–Mahmoud Darwish
Même 75 ans après la destruction de la patrie palestinienne et le nettoyage ethnique de la plupart des peuples indigènes de Palestine par les milices sionistes et plus tard par l’armée israélienne, malgré aussi la Nakba encore en cours, en particulier les massacres continus à Gaza, il y a a sur cette terre beaucoup de choses qui « font vivre malgré tout ». La promesse d’une liberté et d’une justice retrouvées, du retour des réfugiés sur leurs terres, de l’autodétermination, des retrouvailles de l’ensemble de notre peuple, de l’odeur par les belles matinées palestiniennes du pain frais taboon, indemne des douleurs que nous infligent les deuils qui n’en finissent plus de nos martyrs et de notre terre volée.
Dans le monde entier, nombreux sont ceux qui assistent au massacre de familles entières dans la bande de Gaza occupée et assiégée, y compris au meurtre intentionnel de nos enfants dans leur sommeil, une fois de plus. Il y a quelques semaines, ils ont assisté au dernier pogrom israélien perpétré par des milices fascistes judéo-israéliennes contre des palestiniens à Huwara, près de Naplouse, dans le Territoire palestinien occupé. Beaucoup ont entendu le Haut ministre du gouvernement israélien, Bezalel Smotrich, un « fasciste » autoproclamé, inciter au terrorisme d’État en déclarant : « Je pense que Huwara doit être effacé. C’est à l’État de le faire ». Beaucoup doivent garder en souvenir les massacres répétés d’Israël visant les deux millions de palestiniens dans la bande de Gaza assiégée. Beaucoup ont sans doute vu la violence sauvage déclenchée à plusieurs reprises par les forces israéliennes et les colons fondamentalistes fascistes contre les fidèles et les lieux saints palestiniens musulmans et chrétiens. Mais les mêmes qui constatent semblent souvent ignorer que les pogroms, les massacres, la violence coloniale et les actes de génocide contre les palestiniens sont aussi israéliens que l’est leur drapeau.
En 2008, le chef du Parti travailliste, Matan Vilnai, a menacé les Palestiniens d’un » Holocauste encore plus terrible » si les groupes de résistance n’arrêtaient pas leurs représailles armées contre le siège criminel mené par Israël et contre les violentes attaques sur la bande de Gaza. Une erreur récente des censeurs israéliens a accidentellement révélé des documents secrets révélant que le premier Premier ministre israélien, David Ben Gourion, s’était fait le champion de « l’anéantissement » des villages palestiniens pendant la Nakba de 1948. Un ministre de son premier gouvernement a même déclaré : « Disons que des cas de viol ont eu lieu à Ramle [la ville palestinienne ethniquement nettoyée]… Je peux pardonner ces viols, mais il y a des actes que je ne puis pardonner », comme retirer de force, dit-il, « des bijoux aux femmes ». Ben Gourion a mené la campagne planifiée de nettoyage ethnique contre la majorité des palestiniens indigènes, un crime contre l’humanité auquel l’actuel ministre de la « Sécurité nationale », l’ israélien d’extrême droite, Itamar Ben-Gvir, condamné pour avoir soutenu le terrorisme, ne pourrait qu’imaginer dans ses rêves. De Ben Gourion à Ben Gvir, la Nakba continue.
Pourtant, le nouveau gouvernement d’extrême droite d’Israël est le plus raciste, fondamentaliste, corrompu, autoritaire, sexiste et homophobe de tous les temps, et ceci sans tentative de dissimulation. Cela constitue une escalade dans le régime d’oppression coloniale infligé par Israël aux palestiniens autochtones, un régime qui existe depuis la création d’Israël comme colonie de peuplement en Palestine. Il s’accompagne, dans une rupture potentiellement irréversible avec le statu quo, de plans ambitieux de « réformes » judiciaires, sociales et culturelles affectant la société juive israélienne dans son ensemble. Des mois d’instabilité économique, des bouleversements sans précédent dans le secteur prisé de la haute technologie et une accélération de la fuite des capitaux ont déjà amené Moody’s à revoir à la baisse les perspectives de crédit d’Israël, . Cela donne aux défenseurs des droits des palestiniens dans le monde entier, en particulier au sein du mouvement BDS, un devoir de réagir et une opportunité sans précédent depuis 75 ans.
Cependant, les opportunités seules ne conduisent pas au changement ; ils ne font que lui fournir un terrain fertile. Le mouvement antiraciste BDS, dirigé par la plus grande coalition palestinienne de tous les temps, offre la forme de solidarité la plus efficace avec la lutte de libération palestinienne. Après 75 ans de colonialisme et d’apartheid, et face à un gouvernement israélien qui a jeté tous les masques, nous exigeons la reconnaissance internationale que le régime d’oppression d’Israël peut être qualifié de régime apartheid. Nous exigeons aussi, en accord avec leurs obligations fixées par la loi et leur devoir moral de ne pas nuire, la fin de la complicité de l’État, des entreprises et des institutions avec ce régime. C’est la solidarité et point la charité qui l’exige.
Nous appelons nos partenaires du monde entier à saisir cette opportunité sans précédent pour renforcer le pouvoir du peuple. Il faut agir simultanément sur ces deux plans :
- Élargir nos coalitions de principe et intersectionnelles pour développer nos campagnes de boycott et de désinvestissement culturels, universitaires, sportifs et économiques, et aussi pour exhorter les institutions « mainstream », y compris l’ONU, à imposer des sanctions ciblées jouissant d’un cadre légal dans le but de démanteler l’apartheid israélien, tout comme l’apartheid sud-africain le fut à son époque; et
- Former de nouvelles alliances tactiques avec les nombreux nouveaux critiques du régime israélien d’extrême droite. Si beaucoup de choses nous séparent, nous sommes néanmoins d’accord sur la nécessité d’exercer sur le gouvernement israélien une pression significative. Cela implique à tout le moins de réduire le commerce militaro-sécuritaire et le financement militaire selon le contexte ; d’interdire l’importation des biens des colonies ; et d’appeler au désinvestissement des obligations israéliennes et des sociétés et banques qui financent ce régime.
Comme le dit le poète palestinien Mahmoud Darwish, la mémoire taraudante des conquérants colonisateurs, les souvenirs des peuples autochtones dépossédés, déplacés et colonisés, sont aussi des sources d’espoir. Cela nous rappelle, à l’heure la plus sombre de l’oppression, que, malgré leur puissance, nous pouvons vaincre et nous vaincrons. Ils ne sont pas seulement en faillite morale ; ils redoutent notre résilience, notre résistance, notre sumud [détermination] et nos souvenirs fertiles, certes de leur conquête coloniale et de leur régime d’apartheid, mais aussi de la beauté, de la dignité et de l’amour qui l’ont précédée et qui renaîtront de leurs cendres sans aucun doute après son effondrement.