Menu
08/11/16

Martine Gozlan confond son journal avec un organe de propagande

Paris, le 8 novembre 2016

Martine Gozlan confond son journal avec un organe de propagande

Cela fait maintenant plusieurs années que Martine Gozlan s’éloigne du professionnalisme qu’exige son métier de journaliste, en remplissant les pages du journal Marianne de postures idéologiques et d’approximations pour le moins problématiques auxquelles nous devons aujourd’hui répondre. Non contente de publier ses opinions hostiles à l’islam, s’étant auto-proclamée spécialiste de cette question, elle s’exprime aujourd’hui sur le conflit israélo-palestinien dont elle se dit également experte. Pourtant, à l’instar des discours d’un porte-parole du gouvernement israélien, son argumentaire ressemble davantage à de la propagande qu’à de l’information journalistique.

Si Mme Gozlan voulait critiquer la Campagne BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions contre l’apartheid israélien), il faudrait au moins qu’elle en lise les textes fondateurs, comme n’importe quel journaliste se doit de le faire. Certes, elle a bien identifié cette campagne comme étant la meilleure stratégie contre l’apartheid israélien, et donc la principale cible de ses foudres, mais elle prétend y trouver des contradictions là où il n’y en a aucune (Ivry-sur-Seine : Les dessous du boycott d’Israël, Martine Gozlan, Marianne, le 5 novembre 2016).

Mme Gozlan sous-entend par exemple que la Campagne BDS prône une solution « à un État » en Palestine alors que, soucieuse du droit international, elle ne fait aucune proposition en ce sens et se contente de rappeler les fondements des droits humains, du droit international et du respect des résolutions des Nations Unies qu’Israël viole depuis 70 ans : fin de l’occupation, démantèlement du Mur et du blocus de Gaza, égalité entre citoyens quelle que soit leur confession, retour des réfugiés dans leurs foyers. C’est également dans un souci démocratique qui fait défaut à Mme Gozlan que nous en appelons aux seules populations concernées de se déterminer par elles-mêmes, comme le stipule l’ONU.

Mme Gozlan sous-entend également que nous, actrices et acteurs de la Campagne BDS, nous intéressons aux quartiers défavorisés, au racisme systémique, à l’islamophobie, aux violences policières, au sort tragique de Zyad et Bouna, etc (la photographie ci-dessus montre la participation de la Campagne BDS France à Nuit Debout, à Paris en mai 2016). C’est un honneur involontaire qu’elle nous fait, de reconnaître que notre solidarité avec le « peuple palestinien martyr » n’est pas une obsession anti-israélienne, mais qu’elle se situe dans un cadre plus large de lutte contre l’oppression, pour la justice sociale et pour l’égalité des droits, en France et dans le monde entier.

Mais ce qui caractérise la prose de Mme Gozlan, c’est son goût pour les associations absurdes. D’un paragraphe sur le boycott des produits israéliens, elle dérive sur le sort de la communauté juive d’Ivry. Paradoxalement, cette dérive pourrait elle-même relever de l’antisémitisme, associant tous les Juifs à l’État israélien, alors que seule la politique de cet État est visée par la Campagne BDS, et non pas une communauté. De la communauté juive, qu’elle décrit forcément comme discrète et inquiète, elle dérive sur la mosquée d’Ivry, la Charia et finalement sur le Hamas. A l’instar de Bernard-Henri Lévy qui, à court d’arguments, traite la Campagne BDS de « nazie », sans doute est-ce le manque de place (3 pages dans Marianne, quand même) qui empêche Mme Gozlan d’être subtile dans ses transitions, dans ses allusions et dans les tentatives de manipulation de ses lecteurs qu’elle imagine beaucoup plus naïfs qu’ils ne le sont vraiment.

Mme Gozlan représente l’un des derniers relais de la propagande israélienne dont plus personne n’est dupe, et son stratagème cousu de fil blanc est aujourd’hui éventé. Il n’empêche plus les conseils municipaux de villes progressistes françaises (comme Bondy ou Ivry), espagnoles, anglaises ou sud-africaines de voter des motions de soutien à BDS et à ses militant.e.s poursuivi.e.s. Il n’empêche pas des associations comme la FIDH, Amnesty International, ou plus récemment la Cimade, de soutenir publiquement le droit à BDS. Il contraste singulièrement avec l’expression de la Haute représentante de l’Union Européenne, Federica Mogherini qui, affirmant le droit à la liberté d’expression des militant.e.s BDS, ouvre la voie à la Cour européenne des droits humains d’annuler la décision inique de la Cour de cassation française de limiter la liberté d’expression dans le cas d’un appel au boycott des produits israéliens.

D’autres villes voteront d’autres résolutions, c’est le sens de l’histoire. La Campagne BDS continuera de croître et de se multiplier, de s’étendre et d’engranger des succès. Mme Gozlan doit s’y préparer, en reprenant des cours de journalisme et d’histoire, ou en faisant vœu de silence.

Jean-Pierre Bouché, Jean-Guy Greilsamer, Imen Habib, Perrine Olff-Rastegar et Dror Warschawski, actrices et acteurs de la Campagne BDS France