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07/10/22

Lettre ouverte du PHROC à Siemens concernant l’EuroAsia Interconnector

Lettre ouverte du Conseil des organisations palestiniennes de défense des droits de l’homme appelant Siemens à respecter le droit international humanitaire et les droits de l’homme dans le cadre de l’implication des entreprises dans l’EuroAsia Interconnector.

Date d'origine : 05/10/2022
Auteur : Comité national palestinien BDS (BNC)
Source : BDS Movement
Traduit par : MUV

Au Conseil d’administration de Siemens Energy

• M. Christian Bruch

• Mme Maria Ferraro

• M. Karim Amin

• M. Tim Oliver Holt

Objet : Devoir accru de Due Diligence en matière de droit international humanitaire et de droits de l’homme dans le cadre de la participation de votre entreprise au projet EuroAsia Interconnector.


Chers membres du conseil d’administration de Siemens Energy,

Par cette lettre, le Conseil des organisations palestiniennes de défense des droits de l’homme (PHROC) vous demande de traiter une question urgente concernant l’engagement du groupe Siemens à respecter les droits de l’homme dans l’ensemble de ses activités commerciales.

Nous comprenons que Siemens a obtenu le contrat PCI 3.10 « EuroAsia Interconnector VSC HVDC Converters » pour les travaux sur l’EuroAsia Interconnector à exécuter en Crète et en Attique en Grèce, à Chypre et en Israël.

À cet égard, nous souhaitons nous assurer que les décideurs de votre entreprise sont conscients que EuroAsia Interconnector est un projet très problématique en termes de droit international humanitaire (DIH) et de normes relatives aux droits de l’homme. Comme nous l’expliquons en détail dans notre dossier juridique, cela tient au fait que le réseau électrique national d’Israël, qui sera relié au réseau européen par cet interconnecteur, dessert – de manière indissociable et à dessein – les colonies illégales d’Israël dans le Territoire palestinien occupé (TPO).
Ces colonies résultent du transfert forcé de populations palestiniennes autochtones et de l’annexion de facto de terres palestiniennes occupées. Par conséquent, elles ont été systématiquement condamnées dans les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et de l’Union européenne comme une « violation flagrante du droit humanitaire international ». Tous les financements et travaux sur le segment Israël-Chypre du EuroAsia Interconnector équivalent à une reconnaissance de ces colonies illégales et contribuent à leur maintien et à leur expansion, impliquant les États et les entreprises dans les graves violations de la Quatrième Convention de Genève et les crimes de guerre qui y sont associés et sur lesquels la Cour pénale internationale enquête actuellement.

L’Union européenne n’a pas contesté les faits et les conclusions juridiques ci-dessus concernant l’EuroAsia Interconnector. En réponse à des réunions d’information et à des questions parlementaires, la Commission européenne a plutôt réitéré la position de l’UE sur l’illégalité des colonies israéliennes dans le TPO, tout en expliquant que « la liaison [de l’interconnecteur] avec Israël est un projet commercial » (c’est-à-dire qu’il ne reçoit pas de financement de l’UE) et qu’il n’en est « qu’au stade de la planification ». En outre, reconnaissant le contexte de l’occupation et des violations systémiques du DIH et des droits de l’homme, de nombreux États membres de l’UE, dont l’Allemagne, ont émis des conseils aux entreprises dès 2016, mettant en garde contre les risques financiers, juridiques et de réputation découlant des affaires réalisées dans le TPO, en particulier dans les colonies illégales d’Israël ou à leur profit.

À la lumière des graves impacts négatifs sur le DIH et les droits de l’homme de l’EuroAsia Interconnector  tel qu’il est planifié – et notant que Siemens poursuit une politique des droits de l’homme basée sur les Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, les Principes directeurs de l’OCDE pour les entreprises multinationales et la Déclaration universelle des droits de l’homme et aborde explicitement, entre autres, les risques pour les droits de l’homme dans les Territoires occupés – nous attendons de Siemens qu’elle s’abstienne de toute implication commerciale dans le projet EuroAsia Interconnector  qui bénéficie et contribue au maintien et à l’expansion des colonies illégales d’Israël dans les TPO, y compris Jérusalem-Est.

En 2011, une filiale de l’opérateur ferroviaire public allemand Deutsche Bahn s’est retirée d’un contrat de 1,2 milliard d’euros pour la construction d’une voie ferrée entre Jérusalem et Tel Aviv parce qu’elle traverse le Territoire palestinien occupé. D’autres sociétés multinationales, telles que Veolia, Orange, G4S et General Mills ont mis fin à des contrats et des opérations qui les avaient impliquées dans les violations du DIH et des droits de l’homme par Israël.

Dans cette optique, nous espérons recevoir votre réponse rapide à cette lettre, expliquant si et comment Siemens Energy respectera le DIH et les droits de l’homme dans les TPO et évitera/annulera les travaux sur le segment Israël-Chypre de cet interconnecteur.

Enfin, nous vous demandons de traiter cette demande comme une question d’urgence. En l’absence de rectification effective de sa position par Siemens, la société civile palestinienne sera contrainte de lancer une campagne internationale de boycott du groupe Siemens, à l’instar des campagnes menées par le passé contre les entreprises impliquées dans le régime d’apartheid en Afrique du Sud.

Au nom du Conseil des organisations palestiniennes de défense des droits de l’homme, avec mes meilleures salutations,

Ashraf Abu Hayyeh