Nous, soussignés, sommes un groupe de chercheurs, artistes, journalistes et militants iraniens profondément préoccupés par la récente décision de Mohsen Makhmalbaf cinéaste iranien à prendre part au Festival international du film de Jérusalem du 03 au 14 juillet 2013. Sa participation fait fi de l’appel international pour le Boycott, le Désinvestissement et Sanctions (BDS) de l’État d’Israël demandé par la société civile palestinienne en 2005, ainsi que l’appel spécifique pour le Boycott Universitaire et Culturel d’Israël publié en juillet 2004.
En tant qu’êtres humains de conscience, nous sommes profondément choqués et attristés par la brutalité que les palestiniens subissent aux mains de l’occupation israélienne et nous sommes en faveur du mouvement mondial non-violent BDS qui cherche à faire pression sur Israël pour mettre en œuvre une solution juste et équitable à la purification ethnique de 1948, à l’occupation des terres palestiniennes depuis 1967, et à la mise en œuvre actuelle d’un système d’apartheid.
Nous sommes profondément consternés par l’indifférence que montre M. Makhmalbaf au mouvement mondial pour les droits humains des palestiniens et le soutien implicite de la politique d’apartheid d’Israël que représente sa décision d’assister à un festival de films directement parrainé par le gouvernement israélien, en particulier étant donné qu’il sera bien en vue honoré par le festival avec un hommage spécial.
Mohsen Makhmalbaf est un cinéaste iranien de renom qui pendant des années a représenté en grand détail les dures réalités des secteurs les plus marginalisés de la société iranienne. Son film de 1989, Mariage de la Vierge, par exemple, met en scène la réalité de la guerre Iran-Irak et nous a montré les luttes politiques et éthiques de sujets ordinaires dans des contextes violents. Il nous a montré comment témoigner de la réalité de la violence. Sa poursuite persistante de la vérité et la justice lui a contraints s’exiler de sa patrie. Comment pouvons-nous oublier ce qu’il nous a enseigné lui-même lorsque le sort des Palestiniens exige aujourd’hui un tel règlement?
Nous sommes profondément préoccupés qu’un artiste si à l’écoute de la brutalité de la violence d’Etat dans son pays natal aurait un mépris absolu pour le mouvement non-violent mondial BDS et son travail pour faire pression pacifiquement pour que l’Etat d’Israël respecte les droits humains palestiniens. En tant qu’iraniens qui condamnont les réalités quotidiennes de l’oppression et de la violence d’Etat en Iran, nous trouvons qu’il est inacceptable que M. Makhmalbaf a accepté de prendre part au Festival International du Film de Jérusalem.
Nous aimerions saisir cette occasion pour rappeler à M. Makhmalbaf le fait que la société civile palestinienne a lancé un appel aux artistes internationaux de ne pas prendre part à des événements culturels qui se déroulent en Israël alors qu’Israël continue d’ignorer les résolutions des Nations Unies, à bafouer le droit international, et à priver le peuple palestinien de ses droits humains les plus élémentaires. Au cours des trois dernières années, de nombreux artistes de renom ont répondu à l’appel en refusant de comparaître en Israël, et d’autres qui avaient initialement accepté cette invitation ont annulé leurs représentations, préférant montrer leur soutien à la lutte du peuple palestinien contre l’oppression israélienne.
Se produire en Israël aujourd’hui est une déclaration politique. Israël admet ouvertement qu’il se sert d’événements culturels comme des outils de propagande, et nous n’avons aucun doute qu’il va utiliser l’image de M. Makhmalbaf dans sa campagne mondiale pour camoufler sa violation systématique des droits humains les plus élémentaires du peuple palestinien. La présence de M. Makhmalbaf sera instrumentalisée comme symbole de la «tolérance» israélienne alors qu’Israël continue d’appliquer la plus intolérante des politiques coloniales contre les palestiniens, et préconise les sanctions et paralysant et sans précédent contre les Iraniens. Les films de M. Makhmalbaf seront projetés devant un public ségrégué. Seuls quelques-uns de ses fans palestiniens de Gaza ou Cisjordanie seront autorisés à venir voir ce film, sans prendre en compte les 4,5 millions de réfugiés palestiniens d’ailleurs qui à qui la libre circulation dans leur patrie est refusée.
Le Festival international du film de Jérusalem se tiendra au Cinémathèque de Jérusalem, située entre trois villages palestiniens qui ont été nettoyés ethniquement par l’Etat d’Israël en 1948. Les ruines de ces villages surplombent aujourd’hui la Cinémathèque. Nous ne pouvons pas oublier, tel que le veut le gouvernement israélien, l’histoire et la mémoire de Dayr Aban (population en 1948: 2.436), Jerash (population en 1948: 220), et Bayt Nattif (population en 1948: 2.494), ainsi que la lutte de leurs descendants réfugiés qui comptent aujourd’hui plus de 30.000. Nous demandons à M. Makhmalbaf, dont les films sont des rappels de la vie dans les ruines et les déplacements de se souvenir et de la poursuite des déplacements des Palestiniens par le gouvernement israélien en rejoignant le mouvement BDS.
Comme Iraniens nous-mêmes, nous connaissons les réalités de l’oppression par l’État, la violence et la brutalité contre des civils innocents. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne la communauté baha’ie, le sujet du dernier film de Makhmalbaf. Nous reconnaissons la répression qui a conduit à l’exil de M. Makhmalbaf, et nous sympathisons avec sa souffrance en tant que cinéaste qui a été persécuté par le régime iranien. En même temps nous insistons à nouveau sur les responsabilités politiques et éthiques de nous, êtres humains, de résister à l’oppression et à la tyrannie, où que ce soit.
Nous ne pouvons pas en bonne conscience soutenir M. Makhmalbaf dans sa décision qui sera inévitablement considérée comme une validation de l’occupation israélienne, de l’apartheid et du nettoyage ethnique. Nous demandons non seulement que M. Makhmalbaf soutienne le Mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions, mais qu’il soit un messager de libération pour tout le monde, y compris les Palestiniens et les Iraniens.
Source: http://www.jadaliyya.com/pages/index/12878/open-letter-to-filmmaker-mohsen-makhmalbaf_please
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