Ci-dessous, deux lettres ouvertes à Vieux Farka Touré, l’une du PACBI et l’autre de BDS Afrique du Sud…
Lettre ouverte de PACBI (La campagne palestinienne pour le boycott universitaire et culturel d’Israël) à Vieux Farka Touré:
Vieux Farka Touré : Ne Déshonorez pas la Musique Malienne et son Héritage Culturel en allant Divertir l’Apartheid Israélien
PACBI, le 13 juin 2015 (Traduction : J. Ch.)
http://www.pacbi.org/etemplate.php?id=2729
La campagne palestinienne pour le Boycott Universitaire et culturel d’Israël (PACBI) est profondément désolée d’apprendre que vous avez programmé votre participation au Festival de Jazz d’Eté de la Mer Rouge qui se tiendra à Eilat du 23 au 26 août 2015.[1] Nous vous écrivons pour vous exhorter à ne pas associer votre nom au régime d’oppression israélien en annulant votre participation à ce festival de jazz.
Peut-être ne le savez vous pas, mais les Palestiniens résistent au colonialisme de peuplement et à l’apartheid d’Israël depuis 65 ans. Il ne s’agit pas d’un conflit entre Musulmans et Chrétiens qui combattraient les Juifs sur un terrain religieux, il s’agit plutôt d’une population indigène qui résiste aux colonisateurs. Cela ressemble beaucoup à la résistance malienne au colonialisme français et à la résistance sud-africaine au régime d’Apartheid.
En 1948, l’État d’Israël s’est établi en dépossédant systématiquement et en nettoyant ethniquement plus de 750.000 natifs Palestiniens afin de créer un Etat exclusivement juif ; Israël a dénié aux réfugiés palestiniens, dont le nombre dépasse aujourd’hui les 7 millions de personnes, le droit internationalement reconnu de revenir dans leurs foyers. Israël continue par ailleurs à chasser les Palestiniens d’origine de leurs maisons à Jérusalem et dans le Naqab (Neguev) [2]. Et en plus de l’occupation et du déni de droits des réfugiés palestiniens, Israël conserve plus de 50 lois racistes discriminatoires envers ses citoyens « non-juifs », les citoyens palestiniens d’origine de l’État. [3]
L’été dernier, Israël a commis ce que certains dirigeants mondiaux ont considéré comme un massacre [4] contre les Palestiniens assiégés de Gaza, tuant plus de 2.200 Palestiniens, dont plus de 500 enfants [5). L’agression israélienne qui a duré 51 jours a annihilé des familles entières dans leurs maisons [6]. Tout ce qui reste de ces familles, ce sont les rapports officiels disant qu’ils ont existé. Un chant raciste israélien se moque des centaines d’enfants palestiniens assassinés par Israël pendant le massacre qu’il a perpétré à Gaza. : « Demain, il n’y aura pas école à Gaza, ils n’ont plus aucun enfant. »[7] Vous produire en Israël, ce serait envoyer à tous les Palestiniens un message comme quoi nos vies ne comptent pas et que nos droits fondamentaux ne sont pas dignes de considération.
De plus, Idan Raichel, avec qui vous allez jouer en concernt, a publquement soutenu la torture et a explicitement décrit son rôle d’artiste en termes de soutien inconditionnel à l’armée israélienne et au gouvernement israélien. En juin 2014 dans le Jerusalem Post, il a écrit : « En créant ce projeet musical, nous nous sentons comme si nous étions les ambassadeurs culturels d’Israël. » Et il a ajouté : « Quand je me penche sur ces dernières années, je vois un Israël qui me plaît. » [8]
Pourquoi accepteriez vous de vous produire dans un pays aussi lourdement impliqué dans des crimes de guerre et dans la violation des droits de l’Homme ? Présenter un spectacle en Israël en ce moment serait comme avoir présenté un spectacle aux oppresseurs d’ Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid. Nous avons tous en mémoire la façon dont des musiciens de premier plan ont joué un rôle éminent pour renforcer le boycott culturel de l’Afrique du Sud dans les années 1980. Comme l’ont sans cesse déclaré l’archevêque Desmond Tutu et le ministre sud-africain Ronnie Kasrils, Israël a créé un système d’apartheid pire qu’il n’en a jamais existé en Afrique du Sud. Comme le déclare l’archevêque Tutu, « Si vous êtes neutre devant des situations d’injustice, vous avez choisi le parti de l’oppresseur. »
En 2004, inspirée par le boycott culturel triomphant de l’Afrique du Sud de l’apartheid et soutenue par les principaux syndicats et associations culturelles palestiniens, PACBI a lancé un appel à la résistance sous la forme d’un boycott universitaire et culturel des institutions impliquées dans l’occupation et l’apartheid israéliens [9]. Dans cette lettre que nous vous adressons, nous souhaitons souligner l’importance de cet appel palestinien et mettre l’accent sur le bien-fondé du mouvement mondial de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) contre Israël.
L’appel palestinien de 2004 demandait aux artistes internationaux de refuser de se produire en Israël ou de participer à des événements servant à mettre à égalité l’occupant et l’occupé [10] et à contribuer ainsi à la poursuite de l’injustice. Par la suite, en 2005, une majorité écrasante de la société civile palestinienne a appelé à une campagne BDS globale fondée sur les principes des droits de l’Homme, de justice, liberté et égalité [11]. Le mouvement BDS adopte une stratégie non violente moralement cohérente pour tenir Israël pour responsable selon les mêmes normes de droits de l’Homme que les autres nations. Il demande aux artistes de tenir compte de l’appel au boycott jusqu’à ce que « Israël se retire de toutes les terres occupées en 1967, y compris Jérusalem Est, retire toutes ses colonies de ces territoires, se conforme à toutes les résolutions des Nations Unies concernant la restitution des droits des réfugiés palestiniens, et démantèle son système d’apartheid. »[12]
Vous produire en Israël constituerait un rejet de l’appel de plus de 170 organisations de la société civile qui composent le mouvement palestinien BDS.
Aujourd’hui, la dernière cible de la politique raciste coloniale d’Israël, ce sont les environ 60.000 migrants africains qui sont entrés dans le pays pour chercher un abri en tant que réfugiés, fuyant souvent la persécution dans leur pays d’origine. Au lieu de leur offrir une protection, Israël regarde les migrants africains comme une menace pour le caractère de l’identité juive de l’Etat » [13]. Sous ses lois racistes, les demandeurs d’asile africains risquent d’être emprisonnés jusqu’à un an et de se voir offrir une petite somme d’argent pour quitter le pays [14]. Pourquoi un artiste aussi talentueux que vous prêterait-il son nom à un tel régime ?
Le combat des indigènes palestiniens et des demandeurs d’asile africains serait mieux servi si vous vous en teniez à une position de principe contre l’oppression raciste et coloniale d’Israël en refusant de venir divertir l’apartheid israélien. Comme l’a fait remarqué Elvis Costello : « Il y a des occasions où le simple fait d’ajouter son nom à un programme de concerts peut être interprété comme un acte politique qui résonne plus que n’importe quelle chanson et qui peut vous faire percevoir comme quelqu’un qui ne porte aucune attention à la souffrance de l’innocent. » [15]
A part Elvis Costello, d’éminents artistes internationaux comme Roger Waters, Sting, le défunt Gil Scott Heron, Snoop Dog, Carlos Santana, Coldplay, Lenny Kravitz, Cassandra Wilson, Cat Power, Lauryn Hill et Faithless, entre autres, ont tous annulé leurs représentations en Israël.
PACBI et le plus large mouvement BDS, représentant la majorité absolue de la société civile palestinienne, vous demandent donc de respecter notre combat. Nous vous demandons de soutenir notre stratégie de résistance non-violente et de vous retenir de franchir la ligne de piquetage réclamée par la société palestinienne, assumée par les organisations internationales et de plus en plus soutenue par les Israéliens progressistes [16].
Nous vous exhortons à tenir compte de notre demande en refusant de divertir l’apartheid israélien.
Sincèrement vôtre,
PACBI (The Palestinian Campaign for the Academic and Cultural Boycott of Israel)
Notes :
[1] http://redseajazz.co.il/shows/toure-raichel_25portarena/
[2] http://adalah.org/eng/Israeli-Discriminatory-Law-Database
[3] http://www.state.gov/j/drl/rls/hrrpt/2010/nea/154463.htm
[4] Le président brésilien (http://www.foxnews.com/world/2014/07/28/brazilian-president-dilma-rousseff-calls-israel-conflict-with-hamas-massacre/) et le ministre français des Affaires étrangères (http://www.bbc.com/news/world-europe-28637577) ont condamné l’attaque d’Israël contre Gaza en 2014 comme un « massacre ».
[5] http://www.pchrgaza.org/portal/en/index.php?option=com_content&view=article&id=10491:statistics-victims-of-the-israeli-offensive-on-gaza-since-08-july-2014&catid=145:in-focus
[6] http://www.pchrgaza.org/portal/en/index.php?option=com_content&view=article&id=10561:on-the-27th-day-of-the-israeli-offensiverafah-under-israeli-fire-war-crimes-committed-against-palestinian-civilians-complete-families-annihilated&catid=36:pchrpressreleases&Itemid=194
[7] http://electronicintifada.net/blogs/ali-abunimah/gaza-graveyard-sing-joyful-israeli-youths
[8] http://adalahny.org/adalah-web-action/1202/open-letter-world-music-institute-do-not-present-idan-raichel
[9] http://pacbi.org/etemplate.php?id=869
[10] http://pacbi.org/etemplate.php?id=1047
[11] http://bdsmovement.net/?q=node/52
[12] http://www.pacbi.org/etemplate.php?id=868
[13] http://www.theguardian.com/world/2014/dec/19/-sp-african-migrants-speak-out-about-life-in-israel-detention-centres-holot
[14] Ibid
[15] http://www.elviscostello.com/news/it-is-after-considerable-contemplation/44
[16] http://boycottisrael.info/
Lettre ouverte de BDS Afrique du Sud à Vieux Farka Touré:
Vieux Farka Touré: Ne jouez pas à Eilat, placez vous du bon côté de l’histoire, ne divertissez pas l’apartheid
BDS Afrique du Sud, le 15 juin 2015 (Traduction : J. Ch.)
http://www.bdssouthafrica.com/wp-content/uploads/2015/06/Letter-Vieux-Farka-Toure.pdf
Cher Vieux Farka Touré,
Nous faisons référence à votre projet de concert au Festival de Jazz de la Mer Rouge d’août 2015 à Eilat, Israël, dont nos camarades aux Etats-Unis nous ont transmis les détails. En tant que BDS d’Afrique du Sud, nous faisons partie de la Campagne Palestinienne pour le boycott Universitaire et Culturel d’Israël (PACBI) et nous soutenons leur appel pour que vous respectiez le boycott d’Israël.
Nous savons que PACBI vous a fait un courrier relatant l’impact de l’apartheid, de l’occupation oppressante et illégale des territoires palestiniens par Israël, aussi bien que de sa violation flagrante des droits fondamentaux des Palestiniens. Nous n’avons pas l’intention de reprendre cette énumération dans notre lettre.
L’objet de cette lettre est de vous écrire en tant qu’amis africains qui ont vécu et continuent de vivre à l’ombre de l’héritage du colonialisme et de l’apartheid qui plane au-dessus de nous. Heureusement pour nous, en partie grâce à l’immense soutien des entités et des individus qui, à travers le monde, ont défendu le boycott de l’Afrique du Sud de l’apartheid, un nouvel ordre démocratique et égalitaire est né il y a 21 ans. Et pourtant, l’héritage brutal de l’apartheid continue d’infester notre société. En tant que camarade africain, dont les ancêtres ont traversé les années tumultueuses du colonialisme et de la résistance à l’oppression de la domination coloniale, nous sommes sûrs que vous comprendrez l’état de ceux, tels les Palestiniens, qui continuent à souffrir sous l’occupation, l’oppression et la torture.
Votre collaboration avec M. Idan Raichel qui, comme vous le savez peut-être, est un fervent supporter de la politique discriminatoire d’Israël et de ses forces de défense, a toujours été inquiétante. Et pourtant, bien plus troublante est votre intention de rompre le boycott culturel contre Israël en allant participer au Festival de Jazz de la Mer Rouge à Eilat. Si vous persistiez dans votre décision de participer à cet événement, ou à tout autre événement en Israël jusqu’à ce qu’il mette fin à sa politique d’occupation et de répression contre les Palestiniens, votre conduite serait un vrai signal d’indulgence envers la politique illégale d’oppression de l’Israël d’apartheid envers les Palestiniens. Cet acte constituerait une tache sur la fière histoire des Africains qui se sont dressés contre l’oppression, l’occupation et le colonialisme. Ce fut votre amie musicienne du Sahel, Dimi Mint Abba que votre respecté père avait chaudement recommandée, qui a plaidé pour la destruction de l’apartheid en Afrique du Sud à travers sa musique. Elle a non seulement chanté, mais elle a transformé son art en instrument d’opposition à un système nuisible de discrimination et de souffrance.
Dimi Mint Abba a proclamé haut et fort dans une chanson : « Oh Seigneur, Fais s’écraser l’apartheid ! L’apartheid, c’est la colonisation sans une once d’humanité… Un criminel, au crime si abondamment clair, un oppresseur de tant de personnes chéries… »
En tant qu’amis Africains et victimes de l’apartheid en Afrique du Sud qui se dressent solidaires de leurs frères et sœurs palestiniens opprimés, nous vous prions de respecter et de soutenir le boycott contre l’Israël d’apartheid en ne vous produisant pas au Festival de Jazz de la Mer Rouge à Eilat et, comme votre prédécesseur et amie artiste du Sahel, Dimi Mint Abba, de transformer votre voix et votre influence d’artiste en un magnifique et puissant instrument qui reconnaisse la dignité de l’impuissant et qui dise la vérité au puissant.
Lorsque les artistes et les sportifs ont commencé à refuser d’aller jouer en Afrique du Sud de l’apartheid, les yeux du monde entier se sont tournés vers les injustices qui y étaient accomplies. Ceci a alors entraîné une vague de pression qui a finalement contribué à la création d’une Afrique du Sud libre, démocratique et non-raciale. La même chose est non seulement possible en Palestine-Israël, mais également inévitable. La question est : « De quel côté de l’histoire veut-on être ? Se produire en Afrique du Sud de l’apartheid dans les années 1980 – en violation de ce que nous, Africains du Sud noirs et nos alliés blancs, demandions – signifiait se trouver du mauvais côté de l’histoire. Aujourd’hui, se produire en Israël – en violation de ce que les Palestiniens opprimés et leurs alliés progressistes israéliens ont demandé – c’est choisir d’être du mauvais côté de l’histoire. Nous espérons que vous choisirez d’être du bon côté de l’histoire et que vous n’irez pas divertir l’apartheid.
Sincèrement vôtre,
Kwara Kekana, porte-parole du BDS d’Afrique du Sud