Lettre de « Boycott de l’intérieur » à la pianiste française Hélène Grimaud
En répétition au festival de La Roque-d’Anthéron, 2004
Chère Hélène Grimaud,
Nous sommes des citoyens d’Israël qui soutiennent l’appel de la société civile palestinienne pour le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions (BDS) contre la politique d’Israël de racisme, d’apartheid et d’occupation, envers le peuple palestinien. Nous avons appris récemment que vous envisagiez des concerts en Israël, alors nous vous écrivons pour vous demander de ne pas venir. Merci de nous lire jusqu’au bout.
Les tentatives d’Israël de masquer ses violations systématiques des droits humains et l’oppression qui dure depuis des décennies contre les Palestiniens reposent largement sur sa capacité à conserver une image de progressiste et de démocrate aux yeux de la communauté internationale. Israël se présente souvent comme la « seule démocratie au Moyen-Orient ». Cependant, la politique israélienne d’apartheid n’est pas séparable même de ce qui, apparemment, semble aussi allègre et joyeux que des concerts de rock : les Palestiniens qui sont fans de votre musique et qui se trouvent en Cisjordanie, sur une terre gouvernée par Israël, vivent sous la loi martiale et ils ne seront pas autorisés à venir à Tel Aviv et profiter de votre prestation.
Le peuple palestinien se voit refuser des libertés parmi les plus élémentaires : la liberté de mouvement, la liberté d’accéder à ses terres agricoles qu’on lui a volées et la liberté de manifester sans risquer sa vie, face à la violence : quand les Palestiniens manifestent contre le gouvernement israélien, ils s’exposent à un comportement brutal. (1)
Leurs parents et amis, dans la bande de Gaza (44 % des Palestiniens de Gaza ont moins de 14 ans), vivent sous un siège invalidant, réduisant les quantités de nourriture, de fournitures médicales et de matériaux de construction dont ils ont cruellement besoin. (2)
Dans le quartier de Silwan, à Jérusalem-Est, les enfants se font enlevés, dans leur maison, en violation du droit international, et sont emmenés pour des interrogatoires violents par la police. (3)
De nombreux artistes sont venus ici, en Israël, plein de bonne volonté, et avec l’intention d’utiliser leur art comme un moyen pour modifier l’opinion publique israélienne et faire passer un message de paix. Mais ce fut loin d’être un succès (même avec Roger Waters, qui maintenant soutient BDS). Au contraire, les spectacles à grand retentissement, comme le vôtre, vont dans le sens voulu du gouvernement qui veut se blanchir de ses crimes de guerre et donner à Israël une image d’ « État moderne », où les célébrités viennent se produire et en admirer les sites. En réalité, certains de ces sites sont situés sur une terre occupée, et plus de trois millions de personnes, dont vos fans palestiniens, ne peuvent assister aux concerts à Tel Aviv, bien qu’ils soient sous contrôle israélien, à savoir sous occupation israélienne.
Mais il faut indiquer que des artistes éminents et des personnalités publiques ont soutenu et soutiennent la campagne BDS. En voici quelques exemples.
Roger Waters : « A mon avis, le contrôle intolérable et draconien qu’Israël exerce sur les Palestiniens assiégés dans Gaza, et sur les Palestiniens de Cisjordanie occupée (dont Jérusalem-Est), auquel s’ajoute son déni des droits des réfugiés à rentrer dans leur foyer en Israël, exige des personnes qui ont l’esprit honnête à travers le monde qu’elles soutiennent les Palestiniens dans leur résistance civile non violente.
« Pour moi, cela veut dire déclarer mon intention d’être solidaire, non seulement du peuple de Palestine, mais aussi des milliers d’Israéliens qui désapprouvent la politique raciste et colonialiste de leur gouvernement, en rejoignant la campagne de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) contre Israël, jusqu’à ce qu’il se conforme aux trois droits humains fondamentaux exigés par la loi internationale ». (4)
Elvis Costello : « Il y a des circonstances où le simple fait d’avoir ajouté votre nom à un calendrier de concerts peut s’interpréter comme un acte politique, un acte qui a plus de portée même que tout ce qui peut être chanté, et qui peut laisser penser qu’on n’a pas à l’esprit la souffrance de l’innocent.
« Certains vont penser qu’on ne peut rien en connaître sans une expérience personnelle, mais si ces sujets sont en réalité trop graves et trop complexes pour être abordés dans un concert, il est aussi absolument impossible d’en détourner simplement le regard.
« Je ne peux pas imaginer recevoir une nouvelle invitation pour jouer en Israël, cela relève du regret, mais je peux imaginer un meilleur moment où je n’aurais pas écrit cela. (5)
Faithless : « Nous avons été invités pour faire certains spectacles cet été dans votre pays et, c’est avec le cœur lourd que j’ai le regret de décliner l’invitation. Pendant que des êtres humains se voient délibérément refuser non seulement les droits, mais aussi les besoins de leurs enfants et de leurs grands-parents et d’eux-mêmes, je ressens au plus profond de moi-même que je ne dois envoyer aucun signe, même tacite, comme quoi cela serait « normal » ou « OK » ».
Alice Walker : « Passer les check-points israéliens, c’est le retour au temps du combat pour les Droits civiques aux États-Unis… Je suis une grande partisane du BDS. Franchement, je pense que c’est la meilleure, absolument la meilleure méthode. » (6)
Devendra Banhart : « Malheureusement, nous avons essayé de faire comprendre clairement que nous étions venus pour partager un message humain et non pas politique, mais il semble que nous ayons été utilisés pour soutenir des opinions qui ne sont pas les nôtres. » (7)
Mike Leigh : « Comme vous le savez, j’ai toujours eu de sérieuses craintes à venir, mais je me suis laissé convaincre par votre sincérité et votre engagement… Et c’est à cause de ces qualités particulières qui sont les vôtres que je suis particulièrement désolé de devoir vous laisser tomber. Mais je n’ai absolument pas le choix. Je ne peux pas venir, je ne veux pas venir, et je ne viendrai pas. Huit semaines après notre déjeuner, s’est produite l’agression israélienne contre la flottille. Alors que j’observais le monde condamner à juste titre cette atrocité, j’ai failli annuler. Je voudrais aujourd’hui l’avoir fait, et je m’en veux de ma lâcheté. Depuis, votre gouvernement est allé de mal en pis. Inutile que je détaille tout ce qu’il a fait… Je n’étais toujours pas confronté à la perspective de me retirer jusqu’à ces dernières semaines, mais la reprise des constructions illégales en Cisjordanie m’a fait amener à l’envisager sérieusement. Et maintenant, voilà le Serment de fidélité ! C’est la goutte de trop, outre le blocus criminel en cours de Gaza, pour ne pas citer les tirs continuels contre des gens innocents, y compris des jeunes… » (8)
Macy Gray : « J’ai vérifié ce qu’il en était, et j’ai déclaré que je n’aurais certainement pas joué ici si j’avais su ne serait-ce que le peu que je sais aujourd’hui. » (9)
Nous avons appris que de ne pas se produire ici est très efficace pour promouvoir la justice dans la région, car les décideurs politiques israéliens en arrivent à comprendre que la communauté internationale n’approuve pas leur politique brutale à l’égard du peuple palestinien. Par conséquent, nous vous demandons d’examiner votre décision de vous produire en Israël. Au vu des faits relatés ci-dessus, vous pouvez faire la différence et promouvoir la justice et les droits humains, en décidant de ne pas jouer en Israël en ce moment !
Si vous êtes intéressée pour connaître ce qu’un groupe de citoyens israéliens qui soutiennent BDS peut avoir à vous dire, merci de nous le faire savoir. Nous serions heureux de répondre à tout commentaire et à toute question de votre part. Nous vous recommandons aussi de vous rendre directement à la source et d’avoir un échange avec des représentants de la Campagne palestinienne pour le boycott universitaire et culturel d’Israël sur le site PACBI.
Sincèrement vôtres Boycott ! Soutien à l’appel BDS palestinien de l’intérieur
Site : http://boycottisrael.info/
Courriel : admin@boycottisrael.info
Hélène Grimaud
Pianiste et écrivain françaiseJe n’ai pas la sagesse du silence, même si j’en connais la valeurBiographie Hélène GrimaudPianiste de renommée internationale, Hélène Grimaud confie avoir abordé le piano précocement : ’Jouer m’a paru parfaitement naturel, un prolongement de mon être.’ Une sensation qu’elle n’est pas seule à ressentir puisque très tôt, ses tentatives sont encouragées par les plus grands. A 13 ans, elle est reçue première à l’unanimité au conservatoire de Paris. Elève de Jacques Rouvier, elle enregistre son premier disque alors qu’elle n’a que quinze ans, et le dédie à Rachmaninov – pianiste célèbre pour la difficulté de ses compositions. Hélène Grimaud quitte le conservatoire avant la fin de sa formation : une décision qui ne l’empêche pas de passer les concours internationaux et de s’envoler pour les Etats-Unis, territoire d’un ailleurs dont elle est en quête depuis l’enfance, et terre de rencontre avec Alawa, louve qui déclenchera une véritable passion pour ces animaux. Comme elle le raconte dans son livre Variations sauvages, elle se partage entre le piano et les loups, deux passions complémentaires qu’elle cultive depuis des années. Hélène Grimaud doit sa célébrité, entre autres, à ses fabuleuses interprétations de Brahms, de Rachmaninov, ou de Bach, à qui elle consacre un album en 2008, mais surtout à sa virtuosité.Source : EveneHèlène Grimaud sur Wikipédia
Diffusé en anglais le 16 décembre 2011 par un militant du groupe BOYCOTT ! Soutenons l’appel palestinien BDS de l’intérieur (BFW) – traduction : JPP