le 9 septembre 2014
A Monsieur Noël Coret, directeur du Salon d’Automne
Objet: Edition du SAI 2014 en Israël
Monsieur,
Nous sommes informés, par des artistes, de la prochaine tenue de la deuxième édition du Salon d’automne international (SAI) en Israël, et nous avons lu avec attention votre présentation de ce projet et le positionnement que vous souhaitez donner à cet événement au regard de l’actualité meurtrière en Palestine.
La date de clôture des inscriptions à ce salon ayant été plusieurs fois repoussée par manque de candidatures, vous allez vous retrouver le 11 septembre en situation de devoir décider de sa tenue ou pas.
Avant que vous preniez votre décision, nous tenons par la présente à revenir sur certains points auxquels vous faites référence dans vos textes publics sur ce salon afin que vous reconsidériez sa pertinence.
Avant tout il nous faut vous rappeler qu’en tenant ce salon, qui a des dimensions institutionnelles affirmées, vous dérogeriez à l’appel au boycott culturel contre l’État d’Israël jusqu’à ce qu’il respecte le droit international et les droits humains, lancé par la société civile palestinienne et dont la pertinence a été tragiquement réaffirmée cet été avec les massacres et destructions perpétrés dans la bande de Gaza, sans compter ce que cela a généré en terme de renforcement de l’oppression du peuple palestinien en Cisjordanie occupée et en Israël.
Soyons précis : c’est bien la dimension « relations institutionnelles entre la France et Israël » de ce salon qui est ici visée dans le cadre de l’appel au boycott culturel. Il ne s’agit nullement d’un appel au boycott des artistes en tant que tel : la relation que les artistes entretiennent avec leur art est évidemment d’une autre nature que les rapports entre art et institutions. Ainsi, en faisant de ce salon un événement institutionnel, vous collaborez de fait avec la politique coloniale de l’État d’Israël.
1. Références historiques et affirmation de valeurs
Le SAI 2014 en Israël affirme son affiliation historique à la lutte contre la barbarie nazie et aux valeurs qui s’y rattachent.
Comment justifiez-vous la mise en avant de cette histoire et de ces valeurs alors que les dimensions institutionnelles de ce salon participent de fait à la normalisation des rapports avec la politique d’un état qui ne respecte pas le droit international ?)
2. Référence à la réussite du SAI 2012 en Israël
Nous nous étonnons que vous valorisiez le SAI 2012 en Israël alors que celui-ci s’est tenu à Jaffa sans que soit évoqué les actuelles pratiques discriminantes et racistes à l’encontre de sa population historique palestinienne et de sa population juive arabe. Car ce sont bel et bien ces pratiques qui ont permis, depuis l’expulsion de la population palestinienne de Jaffa dans les années d’après guerre jusqu’à aujourd’hui, l’appropriation des biens immobiliers palestiniens au profit de la ville de Tel-Aviv. Le Hangar 1 à Jaffa n’est pas un espace d’engagement créatif fondé sur vos références historiques et les valeurs qu’elles sous-tendent. Il est un bien spolié suite à l’éviction d’une population locale.
Par ailleurs, le salon 2012 a eu comme partenaire le KKL or il s’agit là d’une organisation qui gère les terres spoliées au peuple palestinien au seul profit de la population juive. Le KKL, par exemple, est largement impliqué dans l’éviction en cours des palestiniens du Néguev. Eviction dont vous avez sans doute entendu parler sous le nom de « Plan Prawer-Begin ».
3. « Maudite soit la guerre! »
Dans votre texte se référant à la tragique actualité de cet été vous rappelez l’engagement de l’art que vous promouvez. Vous rappelez dans votre texte d’appel à candidatures que cet engagement a historiquement bravé de front la barbarie. Alors nous nous demandons en quoi l’édition 2014 du SAI en Israël a ce courage ?
Nous espérons que vous ne ferez pas de la colombe de Picasso un oiseau empaillé. Vous nous excuserez cette image mais vous avez comme nous suivi ce qu’il s’est passé cet été dans la bande de Gaza : plus de 2150 Palestiniens assassinés par Israël dont 75% de civils, selon les chiffres de l’ONU.
4. SAI 2014 en Israël
Vous êtes peut être sans savoir que, comme en 2012, le lieu de l’édition de ce salon s’ancre concrètement dans une réalité coloniale. Le Hangar 11 dans le Nord de Tel-Aviv est à proximité d’une autre zone d’éviction de la population palestinienne au profit de la population israélienne. Le « Village des pécheurs » (Mintaq’at al-Si’adeen) a fait l’objet d’un processus d’expulsion et de destruction au profit de la construction d’une colonie juive dans le cadre de l’expansion de Tel-Aviv. Nous vous invitons à approfondir le sujet en visitant la page web qui y est consacrée sur le site de l’association israélienne Zochrot : http://www.zochrot.org/en/place/fishermans-village
Ainsi, Monsieur, il nous semble, à moins que ce salon se cache derrière l’histoire et des valeurs pour promouvoir ses dimensions financières (aussi affirmées dans vos textes), qu’un minimum d’honnêteté et de principe doit vous amener à reconsidérer la tenue de ce salon.
La Campagne BDS France, participant à la campagne internationale de Boycott-Désinvestissement-Sanctions contre l’État d’Israël, jusqu’à ce qu’il respecte le droit international et les droits humains, espère vivement que vous tiendrez compte de nos remarques.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur, l’expression de nos sentiments distingués.
La Campagne BDS France
www.bdsfrance.org
campagnebdsfrance@yahoo.fr
