Paris, le 9 août 2017
Cher Vincent,
Il semblerait que vous ayez prévu de participer au festival de musique sacrée de Jérusalem le mois prochain, en y projetant vos films et votre musique qui fera voyager le public israélien. Enfin, une partie du public seulement, puisque vous savez bien que la très grande majorité de la population autochtone palestinienne ne pourra pas y assister.
Une partie de la population palestinienne autochtone ne pourra pas venir à votre spectacle parce qu’elle est en exil, réfugiée aux quatre coins de la terre, en attendant une solution au « conflit ». Une autre partie est bloquée de l’autre côté du Mur et des Checkpoints en Cisjordanie, ou du blocus sur Gaza. Une partie ne pourra pas non plus parce que, vous en avez entendu parler, les provocations israéliennes récentes autour de l’esplanade des mosquées ont grandement limité l’accès à Jérusalem pour les jeunes palestiniens (c’était d’ailleurs le but, l’annexion progresse…), sans compter ceux qui sont en prison, blessés ou tués.
Enfin, une grande partie de la population palestinienne ne voudra pas venir vous voir et vous écouter, parce que, suite à une très large discussion au sein de la société civile palestinienne en 2005, cette population a compris que la meilleure façon de se faire entendre, et de faire entendre le droit international, était de refuser de collaborer avec l’État qui l’opprime, et de demander à la communauté internationale de soutenir cette campagne. Vous vous en doutez, il s’agit de la campagne de Boycott, Désinvestissement et Sanctions contre l’État israélien, afin que celui ci respecte le droit international et les droits des Palestiniens réfugiés, en Palestine occupée et dans les territoires israéliens.
Cet appel vous concerne, car il implore les artistes du monde entier de participer à cette campagne en s’abstenant de mettre leur nom en bas d’un festival organisé par des institutions étatiques israéliennes, participant ainsi peut-être sans le vouloir, à la propagande d’un État colonial et violent, qui voudrait qu’on oublie ses exactions le temps d’un festival.
Nous savons que vous vous préoccupez des droits humains. Bien sûr, vous préféreriez peut-être ne pas mélanger l’art et la politique, mais cela n’est malheureusement pas possible dans cette partie du monde. Une partie du festival de musique sacrée de Jérusalem se déroulera dans des lieux que la communauté internationale considère comme illégalement occupés depuis 50 ans, participant ainsi au processus d’annexion par la municipalité de Jérusalem, et par l’État israélien, rendant toujours plus difficile tout « processus de paix ». Le festival bénéficie du financement discret de la famille américaine de Charles et Lynn Schusterman, dont le but avoué, avec d’autres organisations ultra-sionistes américaines, est de soutenir la politique d’annexion colonialiste de l’État israélien. Enfin, le gouvernement israélien admet publiquement et directement se servir des artistes internationaux comme vous pour créer une illusion de « normalité » du régime d’apartheid qui sévit actuellement en Israël.
Comme vous le savez, de nombreux artistes ont pris position, dont plusieurs qui ont croisé votre chemin.
C’est le cas de Richard Reed Parry (de Arcade Fire) ou de Lhasa, par exemple, qui ont crié haut et fort leur refus de « jouer » pour l’apartheid israélien. A ce propos, savez-vous que la dernière apparition publique de Lhasa fut sa participation à un concert d’artistes contre l’apartheid israélien, le 7 juin 2009 à Montréal ? Elle y a chanté une très belle version de Fish on Land, avec le groupe Esmérine, je peux vous l’envoyer si cela vous intéresse…
On peut également citer Cassandra Wilson, Annie Lennox, Lauryn Hill, Natacha Atlas, Aziza Brahim, Cat Power, Vanessa Paradis, Roger Waters, Elvis Costello, Gil Scott-Heron, Jason Moran, Richard Bona, Eddie Palmieri, Salif Keita, Jello Biafra, Massive Attack ou encore Susan Sarandon, Peter Brook, Ken Loach ou Mike Leigh qui ont renoncé à se rendre en Israël, sensibles au désarroi du peuple palestinien.
Nous espérons que notre argumentation vous a convaincu et vous poussera à suivre l’exemple de ces illustres collègues. Nous vous demandons encore une fois, au nom de la société civile palestinienne, de ne pas divertir l’apartheid israélien, d’annuler votre participation à ce festival et ainsi de respecter l’appel du peuple palestinien, pour sa dignité et sa liberté.
Dans l’attente d’une réponse, nous nous tenons à votre disposition pour tout renseignement supplémentaire quant à notre campagne.
Sincèrement,
Dror, pour la Campagne BDS France