English version below
Paris le 18 juin 2013
Cher Salif Keita, chers Amadou et Mariam, chers artistes maliens,
Vous êtes invités prochainement à venir vous produire en Israël.
Israël n’est pas un pays comme les autres. Son gouvernement, depuis de nombreuses années, piétine le droit international. A Jérusalem, par exemple, 2000 maisons palestiniennes ont été détruites, 14000 Palestiniens se sont vus retirer leur permis de séjours et 5300 enfants palestiniens ne sont pas scolarisés. A Gaza, maintenue sous blocus depuis 7 ans, toute une population périt faute d’avoir accès aux droits les plus fondamentaux. Le Mur et les check-points empêcheront la plupart des Palestiniens de Cisjordanie de venir assister à vos concerts qui seront, dans les faits, ségrégués. Dans les frontières même d’Israël, les citoyens arabes palestiniens, chrétiens ou musulmans, vivent dans une situation proche de celle de l’apartheid en Afrique du Sud dans les années 1980 : ils n’ont pas les mêmes droits et n’ont qu’un accès limité aux services dont bénéficient les citoyens juifs israéliens. Enfin, dans le reste du monde, Israël refuse toujours le droit au retour de millions de réfugiés palestiniens, bafouant ainsi les nombreuses résolutions de l’ONU. On peut décrire une telle situation par un vocabulaire riche, mais un mot s’impose à tous : la colonisation de la terre de Palestine par l’État israélien.
C’est pour toutes ces raisons qu’en 2005 la société civile palestinienne s’est résolue à demander le soutien de la société civile internationale pour mettre en place la campagne BDS (pour Boycott, Désinvestissements et Sanctions). Inspirés par la lutte des Sud-Africains contre l’apartheid, les Palestiniens appellent à cesser toute collaboration avec des institutions gouvernementales israéliennes jusqu’à ce qu’Israël respecte le droit international. Suivant l’appel des Palestiniens, nous ne boycottons jamais des individus, mais nous appelons au boycott, entre autres, des événements culturels quand ceux-ci sont organisés par des instances reliées au gouvernement israélien.
Face à l’impunité d’Israël, des militants et des citoyens de conscience relaient cet appel au BDS partout dans le monde. Des artistes de tous les pays et de tous styles musicaux ont entendu et répondu positivement à cet appel. Citons par exemple Cassandra Wilson, Natacha Atlas, Annie Lennox, Cat Power, Andy Kasrils, Ewok, Lhasa, Vanessa Paradis, Gilles Vigneault, Roger Waters, Elvis Costello, Carlos Santana, Gil Scott-Heron, Jello Biafra, Les Pixies ou Massive Attack, mais aussi Peter Brook, Susan Sarrandon et de nombreux metteurs en scène et comédiens du monde entier.
Chers artistes maliens, l’invitation que vous recevez fait suite à celles que de nombreux autres artistes de votre pays ont reçues. Alors qu’Oumou Sangaré l’a déclinée, Vieux Farka Touré ou Fatoumata Diawara l’ont acceptée. Il n’est pas étonnant que vous soyez invités, vu votre immense talent et celui de nombre de vos compatriotes. Ce qui est étonnant c’est que ces invitations arrivent si soudainement, alors justement que le gouvernement israélien instrumentalise une dangereuse division en Afrique entre « Noirs » et « Arabes ». Chers artistes, ne soyez pas les otages de telles politiques cyniques et meurtrières.
Chers artistes africains, le gouvernement israélien s’est récemment illustré par des politiques extrêmement brutales envers ses immigrés (appelés « infiltrés »), philippins et africains en particulier. Il leur interdit d’envoyer de l’argent dans leur pays, les arrête et les enferme dans des camps, avant de les expulser sans ménagement. On a récemment vu des émeutes racistes contre les Noirs dans les rue de Tel Aviv, où un député a décrit l’immigration africaine comme un « cancer de la société israélienne ». Certes, votre présence fera oublier cette abjection, mais est-ce vraiment votre intention ?
Chers artistes maliens, la colonisation, son cortège d’injustices, de souffrances et de crimes ne vous sont pas étrangers, ils appartiennent aussi à l’histoire du Mali.
Ne vous méprenez pas : que vous le souhaitiez ou non, vos concerts seront interprétés comme un soutien au régime colonial israélien, et pas comme un simple événement culturel.
Nous espérons, au contraire, pouvoir vous compter parmi les artistes de conscience qui se sont joints au boycott.
Nous restons à votre entière disposition pour vous fournir toute autre information utile sur cette question.
Linda, pour la Campagne BDS France
Campagne BDS France
21 ter rue Voltaire
75011 Paris
campagnebdsfrance@yahoo.fr
« Rester neutre face à l’injustice, c’est avoir choisi son camp. »
Desmond Tutu
On the same subject:
Entre Mandela et Netanyahou, Salif Keita fera-t-il le grand écart ? / Will Salif Keita do the splits between Mandela and Netanyahu?
http://tinyurl.com/lq27583
L’Israfrique passe aussi par la musique:
http://tinyurl.com/m5vgscm
==================================
English version:
Letter from BDS France to Amadou and Mariam and to Salif Keita
18 June 2013
Dear Salif Keita, Dear Amadou and Mariam, Dear Malian artists,
You have been invited to go and perform soon in Israel.
Israel is not a country like others. Its government has for many years been trampling on international law. In Jerusalem, for example, 2,000 Palestinian homes have been destroyed, 14,000 Palestinians have had their residence permits withdrawn and 5,300 Palestinian children are not being schooled. In Gaza, which has been kept under blockade for 7 years, a whole population is perishing, with no access to their most elementary rights. In the West Bank, the Wall and the check-points deprive Palestinians of freedom of movement and will prevent them from coming to attend your concerts, which will therefore be segregated. Even within Israel’s borders, Palestinian citizens, be they Christian or Muslim, live under a system akin to the apartheid which formerly existed in South Africa: they do not have equal rights and have only limited access to the services enjoyed by Israel’s Jewish citizens. And Israel still refuses to recognize the right to return of millions of Palestinian refugees around the world, thus mocking numerous United Nations resolutions. One may use many words to describe such a situation, but one word is essential: the colonisation of Palestinian land by the State of Israel.
For all of these reasons, Palestinian civil society appealed in 2005 to international civil society to launch the BDS campaign (Boycott-Divestment-Sanctions). Inspired by the South African struggle against apartheid, the Palestinians ask that all collaboration with Israeli governmental institutions cease until Israel respects international law. In line with the Palestinian appeal, we do not boycott individuals but we call for the boycott of cultural events when these are organised by bodies linked to the Israeli government.
Faced with Israel’s impunity, activists and conscientious citizens are spreading the BDS appeal all over the world. International artists, of all musical styles, have heard and responded positively to the appeal: they include Cassandra Wilson, Natacha Atlas, Annie Lennox, Cat Power, Andy Kasrils, Ewok, Lhasa, Vanessa Paradis, Gilles Vigneault, Roger Waters, Elvis Costello, Carlos Santana, Gil Scott-Heron, Jello Biafra, The Pixies and Massive Attack, as well as Peter Brook, Susan Sarandon, and numerous other directors and actors around the world.
Dear Malian artists, the invitations you have received follow those extended by Israel to other artists from your country. Whereas Oumou Sangaré declined the invitation, Vieux Farka Touré and Fatoumata Diawara accepted. It is not surprising that you be invited, given your great talent and that of many of your compatriots. What is surprising is that these invitations should all arrive so suddenly, at a time when the Israeli government is exploiting a dangerous division in Africa between “Blacks” and “Arabs”. Dear artists, don’t become hostages of such cynical and murderous politics.
Dear African artists, the Israeli government is notorious for its extremely brutal policy towards its immigrants (labelled as “infiltrators”), particularly those from Africa and the Philippines. They are forbidden from sending money to their countries, they are arrested and confined in camps, before being summarily deported. Racist riots against the Blacks recently took place on the streets of Tel Aviv, where a member of parliament described African immigration as “a cancer in Israeli society”. Your presence in Israel will no doubt distract from these deplorable incidents, but is this really what you want?
Dear artists, colonisation and its trail of injustice, suffering and crimes are no strangers to you, they are also part of the history of Mali. Make no mistake: whether you like it or not, your concerts will be interpreted as support for the Israeli colonial regime, and not as mere cultural events.
We hope to be able to count you among the artists of conscience who have joined the boycott. We are of course ready to provide you with any further information on this issue.
Linda, for the BDS French Campaign
Campagne BDS France
21 ter rue Voltaire
75011 Paris
www.bdsfrance.org
“If you are neutral in situations of injustice, you have chosen the side of the oppressor.”
Desmond Tutu
On the same subject:
Entre Mandela et Netanyahou, Salif Keita fera-t-il le grand écart ? / Will Salif Keita do the splits between Mandela and Netanyahu?
http://tinyurl.com/lq27583
L’Israfrique passe aussi par la musique:
http://tinyurl.com/m5vgscm