Par Alain Bertin, et Nicole Le Strat, membres de l’Association France palestine solidarité (AFPS).
Est-il permis de critiquer Israël ? C’est la question que se posent sept militants du Collectif Palestine Orne, à la suite de leur convocation au TGI d’Alençon (1). En effet, dans le cadre de la campagne de boycott des produits israéliens (campagne BDS) que nous menons depuis 2009 dans cette ville, une plainte a été déposée contre nous et jugée recevable par le procureur, ce qui est à la fois scandaleux et totalement incompréhensible.
Car, de quoi sommes-nous accusés ? D’une part, d’« incitation, de provocation à la discrimination, à la haine, à la violence à l’égard d’une personne, à raison de son appartenance ou non à une ethnie, une race, une religion, une nation », et d’autre part d’« entrave à l’activité commerciale d’un magasin » à la suite d’une action menée dans un magasin Carrefour d’Alençon, en février 2010.
Une loi qui évoque la « race » ! Notion dont nous affirmons l’inexistence. Nous sommes, comme Einstein, de la race humaine. Donc, accusations ahurissantes, sans fondement et sans aucun rapport avec les motifs et les modalités de notre action. L’assimilation systématique de toute critique d’Israël à l’antisémitisme est grotesque.
Cette campagne BDS, initiée par plus de 170 ONG palestiniennes en 2005, et maintenant relayée dans des dizaines de pays, est une méthode de lutte pacifique et non violente pour contraindre l’État d’Israël à respecter et à appliquer le droit international qui est le fondement de notre action. Les violations permanentes du droit international ainsi que la totale impunité dont jouit l’État d’Israël sont insupportables et amplifient le sentiment, tout à fait justifié, de deux poids, deux mesures. Israël occupe, colonise et pratique l’apartheid. C’est Israël qu’il faut inculper.
Nous revendiquons la légitimité de la campagne BDS et nous considérons que ces poursuites sont une atteinte grave à la liberté d’expression. Nous n’acceptons pas d’être considérés comme des délinquants, des fauteurs de trouble pour nous être pleinement engagés dans cette campagne, en citoyens responsables, comme nos camarades de Mulhouse, Pontoise, Bobigny, Paris, Bordeaux et Perpignan, eux aussi poursuivis par la justice.
Des appels au boycott ont été ou sont régulièrement lancés contre un certain nombre de produits et/ou pays (Chine, Mexique…) sans que cela entraîne des suites judiciaires pour leurs auteurs. Nous dénonçons ces tentatives d’intimidation, cette volonté de casser le mouvement de solidarité avec les Palestiniens. Et, faut-il le rappeler, cette criminalisation a été voulue et mise en place par une circulaire de Mme Alliot-Marie, alors ministre de la Justice du gouvernement Fillon, en février 2010, et … toujours d’actualité !
Il est à noter également que la France est le seul pays au monde où des militants, appelant au boycott des produits israéliens, sont poursuivis. Partout ailleurs, en Europe, au Canada, aux États-Unis, au Japon… les actions de la campagne BDS n’ont jamais été sanctionnées de quelque manière que ce soit.
Cela doit cesser et toutes les poursuites doivent être abandonnées. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, et la ministre de la Justice en particulier, s’honoreraient en prenant immédiatement les dispositions nécessaires pour mettre fin à cette situation.
Plus que jamais – et la nouvelle agression de l’armée israélienne contre la bande de Gaza est là pour nous le rappeler – les Palestiniens ont besoin de notre soutien et de notre solidarité.
(1) Rassemblement devant le palais de justice d’Alençon le jour de la convocation : jeudi 10 janvier 2013, à 14 heures.