Lettre ouverte aux organisateurs d’événements culturels en Suisse.
BDS Suisse, Case 4070, 4002 Bâle
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Genève, Bâle, le 1er juillet 2012
Mesdames, Messieurs,
L’ensemble palestinien de danse Juthoor, basé à Bethléem, a décidé d’annuler sa participation aux Rencontres de folklore international de Fribourg, en Suisse (RFI). Cette décision prive malheureusement le public suisse d’une occasion rare de connaître la culture palestinienne vivante, mais elle est pleinement justifiée.
Les responsables de l’ensemble palestinien Juthoor expliquent leur décision par la présence au festival fribourgeois du groupe israélien Shalom Israel. Rappelons que les organisateurs des RFI, lors de la présentation de leur édition 2012, avaient projeté de faire l’événement en réunissant sur scène les deux ensembles. Le communiqué de Juthoor, annonçant son retrait des RFI (ci-joint), explique que le spectacle proposé par les folkloristes palestiniens serait entaché par la présence au festival d’un groupe dont la production soutient la colonisation des terres palestiniennes. Or les artistes palestiniens ont pour règle de ne pas s’associer à des événements qui banalisent et normalisent l’état de fait de l’occupation israélienne.
Les quartiers modernes de la ville d’Ashdod, où a été fondé le groupe Shalom Israel, ont été construits sur les ruines de la localité palestinienne d’Isdud, qui a subi des opérations de nettoyage ethnique pendant la guerre de 1948(*). La totalité des 5’300 habitants d’Isdud ont été obligés de fuir ou ont été expulsés vers la bande de Gaza où, aujourd’hui, leurs enfants et petits-enfants subissent le blocus israélien. De manière concomitante, c’est une culture colonisatrice qui s’est imposée dans la ville, en détruisant brutalement la culture palestinienne locale. Le groupe Shalom Israel, qui aime souligner son rôle de ciment culturel de la ville d’Ashdod, unifiant par le folklore les nouveaux habitants provenant de l’ex-URSS et les premiers juifs emmenés du Maroc dans les années 1950, s’inscrit pleinement à cette démarche. Au passage, le groupe participe aussi au lissage des particularismes des cultures juives afin de les conformer au projet colonial israélien.
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Les danseurs de Juthoor, en revanche, résident à Bethléem, une ville de Cisjordanie soumise à une occupation militaire israélienne permanente, entourée de 17 colonies israéliennes illégales. C’est dans cette ville, où être palestinien est dangereux, que les danseurs de Juthoor continuent d’oeuvrer à la vitalité des danses traditionnelles palestiniennes. En tant qu’ensemble engagé dans la résistance et la culture, Juthoor participe actuellement à des représentations en solidarité avec les prisonniers palestiniens en Israël. Le centre
culturel Al-Doha, dont Juthoor est le principal résident, organise aussi le Festival artistique pour le droit au retour des réfugiés palestiniens, dont la 6ème édition a lieu à l’université de Bethléem au début de ce mois de juillet.
Les organisateurs des RFI pensaient donc pouvoir réunir dans le même festival des représentants d’une culture d’oppression et des représentants d’une culture de résistance sans se questionner sur ce que cela avait d’offensant pour ces derniers. Nous regrettons que les responsables des RFI n’aient pas compris l’embarras dans lequel ils ont plongé le groupe Juthoor.
Les organisateurs des RFI ont également voulu ignorer que les artistes palestiniens sont engagés depuis 2004 dans le boycott culturel et académique d’Israël (PACBI), le volet culturel de la campagne Boycott Désinvestissements Sanctions contre la politique d’Apartheid de l’État d’Israël (BDS). Le boycott culturel d’Israël condamne les événements qui font la promotion d’une fausse symétrie entre l’occupation israélienne et la résistance des Palestiniens, ainsi que les manifestations qui prétendent encourager le dialogue ou la réconciliation sans mentionner les exigences de justice, et qui visent à terme à banaliser et normaliser l’Apartheid. Nous rappelons qu’en 2011, plus de 170 artistes en Suisse ont rendu public leur soutien à cette campagne.
Le BDS Suisse regrette que les RFI n’aient pas su mettre en valeur la culture traditionnelle palestinienne dans un cadre respectueux. À ce propos, nous invitons les institutions suisses à prendre connaissance de l’action culturelle remarquable que mène le centre culturel Al-Doha de Bethléem, et à soutenir son travail.
Le BDS se tient à la disposition des institutions et des programmateurs de manifestations culturelles en Suisse pour les informer des termes du boycott mené par les artistes palestiniens contre la politique israélienne.
Contacts presse BDS-ch
Rania Madi (079 605 39 05)
Jorge Gajardo Muñoz (076 383 64 05)
Gabriel Ash (079 963 17 06)
Références :
– Annexe : Clearing Statement de l’Administration Board of Jothor for Palestinian folklore Dance.
– Page officielle de Juthoor (cf. aussi Juthour ou Jothor), résident du centre culturel Al-Doha, à Bethléem
http://www.beth-city.com/host/jffra/dccc/English/Juthour_team_for_Palestinian_popular_dance.html
– L’ensemble Juthoor en vidéo http://www.youtube.com/watch?v=siaSHXHoUxw&feature=player_embedded
– (*) Benny Morris ; The birth of the Palestinian refugee problem, 1947-1949 ; Cambridge University Press ; 1987 ; p.223