Ben White, vendredi 9 octobre 2015
Une attaque sans précédent contre la campagne à direction palestinienne Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) a fait partie des annonces du parti Conservateur au cours de sa conférence annuelle cette semaine.
Le gouvernement a l’intention de changer les règles de passation des marchés et pensions, pour empêcher les conseils locaux d’adopter des initiatives de plus en plus populaires de boycott et de désinvestissement. Cette mesure est prise spécifiquement pour protéger les compagnies complices de l’occupation israélienne et le commerce britannique des armes.
Mettant en garde contre les « actions militantes des conseils de gauche », et au vu de la victoire de Jérémy Corbyn pour la direction du parti travailliste, le plan des Tories constitue une des tentatives les plus sérieuses à ce jour pour combattre la campagne BDS en expansion en Grande-Bretagne. Elle survient à un moment où UK Lawyers for Israel (UKLFI) a récemment recruté un Directeur des opérations à plein temps sur un poste affiché avec un salaire de 40-50,000 £.
Le communiqué de presse des Conservateurs annonçant les plans de changement de la loi se lit en partie comme un copier-coller de déclarations du Conseil des représentants juifs britanniques ou de l’ambassade d’Israël, avec leurs déclarations que le boycott des compagnies complices des violations des droits humains sert à « polariser le débat » et à « enflammer les tensions » dans les communautés locales.
Comme preuve de la montée du boycott d’Israël, les Tories ont indiqué les mesures prises ces dernières années par les municipalités de Leicester et de Nottingham, les conseils écossais et trois syndicats : UNISON, Unite, and GMB. Ils ont aussi souligné les antécédents de Jérémy Corbyn dans le soutien aux droits des Palestiniens, notant qu’il parraine le « groupuscule Palestine Solidarity Campaign » (une expression, c’est à noter, employée habituellement par le Jerusalem Post).
En réponse, le Président de la Palestine Solidarity Campaign (PSC) Hugh Lanning a décrit les « propositions de restreindre, au niveau local, les décisions éthiques » comme « une réponse autoritaire à la montée extraordinaire du mouvement pour la paix et la justice pour la Palestine au Royaume-Uni. »
Lanning a ajouté que « forcer les conseils à mettre les intérêts des grandes entreprises devant l’éthique et le droit international n’est pas seulement une pratique risquée et une mauvaise affaire, c’est une interférence brutale et entièrement injuste dans la démocratie locale. » Le PSC a aussi fait remarquer que les mesures proposées par les Conservateurs sont contraires à l’avis actuel du gouvernement britannique contre les affaires avec les colonies israéliennes.
Le groupe de bienfaisance anti pauvreté War on Want a aussi fustigé la nouvelle politique d’ « interdiction aux conseils locaux de faire des choix d’investissement éthiques » comme « complètement antidémocratique et comme une initiative impitoyable de réprimer le mouvement en expansion de boycott, désinvestissement et sanctions pour stopper la complicité britannique avec les violations israéliennes du droit international ».
L’emploi de mesures législative pour combattre le BDS n’est ni nouvelle ni unique à la Grande-Bretagne. En France, par exemple, les militants BDS font face à des poursuites judiciaires derrière une application obscure d’un article de législation anti-discriminatoire, avec quatre militants convoqués en justice en décembre à Toulouse, accusés d’entraver le libre exercice du commerce.
La semaine dernière, au cours d’une courte tournée que j’ai entrepris, le Président de l’université de Toulouse Jean-Jaurès a notifié l’annulation de ma conférence moins de 24 heures auparavant et sans en donner de raison. Finalement, l’exposé a eu lieu, mais dans une autre salle du campus. Précédemment en mars, la ville de Toulouse a interdit une conférence du militant et universitaire sud-africain Farid Esack.
D’après le militant toulousain BDS Jean-Pierre Bouché, un de ceux convoqués au tribunal dans deux mois, il y a « de plus en plus de tentatives d’empêcher l’expression de la campagne BDS, depuis l’interdiction d’autorisation pour utiliser des salles municipales jusqu’à la poursuite de quatre militants BDS pour la raison qu’ils distribuaient des tracts. »
Aux USA, dans le même temps, des articles récents ont documenté comment les supporters des droits humains palestiniens sont visés en permanence par de l’intimidation, du harcèlement ou des attaques contre leur liberté d’expression. À l’Université de Californie, les autorités sont sous la pression des groupes et des politiciens pro Israël pour faire adopter une définition de l’antisémitisme qui pourrait avoir un effet dissuasif sur l’expression politique légitime.
Aux USA, les groupes pro Israël – avec un rôle-clé joué par les militants Sionistes Chrétiens – cherchent aussi à faire passer des lois dans les sénats des États, servant au minimum à intimider les militants BDS ; et qui pourraient conduire potentiellement à la « criminalisation du soutien aux droits palestiniens et contre l’occupation ».
Plus tôt dans l’année, Shurat HaDin, une organisation liée au gouvernement et aux services de sécurité israéliens, a tenu un séminaire à Jérusalem « pour former des avocats étrangers à contester le BDS. » Des dizaines d’avocats du monde entier y sont venus, les organisateurs espérant les « équiper » avec « les outils tactiques et les stratégies pour les salles d’audience qu’il leur faut » pour combattre le BDS.
Les nouveaux projets du gouvernement britannique d’utiliser la loi comme moyen de combattre le BDS font donc partie d’une offensive antidémocratique plus large dans notre pays, et d’une tendance internationale dans laquelle les soutiens d’Israël considèrent de plus en plus la « guerre par la loi » comme leur seule option pour tenter d’endiguer la marée de la solidarité avec la Palestine. La réponse à ces tactiques devra similairement être bien coordonnée.
UK government’s attack on BDS part of wider offensive
Ben White, 9 octobre 2015
https://www.middleeastmonitor.com/blogs/politics/21545-uk-governments-attack-on-bds-part-of-wider-offensive
Traduction: JPB pour BDS France