« Et j’ai pas touché tes clopes
Tes Rothman j’ te les boycotte
Sauvagement
Le tabac sud-africain
Ca pollue aussi les mains
J’ me comprends »
Renaud, « Dans ton sac », Marchand de cailloux, 1991
Le 12 février 2010, Mme Michèle Alliot-Marie, alors Garde des Sceaux à cette période de la présidence de M. Nicolas Sarkozy, faisait adopter, sous la plume de son directeur des affaires criminelles et des grâces, une circulaire de politique pénale intitulée Procédures faisant suite à des appels au boycott des produits israéliens 1. Ce texte, appelé depuis lors la circulaire Alliot-Marie, relève que « depuis le mois de mars 2009, plusieurs procédures faisant suite à des appels au boycott des produits israéliens » ont été mises en œuvre : « les faits prennent le plus souvent la forme de rassemblements dans des centres commerciaux dans le cadre desquels les appels sont formulés. Certaines de ces manifestations font ensuite l’objet de diffusions via des sites internet ». Pour la circulaire, ces faits sont susceptibles de constituer une infraction pénale et « il apparaît impératif d’assurer de la part du ministère public une réponse cohérente et ferme à ces agissements ».
Le titre de la circulaire interprétative ne laisse planer aucun doute quant à son champ d’application matériel. Il ne s’agit pas de réprimer les différents appels au boycott lancés en France par des associations contre des produits d’entreprises ou d’Etats dont est critiquée la politique sociale, environnementale ou en matière de droits de l’homme ; ne sont visés que les « appels au boycott des produits israéliens ». Les appels au boycott de produits issus d’autres Etats ne font l’objet d’aucune circulaire spécifique et ne sont pas évoqués dans la circulaire Alliot-Marie. Seuls les appels au boycott des produits en provenance d’Israël y sont considérés comme des délits pour lesquels « une réponse cohérente et ferme » est attendue de la part du ministère public. Or, la campagne « Boycott Désinvestissement Sanctions » (BDS) initiée en Palestine le 9 juillet 2005 2 constitue très certainement le mouvement le plus structuré et le plus coordonné 3 jamais mis en œuvre depuis 1948 afin de faire pression sur Israël pour qu’il respecte le droit international 4. Cette campagne internationale, active sur cinq continents et dans plus de 40 Etats, revendique de multiples succès 5 ; la circulaire Alliot-Marie a été adoptée au moment charnière où elle a commencé à prendre de l’ampleur, notamment en France.
La date du début des faits mentionnée dans la circulaire – « le mois de mars 2009 » – mérite en effet qu’on s’y arrête. Si la campagne BDS a été initiée par la société civile palestinienne en 2005, elle n’a véritablement été lancée en France qu’en février – mars 2009, à la suite de l’opération militaire israélienne « Plomb Durci » dans la Bande de Gaza qui a provoqué la mort de plus de 1.300 palestiniens et suscité une vague d’indignations 6. Le mode d’action décrit dans la circulaire – des « rassemblements dans des centres commerciaux dans le cadre desquels les appels sont formulés » qui « font ensuite l’objet de diffusions via des sites internet » – est tout aussi instructif, puisqu’en France, la campagne BDS a précisément commencé par des rassemblements de militants associatifs devant et dans les supermarchés vendant des produits israéliens, afin d’inciter les clients présents à s’abstenir de les acheter 7. Ces rassemblements sont filmés par les militants, les vidéos tournées étant ensuite diffusées sur les réseaux sociaux et les sites internet des associations membres de la campagne 8. La circulaire Alliot-Marie est donc clairement un texte dont l’objectif est d’interdire ou au moins de gêner en France la campagne BDS et a, pour cette raison, reçu le soutien d’une partie du personnel politique français 9. Dès son adoption, elle a cependant été critiquée par de nombreux juristes et personnalités 10. Elle a pourtant été précisée et complétée, le 15 mai 2012, soit deux jours avant la prise de fonction de Mme Christiane Taubira, par une nouvelle circulaire adoptée sur les instructions de M. Michel Mercier 11, dernier Garde des Sceaux de la présidence de M. Nicolas Sarkozy.
Depuis 2010, tandis que plus d’une centaine de personnes ont fait l’objet de procédures de police 12, plus d’une quarantaine ont été poursuivies devant les tribunaux correctionnels 13. Si des poursuites pénales ne sont donc pas toujours engagées contre tous les militants de la campagne BDS appelant au boycott des produis israéliens, la circulaire Alliot-Marie n’en constitue pas moins une « épée de Damoclès » au-dessus de leur tête, les dissuadant d’organiser des actions de promotion du boycott ou de participer à celles envisagées. On ne peut douter que la circulaire ait été adoptée précisément à cette fin, et il faut bien lui reconnaître un certain succès, les opérations dans les supermarchés et lieux de vente ayant un temps diminué. Cependant, en raison de l’opération militaire israélienne « Bordure Protectrice » ayant provoqué la mort de plus de 2.200 palestiniens dans la Bande de Gaza en juillet-août 2014, la campagne BDS a pris une ampleur inégalée en France, au point de retenir l’attention des grands médias 14 qui en viennent à leur tour à s’interroger sur la pénalisation des appels au boycott des produits israéliens 15.
Si le sujet reste donc encore d’une grande actualité 16, il est également évident que le débat relatif au fondement juridique des poursuites n’est toujours pas vidé. En effet, l’appel au boycott ne fait pas l’objet d’une prohibition de principe en droit français 17, seuls les moyens mis en œuvre pour le réaliser ou les conséquences qu’il engendre pouvant être poursuivis 18. A en croire pourtant les circulaires Alliot-Marie et Mercier, l’appel au boycott des produits israéliens tomberait sous le coup de la provocation à la discrimination à raison de l’appartenance d’une ou plusieurs personnes à une nation, comportement incriminé par la loi du 29 juillet 1881 sur la presse. Une analyse minutieuse de ce fondement permet toutefois de considérer que le délit de provocation à la discrimination ne concerne vraisemblablement, et en l’occurrence, que les discriminations ayant pour objet ou pour effet d’entraver l’exercice normal d’une activité économique (I). On doutera que le fait d’inciter le consommateur à exercer sa liberté de conscience et à déployer une critique citoyenne et non violente de la politique d’un Etat constitue une telle entrave (II).
I. L’entrave à l’exercice normal d’une activité économique, critère de la provocation à une discrimination illicite
Comme l’énonce expressément la circulaire Alliot-Marie, les « procédures faisant suite à des appels au boycott des produits israéliens » sont « diligentées sur le fondement de la provocation publique à la discrimination prévue et réprimée par l’article 24 alinéa 8 de la loi du 29 juillet 1881 ». Cet article de la loi de 1881 sur la liberté de la presse constitue donc le fondement des poursuites pénales à l’encontre des militants de la campagne BDS. Ce texte énonce que « ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement ». On relèvera que les moyens énoncés à l’article 23 auquel il est renvoyé sont des « discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics », des « écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics », des « placards ou des affiches exposés au regard du public », soit encore « tout moyen de communication au public par voie électronique ».
La campagne BDS étant une campagne citoyenne, associative et publique, elle utilise nombre de « moyens » énumérés par l’article 23 de la loi de 1881. Des militants se rassemblent régulièrement devant et dans les centres commerciaux pour lancer auprès des consommateurs des appels à boycotter les produits israéliens disponibles en rayon. Les militants portent des t-shirts, distribuent des tracts, brandissent des affiches, déplient des banderoles, dialoguent et échangent avec les consommateurs et les employés des centres commerciaux, tiennent des discours ou lancent des slogans relayant la campagne BDS contre la politique de l’Etat d’Israël en vue d’obtenir le respect du droit international. Certaines de ces manifestations sont filmées et font ensuite l’objet de diffusion publique via des sites internet ou sur les réseaux sociaux. Les moyens employés au service des appels au boycott des produits israéliens correspondent effectivement pleinement à la diversité des supports et techniques inventoriés par ledit article 23 19.
Il convient ici de bien décrire ce que sont les appels en cause, et peut-être avant toute chose, sage précaution, ce qu’ils ne sont pas. Les appels au boycott des produits en provenance d’Israël ne peuvent pas être considérés comme des provocations « à la haine ou à la violence » 20, s’ils sont faits dans le cadre du respect général de la loi de 1881 (interdictions de la diffamation et des insultes, des propos racistes ou antisémites, des appels à la commission d’une infraction, de l’apologie de crimes internationaux, etc.). De même, visant les produits israéliens, ces appels ne peuvent pas être considérés comme des provocations à la discrimination fondée sur l’origine ou sur l’appartenance ou non-appartenance d’une personne ou d’un groupe de personnes à « une ethnie », « une race » ou « une religion ». Le boycott vise uniquement l’origine nationale d’un produit, donc de son producteur (qui la plupart du temps sera d’ailleurs une société personne morale). Pour s’en convaincre, rappelons que jamais ne fut appelé dans le cadre de la campagne BDS au boycott de produits « d’origine juive » ou « casher », quelle que puisse être leur origine nationale. Du reste, jamais un militant de la campagne BDS ne fut poursuivi en France du chef de racisme ou d’antisémitisme ; les actions militantes engagées visent à dénoncer la politique d’un Etat, Israël, en contravention avec le droit international. L’appel au boycott est donc une provocation à la discrimination dans les actes d’achat à raison de l’appartenance à une nation, assumée et revendiquée comme telle. Mais il n’est que cela ! Le point crucial est bien celui de savoir si ces appels, par eux-mêmes, et comme l’affirme la circulaire Alliot-Marie, constituent une « provocation publique à la discrimination » envisagée par l’article 24, alinéa 8 de la loi de 1881.
Déjà, d’un point de vue historique et téléologique, on observera que l’article 24, alinéa 8 de la loi de 1881 n’a pas été adopté afin de réprimer les appels au boycott de produits à raison de la politique d’un Etat. Il est issu de l’article 1er de la loi du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme 21. Il est resté inchangé depuis, seules les peines ayant été modifiées. Cet article 1er de la loi dite Pleven, du nom du Garde des Sceaux de l’époque, a été rédigé et voté pour faire des propos racistes et discriminatoires un délit, adaptant ainsi la législation française à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale elle-même adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 21 décembre 1965 22. Cette Convention a pour objet de lutter contre toutes les formes de « discrimination entre les êtres humains pour des motifs fondés sur la race, la couleur ou l’origine ethnique » 23, et celui de la loi est de « permettre la répression de toutes les formes de racisme, que celui-ci s’exerce à l’égard d’un seul individu ou d’un groupe de personnes » 24. Si dès son origine le texte répressif français visait effectivement la provocation à la discrimination à raison de l’appartenance d’une ou plusieurs personnes à une nation, celle-ci s’entendait donc uniquement comme une forme de racisme vis-à-vis des personnes physiques. L’article 24, alinéa 8 de la loi de 1881 vise à punir ceux qui ont provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence « à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes » à raison de l’origine ethnique, nationale, raciale ou religieuse. En l’espèce, un Etat, dont la politique est critiquée, ou les marchandises issues de cet Etat, ne saurait être assimilé à « un groupe de personnes » 25. Or, dans la mesure où la circulaire Alliot-Marie assimile l’appel au boycott des produits israéliens à une « provocation à la discrimination » régie par l’article 24, alinéa 8, on ne peut qu’en conclure qu’elle s’émancipe insidieusement de la ratio legis du texte. En effet, dès lors que les appels au boycott sont une forme de critique de la politique israélienne à l’égard de la Palestine et de son peuple, politique condamnée à de nombreuses reprises par le droit international 26, de deux choses l’une : soit la circulaire demande aux parquets de considérer que le délit de provocation à la discrimination doit se départir d’un objet et/ou d’une visée raciste ; soit elle considère que l’appel au boycott à raison de l’origine nationale d’un produit est une provocation au racisme. On ne se laissera que difficilement séduire par cette alternative : dans le premier cas, on doutera de la compétence d’une circulaire pour bouleverser de la sorte l’économie d’un texte de loi pénale ; dans le second cas, on cherchera en vain la relation entre la critique d’une politique d’Etat et des visées racistes…
Au-delà d’une approche historique et téléologique, la question de l’assimilation du boycott à une « provocation publique à une discrimination » implique inéluctablement d’analyser la lettre du texte de l’article 24, alinéa 8 de la loi de 1881, et spécifiquement la notion de provocation à la discrimination à l’égard d’une personne à raison de son appartenance à une nation. Cette démarche est incontournable s’agissant d’un dispositif pénal qui commande une interprétation stricte 27. Rappelons que le texte prévoit la condamnation de ceux qui « auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». La notion de discrimination est le pivot de cette incrimination, mais chose remarquable, hormis les différents critères énoncés par le texte, liés à l’origine, l’ethnie, la nation, la race et la religion, elle ne fait l’objet d’aucune contextualisation. Par là-même, le comportement érigé en délit est particulièrement imprécis et indéterminé, semblant s’étendre à toute provocation à l’exercice d’un choix, d’une décision ou d’une opinion par autrui. Or, les régimes de discrimination doivent par nature faire l’objet d’une contextualisation, et ne peuvent porter sur des comportements désincarnés et abstraits. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer les articles 225-1 et s. du Code pénal, emportant le principe général d’incrimination des discriminations, qui sont un exemple du genre. Le premier de ces textes commence par définir la notion de discrimination, à savoir « toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». De telles discriminations ne sont pas sanctionnées pénalement ; seul le contexte dans lequel elles sont perpétrées pourra en faire des discriminations illicites. Ainsi, l’article 225-2 du Code pénal énonce que de telles discriminations ne sont punissables que lorsqu’elles consistent : « 1° A refuser la fourniture d’un bien ou d’un service ; 2° A entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque ; 3° A refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne… ». C’est dire que le droit distingue entre les discriminations licites et les discriminations illicites en fonction du contexte dans lequel elles interviennent. L’article 24, alinéa 8 de la loi de 1881 ne procède pas de la sorte, et de cette carence découle son caractère imprécis tout comme son manque de clarté : littéralement, il sanctionne la provocation à la discrimination, qu’elle soit licite ou illicite. Or, comment raisonnablement admettre que la provocation à opérer une discrimination licite, c’est-à-dire fondamentalement une liberté de choix, puisse être elle-même illicite ? La logique juridique s’y perd, sans compter l’atteinte à la prévisibilité de la sanction pénale que postule un Etat de droit.
Rappelons en effet que le Conseil constitutionnel a fait de la clarté de la loi un principe constitutionnel 28, et de l’accessibilité et intelligibilité de la loi des exigences qualifiées d’objectifs de valeur constitutionnelle 29. Le Conseil pose une exigence renforcée de précision de la loi pénale, en l’occurrence définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis, en s’appuyant également sur le principe de légalité des délits et des peines 30. Cette exigence s’impose non seulement pour exclure l’arbitraire dans le prononcé des peines, mais encore pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d’infractions 31. L’exigence de prévisibilité de la norme pénale prévue par l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme impose également clarté et précision des textes d’incrimination 32. On retrouve ces idées exprimées dans la motivation d’un jugement rendu par le TGI de Paris dans une affaire où des militants BDS étaient poursuivis : l’article 24, alinéa 8 de la loi de 1881 « ne saurait, avec le degré de prévisibilité exigé par les normes constitutionnelles et conventionnelles, être invoqué pour interdire, en tant que tel, l’appel invitant à une forme d’objection de conscience, que chacun est libre de manifester ou pas, dépourvu de toute contrainte susceptible d’entraver la liberté des consommateurs, lancé par des organisations non gouvernementales ne disposant d’aucune prérogative de puissance publique, à ne pas acheter des produits en provenance de tel pays déterminé, en guise de protestation morale contre la politique de cet État » 33. Soulignons d’ailleurs que l’existence même de décisions judiciaires parfois divergentes, sur le point de savoir si l’article 24, alinéa 8 de la loi de 1881 a vocation à s’appliquer à l’appel au boycott de produits originaires d’un État lancé par une association militante, permet de s’interroger sur le fait que la restriction à la liberté d’expression puisse être considérée comme étant « prévue par la loi » au sens entendu par la Convention européenne des droits de l’homme. En effet, « une norme ne peut être qualifiée de “loi” si elle n’est pas énoncée avec assez de précision pour permettre au justiciable de régler sa conduite : en s’entourant au besoin de conseils éclairés, celui-ci doit être en mesure de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d’un acte déterminé » 34. Compte tenu de jurisprudences contradictoires entre Cours d’appel 35, il est difficile de considérer qu’un militant puisse savoir avec le degré de certitude nécessaire comment il doit régler sa conduite en matière d’appel au boycott des produits israéliens.
C’est sans doute parce que la circulaire Alliot-Marie ne s’embarrassait guère de ces éléments pourtant fondamentaux dans une société démocratique, que la circulaire Mercier du 15 mai 2012, intitulée « Poursuites engagées sur le fondement de l’article 24 alinéa 8 de la loi du 29 juillet 1881 en matière de boycott des produits israéliens », s’est efforcée d’apporter d’utiles précisions quant au champ d’application de cet article 36. Effort salutaire s’il en est, car cette circulaire entend ancrer la provocation à la discrimination en raison de l’appartenance d’une ou plusieurs personnes à une nation dans un contexte spécifique figurant à l’article 225-2 du Code pénal. En effet, elle précise d’abord que l’article 24, alinéa 8 de la loi de 1881 doit être distingué de l’article 225-2 du Code pénal, qui réprime notamment les discriminations consistant « à entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque » ; mais elle indique ensuite que les dispositions de l’article 24, alinéa 8 « visent en effet à sanctionner le fait, non pas d’entraver une activité économique, mais d’inviter par des discours ou par des écrits à le faire ». En affirmant donc que la provocation à la discrimination à raison de l’appartenance d’une ou plusieurs personnes à une nation conduit à sanctionner l’appel au boycott des produits israéliens uniquement s’il vise à entraver l’exercice normal d’une activité économique 37, la circulaire Mercier introduit ce nouvel élément de contextualisation qui n’avait pas été évoqué par la circulaire Alliot-Marie. Le procédé est certes gênant en droit pénal, où prévaut une interprétation littérale de la loi. Mais ce faisant, le ministère de la justice, par le biais d’une circulaire interprétative, se propose de donner à l’alinéa 8 de l’article 24 de la loi de 1881 la même cohérence que celle de son alinéa 9. Ce dernier évite en effet l’écueil du manque de clarté et de prévisibilité de la loi pénale en incriminant la provocation, à raison du sexe, de l’orientation ou identité sexuelle et du handicap, « aux discriminations prévues par l’article 225-2 du code pénal ». Ce renvoi express aux discriminations illicites fournit la contextualisation nécessaire à la clarté, à la précision et à la prévisibilité du texte pénal 38. On doit cet alinéa, et le renvoi qu’il contient, à l’article 20 de la loi du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité 39. A l’occasion des travaux parlementaires ayant amené à l’adoption de cette loi, la justification du renvoi fut motivée en des termes qu’il faut intégralement approuver : le président de la Commission des Lois avait précisément indiqué à l’époque que ce texte avait pour objet de réprimer les provocations aux « discriminations illicites » visées à l’article 225-2, et seulement elles. Ce souci de viser uniquement lesdites discriminations émana de la Commission des lois et de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, « afin que la nouvelle incrimination ne permette pas de poursuivre les propos qui relèvent du débat public, comme les prises de position contre le mariage entre personnes de même sexe » 40. Si l’on comprend les choses, c’est donc dire que l’absence de contextualisation de la provocation à la discrimination à raison de l’appartenance à une nation serait également susceptible d’attenter à l’expression d’opinions relevant « du débat public »…
Pour résumer le raisonnement développé jusqu’à présent, on constate qu’en dépit de la circulaire Alliot-Marie destinée à mobiliser les parquets, l’incrimination figurant à l’aliéna 8 de l’article 24 de la loi de 1881 ne répond pas aux exigences rédactionnelles de clarté et de prévisibilité d’un texte pénal permettant de poursuivre les appels au boycott des produits israéliens. En réalité, et comme l’indique la circulaire Mercier au prix d’une interprétation très extensive de textes insuffisamment précis, une poursuite pénale ne devrait être entamée qu’à la condition que l’appel au boycott vise à entraver l’exercice normal d’une activité économique. Toute la question est donc, à ce stade de la réflexion, d’apprécier dans quelle mesure les appels au boycott des produits israéliens entraveraient l’exercice normal d’une activité économique.
II. L’appel au boycott des produits israéliens est un appel à exercer un choix éclairé, compatible avec l’exercice normal d’une activité économique dans une société démocratique
L’appel au boycott des produits israéliens lancé auprès des consommateurs, tel que systématisé par la campagne BDS, constitue-t-il un appel à entraver l’exercice normal d’une activité économique, ou relève-t-il au contraire de l’exercice normal d’une telle activité, laquelle, au sein d’une société démocratique garantissant la liberté d’expression 41, doit demeurer soumise à la critique citoyenne ?
La question peut d’abord être éclairée par une mise en perspective historique 42. L’article 225-2, 2° du Code pénal (et son complément, l’article 432-7 du même code) pose l’interdiction des discriminations consistant à « entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque ». Il résulte de l’adoption de l’article 416-1 de l’ancien Code pénal 43 par la loi du 7 juin 1977, portant diverses dispositions d’ordre économique et financier 44. Adoptée sur initiative parlementaire 45, cette disposition s’inscrivait dans le contexte du boycott décrété par la Ligue arabe à l’encontre d’Israël. Selon les auteurs de la proposition de loi, le texte visait en effet « essentiellement à lutter contre le boycott par certains pays des entreprises ayant des relations commerciales avec Israël » 46. L’hypothèse visée était celle de sociétés ou d’organismes français, amenés à accepter des clauses dans les contrats passés avec certains États arabes ou ressortissants de ces États, par lesquelles ils s’obligeaient à ne pas recourir aux services de sociétés israéliennes. C’est ce qui ressort des déclarations à l’Assemblée nationale de M. Pierre-Charles Krieg, co-auteur de l’amendement parlementaire adopté : l’idée n’était pas tant d’interdire aux entreprises françaises de satisfaire aux demandes de leurs partenaires économiques étrangers que d’opposer à ces derniers la prohibition française de sorte à les décourager d’émettre toute demande de boycott 47. En prohibant l’entrave économique discriminatoire en fonction de l’origine nationale, la loi visait « plus particulièrement à donner aux entreprises les moyens de ne pas céder au boycott exercé par certains États étrangers et, en particulier à celui exercé par certains pays de la Ligue arabe, contre les entreprises entretenant des relations commerciales avec Israël » 48. Il s’agissait alors de réguler une pratique de la vie du commerce international, et non de réprimer les appels au boycott opérés par des associations dépourvues d’activité commerciale ou de simples citoyens.
La disposition actuellement en vigueur, l’article 225-2, 2° du Code pénal, a été adoptée à l’occasion de la réforme du Code pénal de 1992, s’inscrivant dans la continuité directe de l’ancien article 416-1 49. Une reformulation a été effectuée, mais aucun ajout n’a eu lieu révélant une volonté d’en modifier ou d’en étendre la portée. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a d’ailleurs mis en évidence cette ascendance directe entre le texte de l’article 225-2 et celui de l’ancien article 416-1, tout en soulignant l’objectif précis qui avait été conféré à cette disposition : « L’entrave à l’exercice d’une activité économique était précédemment incriminée par l’article 416-1 de l’ancien code pénal issu de la loi n° 77-574 du 7 juin 1977, loi dite « anti-boycott ». Lors de la rédaction de ce texte, le législateur national avait pour objectif de lutter contre certaines pratiques de boycott économique dans le commerce international et, notamment, le boycott d’Israël » 50. La prise en compte de l’origine historique du dispositif législatif anti-boycott révèle ainsi que son objet est circonscrit aux actes du commerce international 51 et qu’il n’a aucunement été question, lors de sa conception, d’instaurer une quelconque limitation à l’exercice de la liberté d’expression de citoyens ou d’associations. Comme le souligne le professeur François Dubuisson, après une analyse fouillée de l’histoire de ce texte, les poursuites pénales engagées contre les militants de la campagne BDS, « cadrent mal avec l’objectif initial de la loi » 52. Ainsi, la circulaire Mercier, complétant la circulaire Alliot-Marie, propose-t-elle une interprétation extensive de l’entrave à l’exercice normal d’une activité économique qui vise à porter son champ d’incrimination très au-delà de l’intention du législateur.
La question formulée en introduction de cette seconde partie peut également être éclairée par l’analyse de l’acte de boycott des produits israéliens promu par la campagne BDS. En choisissant de ne pas acheter de produits israéliens, le consommateur procède bien à un choix discriminatoire de consommation ; son refus de consommer des produits israéliens peut-il pour autant être considéré comme une discrimination illicite constitutive d’une entrave à l’exercice normal de l’activité économique des producteurs israéliens ? Rien n’est moins sûr, car le consommateur français, lorsqu’il achète des biens de consommation, ne fait qu’exercer sa liberté contractuelle. Les règles relatives à sa bonne information 53, mais également celles relatives à la protection de son consentement 54, s’efforcent de protéger cette liberté en lui garantissant la possibilité d’un choix non contraint et, autant que faire se peut, éclairé. La liberté de conscience du consommateur, la plus intime, enfouie dans sa subjectivité, est bien entendue totalement servie par ces garanties offertes par le droit. En discriminant les produits de consommation sur la base de critères politiques, philosophiques ou encore religieux, en faisant prévaloir une opinion citoyenne dans l’acte de consommation, le consommateur confronte précisément le producteur au contexte de l’exercice normal d’une activité économique en démocratie, celui de la liberté de conscience des consommateurs, partie intégrante du jeu économique libéral. On trouve parfois sous la plume des juges une telle analyse : « le principe de la liberté contractuelle suppose que l’acquéreur d’une chose soit en mesure de se former une opinion éclairée quant à ses qualités substantielles, lesquelles sont déterminées librement par son goût, sa raison ou son esprit ; […] des considérations morales, politiques ou religieuses peuvent déterminer, positivement ou négativement, l’importance qu’il accorde au lieu d’origine et aux conditions de fabrication de la chose dont il envisage l’acquisition » 55. Pénaliser le consommateur dans l’exercice de sa décision discriminatoire reviendrait à dénier sa conscience citoyenne et à ne l’autoriser qu’à apprécier l’adéquation des qualités objectives du produit avec ses propres besoins utilitaristes. Cette vision atrophiée de l’individu, où l’homo economicus domine, si ce n’est évince, l’homo politicus, n’est ni réaliste ni souhaitable en démocratie. De fait, l’acte individuel de boycott-citoyen est un acte très courant, aux illustrations pléthoriques. Les consommateurs engagés étudient attentivement la nature et la provenance des produits et pratiquent des actes personnels de boycott quotidiennement. Ils sont d’ailleurs encouragés en cela par un discours gouvernemental qui parfois appelle à la consommation engagée, qu’elle soit écologique, éthique ou même nationale 56. Certains refusent d’acheter du textile du Bangladesh parce que les conditions sociales des travailleurs y sont souvent précaires, inhumaines et dangereuses. Le travail des enfants reste une réalité dans un certain nombre de secteurs économiques au Bangladesh, en Inde et au Pakistan 57. Faut-il en conclure que le refus de consommer des produits originaires de ces Etats qui n’appliquent pas le droit international relatif au travail des enfants serait illégal ? En quoi le consommateur serait-il condamnable pour cela ? Les consommateurs français étaient-ils coupables de discrimination pour entrave à l’exercice normal de l’activité économique des producteurs sud-africains au temps de l’apartheid ?
En incitant à ne pas consommer tels ou tels types de produits, les mouvements pro-boycott ne sont qu’un moyen de structurer dans une dimension collective les actes individuels de boycott citoyen. La mobilisation des consommateurs-citoyens au nom de la morale et du droit prend traditionnellement deux formes : l’appel au boycott de produits d’entreprises ciblées en raison de leurs pratiques et l’appel au boycott de produits issus d’un Etat ciblé en raison de sa politique. Il s’agit toujours de tenter de faire « fléchir » l’entreprise ou l’Etat concerné, de le faire changer de comportement ou de politique. Relèvent de la première forme de mobilisation les appels au boycott des sociétés américaines pratiquant la discrimination par la communauté noire-américaine dans les années 50 et 60 58, au boycott d’une marque de bière qui refusait d’embaucher les gays par la communauté homosexuelle américaine dans les années 70, au boycott de Pepsi entre 1993 et 1997 jusqu’à ce que la société ferme une usine construite en accord avec la junte birmane, au boycott des produits Shell à l’appel des écologistes en 1995 à l’occasion d’un projet de destruction d’une plateforme en mer du Nord. En France, ont eu lieu des campagnes identiques contre Kimberly-Clark à l’occasion de la fermeture d’une usine Sopalin en 1993, contre Total à la suite du naufrage du pétrolier Erika en 1999 ou contre Danone à la suite des licenciements chez LU en 2000 59. Relèvent de la seconde forme de mobilisation les appels au boycott des produits britanniques en 1930 initié par Gandhi contre la colonisation, des produits espagnols sous le régime de Franco ou argentins du temps de la dictature, des produits sud-africains dans les années 70 par les militants anti-apartheid, des produits russes en raison de la guerre en Tchétchénie dans les années 90, des produits français en Australie et en Nouvelle-Zélande après la reprise des essais nucléaires en 1995, des produits américains à l’occasion de la guerre en Irak à partir de 2003 60, des produits chinois en raison du sort subi par les Tibétains. De tels appels – comme ceux récemment formulés à l’encontre des manifestations culturelles mexicaines pour protester contre la condamnation de Florence Cassez ou à l’encontre de toute présence gouvernementale lors des rencontres de football se déroulant en Ukraine dans le cadre de l’Euro 2012 pour dénoncer les conditions de détention de Mme Ioula Timochenko 61 – sont intervenus en France sans que leur validité juridique n’ait été mise en cause 62. En réalité, l’appel au boycott fait partie d’une longue tradition d’action politique pacifique que la loi pénale n’a jamais entendu interdire. C’est un droit qui s’exprime depuis des décennies en France, synonyme de liberté de revendication et de critique. La tentative de pénalisation actuelle de la campagne BDS – à l’initiative du ministère de la justice – est donc difficilement compréhensible eu égard à la tradition française d’action citoyenne non-violente, comme l’a d’ailleurs reconnu Mme Christiane Taubira 63.
Conscience citoyenne et liberté individuelle caractérisent le boycott, et fondent d’un point de vue politique sa légitimité. Mais le politique est une chose ; le droit en est une autre. C’est alors que doit être interrogé le critère central posé par l’article 225-2, 2°du Code pénal qu’est l’entrave à l’exercice normal d’une activité économique ; de la sorte, c’est bien la question du caractère licite ou illicite de la discrimination que constitue l’acte de boycott qui est posée. Pour être clair et direct, disons d’emblée que le boycott ne constitue pas une telle entrave, et doit donc être considéré comme une discrimination licite. Certes, le boycott-citoyen des produits fabriqués ou commercialisés par des producteurs ou des exportateurs israéliens est susceptible d’avoir un impact sur leurs ventes 64. Pour autant, leur activité économique n’est pas entravée si un consommateur refuse de contracter, c’est-à-dire refuse d’acheter des produits. Le consommateur se trouve en bout de chaîne du processus économique ; doit-on seulement rappeler ce qui relève de l’évidence, à savoir que l’activité économique normale du producteur se borne à fabriquer et proposer à la vente ses produits ? En exerçant sa liberté, le consommateur n’entrave aucunement l’exercice normal de l’activité économique du producteur concerné, c’est-à-dire sa pleine et totale capacité et liberté de produire et proposer ses produits à la vente 65. A l’inverse, un producteur ou exportateur verrait bien son activité économique entravée si, par exemple, un distributeur décidait de ne pas référencer ses produits eu égard à leur nationalité d’origine ou si un groupe militant empêchait le débarquement de marchandises israéliennes dans un port ou dans un lieu de vente ou de stockage : c’est alors l’accès au marché qui lui serait interdit, et donc son activité économique qui s’en verrait entravée. Pour cette raison, est susceptible de constituer, en fonction des circonstances, une discrimination fondée sur la nation, le refus d’un acheteur, d’un distributeur ou d’un vendeur de se fournir en produits israéliens ou de les commercialiser, voire certaines actions de groupes militants qui affecteraient l’achalandage 66. L’arrêt de la Cour de cassation de 2004 doit se lire à la lumière de ce raisonnement 67. Le maire de Seclin, commune du Nord de la France, avait annoncé son intention de demander aux services municipaux, notamment de restauration, de ne plus acheter de produits israéliens. En sa qualité de responsable d’une collectivité locale et d’opérateur économique proposant des produits dans un service de restauration, sa liberté était bien moindre que celle du consommateur. Confirmant l’arrêt de la Cour de cassation, la CEDH semble d’ailleurs opérer cette différence entre le choix individuel et d’essence citoyenne du consommateur, et l’exercice d’un pouvoir public qui atteint l’ouverture du marché à tel ou tel produit 68. Accueillant l’argument du parquet faisant valoir que le maire ne pouvait se substituer aux autorités gouvernementales pour ordonner un boycott de produits venant d’une nation étrangère, la CEDH considère que les motifs avancés par les juridictions françaises pour justifier l’ingérence dans le droit du requérant à la liberté d’expression étaient « pertinents et suffisants » 69. Effectivement, la mairie de Seclin pouvait faire perdre aux producteurs israéliens la possibilité d’exercer un commerce sans entrave, c’est-à-dire de toucher le consommateur final en proposant la consommation de ses produits. L’exercice normal du commerce, sans entrave, est la possibilité d’accéder librement à un marché. C’est le cas dès lors que des produits sont proposés librement à la vente ou plus globalement à la consommation finale. Car si le consommateur est bien libre de consommer ce qu’il veut et de ne pas consommer tels ou tels types de produits, la liberté des pouvoirs publics et des acteurs du marché demeure plus réduite. En France, la législation donne au pouvoir exécutif – en l’occurrence au Premier ministre par décret – le monopole de la décision de boycotter les entreprises et produits d’un Etat : juridiquement, le boycott prend alors la forme d’un embargo, mesure autorisée par le droit international. Pour le reste, hors le cas où un décret impose un embargo, il est interdit aux acteurs publics (ministères, établissements publics, collectivités locales) et privés du marché de prendre des mesures de boycott des entreprises ou des produits originaires d’un Etat. Cette interdiction est cohérente avec les règles du droit de la concurrence, qu’elles soient issues du droit national, du droit communautaire ou du droit international (règles de l’OMC).
Jusqu’à présent, une triple dimension de l’acte de boycott exercé par un consommateur a été révélée : le boycott est l’exercice d’une liberté individuelle, qui souvent répond à un mot d’ordre collectif et s’insère dans un mouvement structuré 70 ; il s’inscrit dans la tradition politique et citoyenne française et plus largement internationale, et est une composante à part entière de l’économie libérale sous régime démocratique ; il n’est pas une entrave à l’exercice normal d’une activité économique, et constitue donc à ce titre une discrimination licite. Tout commande à considérer que l’appel au boycott tel qu’organisé par la campagne BDS se love dans cette triple dimension. Il constitue un mot d’ordre collectif incitant à l’exercice d’une liberté individuelle. Il relève d’une tradition politique ininterrompue, à l’abri de la prohibition et de la sanction légale dans nos économies libérales et régimes démocratiques. Surtout, l’appel au boycott tel que conçu et pratiqué par la campagne BDS est revendiqué comme un boycott-militant, un boycott-citoyen ou un boycott-consommateur 71 ; il ne consiste pas à organiser un boycott par les intermédiaires et acteurs professionnels du marché 72, ou encore un boycott institutionnel décidé par les pouvoirs publics. Ces appels ne visent donc pas à entraver l’exercice normal de l’activité économique des producteurs : il ne s’agit pas d’empêcher ou de rendre plus difficile le transport de leurs marchandises, leur déchargement ou leur livraison ; il ne s’agit pas plus de leur interdire ou de rendre plus difficile l’importation de leurs produits, leur commercialisation et leur distribution. Il s’agit uniquement de demander au consommateur final de ne pas acheter leurs produits et de ne pas financer, par ce biais, le développement desdites sociétés. Il semble donc bien périlleux de pouvoir considérer que les appels au boycott des produits israéliens puissent être réprimés sur le fondement de la provocation à la discrimination consistant à entraver l’exercice normal d’une activité économique. Ces incriminations ne correspondent pas à la réalité des faits occasionnés par le mouvement BDS, qui au contraire peuvent s’abriter derrière un droit dont la valeur juridique est autrement plus haute que les restrictions figurant au Code pénal : la liberté d’expression 73.
Le débat juridique relatif aux actions de la campagne BDS se doit en effet d’être éclairé à la lumière de la liberté d’expression dans une société démocratique. Rappelons que dans le cadre de la campagne BDS – comme d’ailleurs dans la plupart des campagnes de boycott des produits d’une entreprise ou d’un Etat dont la politique est critiquée – l’objet des appels au boycott des produits israéliens est à la fois d’exercer un moyen de pression économique sur Israël afin qu’il modifie sa politique condamnée à de nombreuses reprises en droit international 74, et de sensibiliser les Français aux modalités et objectifs de la campagne BDS et plus généralement au sort de la Palestine. A l’évidence, les appels au boycott sont destinés tant aux consommateurs qui entendent intégrer une dose d’éthique dans leur choix de consommation qu’aux citoyens en général à titre d’information et de sensibilisation. La campagne BDS est une campagne citoyenne et non violente, qui vise également à susciter un débat au sein de la société française 75. Aussi, il n’est pas étonnant que les appels au boycott des produits israéliens aient été analysés comme des propos relevant de la liberté d’expression, qui bénéficie aussi bien aux citoyens qu’aux associations militantes. Dans cette optique, la Cour d’appel de Paris a estimé que « c’est (…) à bon droit que le tribunal a jugé qu’en elle-même la mise en ligne d’une vidéo montrant une manifestation de quelques minutes durant laquelle des militants ont appelé les consommateurs d’une enseigne de la grande distribution à ne pas acheter des produits en provenance d’Israël et à soutenir un tel boycott pour des motifs politiques sur un sujet d’intérêt général (…) qui mobilise depuis des années la communauté internationale (…) en vue d’un règlement pacifique du conflit ne caractérise en aucun de ses éléments le délit de provocation à la discrimination, la haine ou la violence contre un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une nation, en l’espèce Israël » 76. En effet, selon la Cour, l’appel d’un citoyen au boycott des produits d’un Etat constitue une forme de « critique pacifique de la politique d’un Etat relevant du libre jeu du débat politique, qui se trouve, aux termes de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme, au cœur même de la notion de société démocratique » 77.
Il est vrai que cette liberté d’expression ne se résume pas à la simple délivrance d’une opinion, mais emporte véritable incitation à la discrimination. C’est d’ailleurs cet élément qui explique les réticences de certains juges à admettre qu’une telle expression puisse librement s’épanouir : « La provocation à la discrimination ne saurait entrer dans le droit à la liberté d’opinion et d’expression dès lors qu’elle constitue un acte positif de rejet, se manifestant par l’incitation à opérer une différence de traitement à l’égard d’une catégorie de personnes, en l’espèce les producteurs de biens installés en Israël » 78. Mais c’est oublier peut-être trop rapidement que l’appréciation d’une discrimination, et vraisemblablement la liberté d’expression corrélative, doit s’opérer au regard des objectifs poursuivis par ses initiateurs… En effet, la CEDH interprète la notion de discrimination en soulignant « qu’une distinction est discriminatoire si elle « manque de justification objective et raisonnable », c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un « but légitime » ou s’il n’existe pas de « rapport raisonnable de proportionnalité » entre les moyens employés et le but visé » 79. La définition du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale est également établie en ce sens 80. Cette conception cohérente de la discrimination suppose de prendre en considération les moyens, les motifs et les objectifs poursuivis par les appels au boycott des produits israéliens. La nature citoyenne de la campagne BDS, les modes d’action pacifiques qu’elle utilise, l’absence d’entrave à l’activité des producteurs, et surtout ce but qu’elle poursuit, rien de moins que le respect du droit international 81, sont autant d’éléments plaidant en faveur du caractère licite des appels au boycott tels qu’ils s’expriment publiquement.
***
Au terme de cette analyse, qu’il soit permis de conclure que l’appel au boycott des produits israéliens devrait échapper à la répression à laquelle incitent pourtant les circulaires Alliot-Marie et Mercier. Cette position de l’Etat français est à dire vrai intenable, sauf à alimenter les critiques et l’incompréhension. L’appel au boycott, en ce compris le militantisme prosélyte auquel il donne immanquablement lieu, relève à ce point de la nature d’une société de consommation au sein d’un régime démocratique que la plupart des Etats dans le monde refusent de le sanctionner tant qu’il ne s’accompagne pas d’atteintes aux biens ou aux personnes, de troubles à l’ordre public ou qu’il ne relève pas d’infractions au droit de la concurrence ou à la liberté du commerce. On ne peut donc que constater et regretter l’isolement de la France qui est le seul pays au monde, à l’exception d’Israël 82, à envisager une incrimination spécifique de l’appel au boycott des produits israéliens. Dans une tribune publiée dans le quotidien Libération 83, Benoît Hurel, secrétaire général adjoint du Syndicat de la magistrature, qualifiait la circulaire Alliot-Marie d’« attentat juridique d’une rare violence » ; plus de quatre ans après, le constat conserve toute sa pertinence. A l’heure actuelle, les circulaires Alliot-Marie et Mercier sont de toute vraisemblance juridiquement infondées, et quoi qu’il en soit, attentatoires à la liberté d’expression des citoyens. Il reste à espérer qu’elles ne deviendront pas un douloureux stigmate des réticences françaises à laisser une place à la contestation publique revendiquant le respect du droit international ; il est des exceptions françaises dont il faudrait savoir se passer…
Notes:
- Circulaire CRIM-AP n° 09-900-A4 ↩
- Le 9 juillet 2005, 172 associations et syndicats palestiniens ont lancé un appel international aux sociétés civiles du monde entier afin qu’elles se mobilisent pour conduire des campagnes de boycott et désinvestissement et pour demander à leur gouvernement respectif d’imposer des mesures de sanctions contre Israël afin qu’il respecte le droit international : http://www.bdsfrance.org/images/stories/BDSfr-1.pdf L’appel a été lancé le premier jour anniversaire de l’Avis sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé rendu par la Cour internationale de justice de La Haye le 9 juillet 2004. Cet avis déclare le mur de séparation et les colonies israéliennes illégales et rappelle aux Etats l’obligation qu’ils ont de « faire respecter » par Israël sa double obligation de démanteler ces ouvrages.
- , éd. La Fabrique, 2010 et http://www.bdsfrance.org/ ;
- La campagne BDS demande le respect de quatre règles du droit international reconnues par différentes résolutions des Nations unies : la reconnaissance du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, la fin de l’occupation et de la politique de colonisation, le respect du principe d’égalité entre Palestiniens et Israéliens, et la reconnaissance du droit au retour des réfugiés palestiniens. ↩
- V. la liste des réussites de cette campagne : http://www.bdsmovement.net/victories ; et J. Salingue, « Alarmes israéliennes »,
- Cette opération militaire de l’armée israélienne – des bombardements aériens suivis d’une phase terrestre avec des troupes au sol – est intervenue entre le 27 décembre 2008 et le 19 janvier 2009. Un rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le conflit à Gaza, plus connu sous le nom de rapport Goldstone, adopté par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies le 16 octobre 2009 puis par l’Assemblé générale des Nations Unies, fait état de la commission de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité par l’armée israélienne. L’opération « Plomb durci » a suscité une vague d’indignation dans les sociétés civiles du monde entier, qui a eu pour effet de « dynamiser » la campagne BDS. ↩
- Les principaux produits israéliens en vente en France et visés par la campagne BDS sont les suivants : les fruits et légumes Mehadrin, Jaffa, Carmel, Top et Kedem, les dattes Jordan Valley, Jordan Plains, Jordan River, Bet Sheva, Solomon, Medhadrin et Hadiklaim, les gazéificateurs Sodastream, les produits de beauté Ahava, les appareils d’épilation Epilady, les médicaments Teva, les produits d’arrosage Netafim et Elgo, les lingettes Albaad, les bonbonnes d’eau Château d’Eau et Eden Springs, les articles ménagers et de jardinage Keter et tous les produits dont le code barre commence par 729. Une cinquantaine d’associations nationales soutient et anime la campagne BDS. ↩
- Une cinquantaine d’associations nationales soutient et anime la campagne BDS. ↩
- , 1er nov. 2010. On relèvera parmi les signataires les noms de François Hollande et de Manuel Valls : http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/11/01/le-boycott-d-israel-est-une-arme-indigne_1433857_3232.html ; Evoquant la campagne BDS, le texte indique : «
- V. par ex., la tribune dans le quotidien Libération du 19 nov. 2010, signée par B. Hurel, secrétaire général adjoint du Syndicat de la magistrature : « Il est désormais interdit de boycotter » ; et la pétition en faveur de la liberté d’expression du Collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens, appelant à l’abrogation de la circulaire Alliot-Marie et à l’abandon de toute poursuite contre les boycotteurs ; cette pétition a été signée par de nombreux professeurs des universités, avocats, magistrats et personnalités dont Eva Joly, Pierre Joxe et Elisabeth Guigou, Olivier Besancenot, Marie-George Buffet, Eva Joly, Daniel Cohn-Bendit, ou Cécile Duflot, d’intellectuels comme le philosophe Edgar Morin, et de journalistes comme Hubert Debbash ou Laure Adler. ↩
- Circulaire CRIM-AP n° 2012-0034-A4. ↩
- La majorité des dossiers a fait l’objet de classements sans suite ou de rappels à la loi. ↩
- Aucun supermarché n’a jamais porté plainte contre des militants de la campagne BDS. Les poursuites pénales ont été lancées par les parquets eux-mêmes ou après des plaintes d’associations (le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme et la chambre de commerce France-Israël, par exemple). ↩
- V. par ex. : W. Le Devin et D. Albertini, « Les appels au boycott des produits israéliens ont-ils un effet ? », Libération, 29 août 2014 ; A. Remion, « Le boycott économique, politique ou culturel d’Israël, une tendance en expansion », Le Hufftington Post, 3 août 2014 ; C. Gouëset, « Pourquoi le boycott commence à faire peur à Israël ? », L’Express, 6 fév. 2014 ; D. Kriegel, « Boycott d’Israël : la pression monte sur Netanyahou », Le Point, 4 fév. 2014 ↩
- V. par ex. : N. Bontemps-Terry, « Israël – Palestine : l’impossible boycott », Le Point, 5 août 2014 ; S. Faure, « L’appel au boycott est-il illégal ? », Libération, 29 août 2014. ↩
- V. les tribunes sur le sujet : I. Ekeland, R. Brauman, G. Poissonnier, « Cessons de pénaliser le boycottage d’Israël », Le Monde, 6 mars 2014 ; S. Epstein, M. Ghanassia, M. Kbobel, J. Kotek, J.-Ph. Moinet, P. Markowicz, J. Tarnero, P.-A. Taguieff, « Boycotteurs d’Israël, vous menez un combat douteux ! », Le Monde, 27 mars 2014 ; P. Osseland, G. Poissonnier, F. Dubuisson, R. Brauman, « La France contre les défenseurs du droit international ? », Libération, 17 avr. 2014 ; P.-A. Taguieff, J. Tarnero, J.-Ph. Moinet, P. Markowicz, J. Kotek, M. Kbobel, M. Ghanassia, « Boycott d’Israël : illégal et illégitime », Libération, 7 mai 2014. ↩
- Le terme de « boycott » est absent du Code pénal français. Cela permettait à l’INC Hebdo d’écrire dans un numéro intitulé « Le boycott » (n° 1130) du 30 juin 2000 : « Quoi qu’il en soit, à ce jour, le boycott n’est interdit par aucun texte et aucune règlementation n’est intervenue en la matière ». V. aussi en ce sens, M. Drillech, Le boycott : histoire, actualité, perspectives, éd. Fyp, 2011, pp. 40-43 : l’auteur note que le « boycott n’est pas interdit en tant que tel » et que « le sujet est absent de la loi française » ; selon lui, « le droit se réfère à d’autres interdictions qui sont généralement corrélées à l’appel au boycott mais il n’aborde presque jamais la question du boycott » : seules sont interdites « les conséquences d’une telle conduite », à savoir notamment « l’entrave à la liberté économique ou la discrimination ». ↩
- Par exemple, l’entrave à l’exercice normal d’une activité économique, la discrimination, l’atteinte au droit de propriété, l’intimidation physique, la destruction ou dégradation de biens, le détournement des éléments constitutifs d’une marque, le dénigrement, la diffamation, l’entente illégale, etc. ↩
- Les poursuites pénales engagées contre les militants de la campagne BDS sur ce fondement doivent cependant respecter les règles du formalisme strict propre au droit de la presse. Nombre d’entre elles ont été annulées par les tribunaux pour violation de ces règles : TGI Pontoise, 14 oct. 2010, n° 0915305065 ; CA Paris, pôle 2, ch. 7, 28 mars 2012, n° 11/05257 ; TGI Perpignan, 14 août 2013, n° 1738/2013, D. 2013, p. 2033, obs. G. Poissonnier ; TGI Alençon, ch. correct. 19 sept. 2013, n° 479/13 (annulation des poursuites sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 mais condamnation des prévenus sur le fondement de l’infraction d’entrave à l’exercice normal d’une activité économique quelconque) ; CA Paris, pôle 2, ch. 7, 5 fév. 2014, n° 13/01679 ; CA Montpellier, 3ème ch, 19 mai 2014, n° 13/01881, v. pour une analyse de cet arrêt par G. Poissonnier : http://www.aurdip.fr/analyse-de-l-arret-de-la-cour-d.html.
- Visées également par l’alinéa 8 de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881. ↩
- Loi n° 72-546, 1er juil. 1972 : JO 2 juil. 1972, p. 6803. ↩
- La loi n° 71-392 du 18 mai 1971 a autorisé l’adhésion de la France à la Convention, adhésion effective le 28 juillet 1971. ↩
- « Considérant que toute doctrine de supériorité fondée sur la différenciation entre les races est scientifiquement fausse, moralement condamnable et socialement injuste… Réaffirmant que toute discrimination entre les êtres humains pour des motifs fondés sur la race, la couleur ou l’origine ethnique est un obstacle aux relations amicales et pacifiques entre les nations… Alarmés par les manifestations de discrimination raciale qui existent encore dans certaines régions du monde et par les politiques gouvernementales fondées sur la supériorité ou la haine raciale, telles que les politiques d’apartheid, de ségrégation ou de séparation… Sont convenus ce qui suit… », v. 7ème considérant. ↩
- Séance 22 juin 1972 : JO Sénat 1972, p. 1179 : au cours des débats devant le Parlement, le Garde des Sceaux René Pleven a bien défini le périmètre du texte de loi proposé au Parlement, en le situant dans la continuité de la Convention internationale précitée : « … le Sénat sait qu’en l’état où elle a été adoptée par l’Assemblée nationale, elle [i.e. la proposition de loi] est de nature à permettre la répression de toutes les formes de racisme, que celui-ci s’exerce à l’égard d’un seul individu ou d’un groupe de personnes, qu’il vise l’appartenance ou la non appartenance à une ethnie, à une nation, à une race ou une religion ou plus largement encore, qu’il s’en prenne à l’origine d’un individu ou d’un groupe de personnes ». ↩
- V. en ce sens : TGI Bobigny, 3 mai 2012, n° 09-07782469 : « L’article 24 alinéa 8 de la loi du 29 juillet 1881 vise précisément la discrimination à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes. Dans la mesure où son existence ne suppose pas seulement une population – celle-ci n’étant qu’une de ses composantes – mais aussi un territoire et un gouvernement, un Etat ne saurait être assimilé à un groupe de personnes. De même, les biens matériels et les marchandises – bien qu’ils soient produits par des personnes – ne sauraient être assimilés à celles-ci. Par conséquent, il doit être considéré que le texte susvisé ne doit pas trouver application en cas de provocation au boycott des marchandises fabriquées dans un Etat quel qu’il soit ». ↩
- Depuis 1948, pas moins de 78 résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies ont condamné la politique israélienne vis-à-vis des palestiniens : http://www.foreignpolicyjournal.com/2010/01/27/rogue-state-israeli-violations-of-u-n-security-council-resolutions/view-all/ ; l’Avis sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé rendu par la Cour internationale de justice de La Haye le 9 juillet 2004 condamne également le mur de séparation et la politique de colonisation.
- Art. 111-4 du Code pénal. ↩
- La reconnaissance du principe de clarté de la loi comme exigence constitutionnelle découlant de l’article 34 de la Constitution intervient dans une décision de 1998 : CC 98-401 DC, 10 juin 1998, Loi d’orientation et d’incitation relative à la réduction du temps de travail ; v. aussi : CC 98-407 DC, 14 janv. 1999, Loi relative au mode d’élection des conseillers régionaux. Pour un exemple de censure partielle pour non-respect de cette exigence, v. CC 2000-435 DC, 7 déc. 2000, Loi d’orientation pour l’outre-mer ; en l’espèce, les limitations apportées par l’article 14 de la loi déférée à la liberté d’entreprendre ne sont pas énoncées de façon claire et précise, ce qui implique de déclarer cet article contraire à l’article 34 de la Constitution ; v. ég. CC 2004-500 DC, 29 juil. 2004, Loi organique relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales ↩
- L’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Il est reconnu pour la première fois en 1999, v. CC1999-421 DC, 16 déc. 1999, Loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l’adoption de la partie législative de certains codes ; v. ég. CC 2000-437 DC, 19 déc. 2000, Loi de financement de la sécurité sociale. Pour un exemple de loi censurée partiellement pour non-respect de cet objectif, v. CC 2003-475 DC, 24 juil. 2003, Loi portant réforme de l’élection des sénateurs ; v. aussi CC 2009-584 DC, 16 juil. 2009, Loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ↩
- Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ce principe résulte de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, v. CC 80-127 DC, 20 janv. 1981, Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes ↩
- V. CC 2004-492 DC, 2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ↩
- CEDH, aff. Cantoni c/ France, n° 17862/91, 15 nov. 1996, spéc. n° 29 : « une infraction doit être clairement définie par la loi. Cette condition se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente (art. 7) et, au besoin, à l’aide de son interprétation par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale. La notion de « droit » (« law ») utilisée à l’article 7 (art. 7) correspond à celle de « loi » qui figure dans d’autres articles de la Convention ; elle englobe le droit d’origine tant législative que jurisprudentielle et implique des conditions qualitatives, entre autres celles d’accessibilité et de prévisibilité ». V. aussi en ce sens : CEDH, aff. Ressiot et autres c/ France, n° 15054/07 et n° 15066/07, 28 juin 2012 ↩
- TGI Paris, 8 juil. 2011, n° 09-18708077, Gaz. Pal. 1er sept. 2011, p. 15, note G. Poissonnier. ↩
- CEDH, aff. Editorial Board of Pravoye Delo c/ Ukraine, n° 33014/05, 5 mai 2011, spéc. § 42 ; v. aussi CEDH, aff. Ahmet Yildirim c/ Turquie, n° 3111/10, 18 déc. 2012, spéc. § 57 ↩
- Pour un exemple d’arrêts statuant en sens totalement opposés : CA Paris, pôle 2, ch. 7, 24 mai 2012, n° 11/6623, (relaxe), Gaz. Pal. 25-26 juil. 2012, p. 20, note G. Poissonnier ; CA Colmar, 27 nov. 2013, n° 13/01122 : JurisData n° 2013-030538 et n° 13/01129 : JurisData n° 2013-030536 (condamnation) ; JCP G 2014, 64, note G. Poissonnier et F. Dubuisson ↩
- Circulaire CRIM-AP n° 2012-0034-A4. ↩
- V. en ce sens : TGI Bordeaux, 5ème ch. correct. 10 fév. 2010, n°parquet 09218000215 ; CA Bordeaux, 22 oct. 2010, n° 10/00286 : JurisData n° 2010-025589 ; D. 2011, p. 931, note G. Poissonnier ; Crim., 22 mai 2012, n° 10-88.315 : JurisData n° 2012-011046 ; AJP 2012, p. 592, note G. Poissonnier et F. Dubuisson. Les faits qui se sont produits le 30 mai 2009 dans le magasin Carrefour de Mérignac à l’occasion d’une action BDS et qui ont donné lieu à cette procédure étaient cependant de nature particulière : la personne poursuivie avait collé un autocollant appelant au boycott sur une boite de jus d’orange israélien ↩
- Les juges du fond avaient déjà pu prendre appui sur la comparaison entre les alinéas 8 et 9 pour exclure la possibilité de poursuivre les appels à un boycott de nature économique sur le fondement du premier de ces textes ; v. TGI Mulhouse, 15 déc. 2011, n° 3309/2011 et n° 3310/2011 : « Attendu que l’article 24 alinéa 8 tel que retenu dans l’acte de poursuite ne vise pas l’incitation à la discrimination économique définie par l’article 225-2 du code pénal comme l’entrave à l’exercice normal d’une activité économique (…) que le fondement des poursuites est d’autant plus inadéquat, que les agissements en cause sont susceptibles de relever d’un texte spécifique à savoir l’alinéa 9 du même texte introduit en 2004 et qui renvoie aux actes de discriminations économiques prévus et définis par l’article 225-2 du code pénal » : Gaz. Pal. 16 fév. 2012, p. 9, note G. Poissonnier ; D. 2012, p. 439, obs. G. Poissonnier. ↩
- Loi no 2004-1486, 30 déc. 2004 : JO 31 déc. 2004, p. 22567. ↩
- Pascal Clément, Assemblée Nationale, archives de la 12ème législature, CR intégraux, session ordinaire 2004-2005, 2ème session, 7 déc. 2004. ↩
- Conformément aux articles 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme de 1950 et 19 du Pacte relatif aux droits civils et politiques de 1966. ↩
- Les développements qui suivent sont notamment tirés du travail de recherche très complet effectué par le professeur François Dubuisson dans son article : « La répression de l’appel au boycott des produits israéliens est-elle conforme au droit à la liberté d’expression ? », RBDI, 2012/1, p. 184. ↩
- L’article 416-1 de l’ancien Code pénal énonçait : « Les peines énoncées à l’article 416 sont également applicables à quiconque aura, par son action ou son omission, et sauf motif légitime, contribué à rendre plus difficile l’exercice d’une quelconque activité économique dans des conditions normales : 1° Par toute personne physique à raison de son origine nationale, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée à une ethnie, une race ou une religion déterminée ; 2° Par toute personne morale à raison de l’origine nationale, de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une race ou une religion déterminée, de ses membres ou de certains d’entre eux ». ↩
- Loi no 77-574, 7 juin 1977 : JO 8 juin 1977, p. 3151. ↩
- Amendement n° 28 présenté par MM. Jean Foyer et Pierre-Charles Krieg, Assemblée Nationale, archives de la 5ème législature, 1ère séance du 30 nov. 1976, JO débats, année 1976-1977, n°115, p. 8806 et s. ↩
- Rapport fait par M. Yvon Coudé de Foresto, Sénat, session ordinaire 1976-1977, n° 296, 12 mai 1977, spéc. p. 9 ; Rapport fait par M. Augustin Chauvet, Assemblée Nationale, session ordinaire 1976-1977, n° 2925, 26 mai 1977, p. 9. ↩
- Assemblée Nationale, 1ère séance du 30 nov. 1976, précit., spéc. p. 8807 : « Chacun sait que les entreprises industrielles françaises qui démarchent certains pays de la Ligue arabe se voient imposer par celle-ci de répondre à des questionnaires leur demandant si, dans d’autres conditions, elles travaillent avec Israël ou même avec des organismes et des banques dans lesquels les intérêts israéliens ou israélites sont particulièrement importants. Si les entreprises concernées ne répondent pas ou si leurs réponses sont jugées non satisfaisantes, leurs partenaires les placent devant un dilemme : “ou bien vous renoncez à travailler avec les autres, ou bien vous renoncez à travailler avec nous”. Incontestablement notre commerce extérieur subit ainsi un préjudice important. En outre, cette ingérence d’États étrangers dans notre législation et nos affaires est anormale. Or des pays […] placés devant le même problème, sont parvenus à le résoudre en introduisant simplement dans leur arsenal pénal des dispositions législatives qui interdisent à toute personne […] de répondre à toute demande témoignant d’une quelconque discrimination raciale, ethnique ou religieuse. Aux États-Unis et au Canada, de telles dispositions n’ont jamais empêché aucune entreprise de commercer avec des pays arabes ou dépendant de la Ligue arabe. Les pays acheteurs se sont inclinés, considérant que ces dispositions constituaient une obligation imposée à leurs cocontractants, avec lesquels ils traitent d’ailleurs comme dans le passé ». ↩
- Rapport fait par M. Yvon Coudé de Foresto, Sénat, session ordinaire 1976-1977, n° 235, 5 avr. 1977, spéc. p. 60. ↩
- Cette continuité est confirmée par la Circulaire de la direction des affaires criminelles et des grâces du 14 mai 1993 présentant le commentaire des dispositions de la partie législative du nouveau Code pénal : « Les articles 225-1 et suivants du nouveau Code pénal reprennent, en les complétant, en améliorant la présentation et en aggravant la répression, les dispositions des articles 416, 416-1 et 416-2 du code actuel. [Selon l’article 225-2,] la discrimination peut ainsi consister : […] à entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque. Ce comportement est actuellement sanctionné par l’article 416-1 ». ↩
- CEDH, aff. Willem c/ France, n° 10883/05, 16 juil. 2009, spéc. § 20. ↩
- Pour l’un des rares cas d’application : Crim., 18 déc. 2007, Bull. crim. n° 312 ; D. 2008, p. 416 et 893, note S. Detraz ; ibid., p. 1719 et s., chron. D. Caron et S. Ménotti ; AJ pénal 2008, p. 140, obs. G. Roussel ; RTD com. 2008, p. 402, obs. D. Legeais ; AJDA 2008, p. 606 ; Gaz. Pal., 2 oct. 2008, H2256, note Y. Monnet. Cette affaire visait le cas d’une société française en relations commerciales avec une société des Emirats arabes unis, qui avait fourni une attestation par laquelle elle s’engageait à ne pas recourir à un transporteur israélien pour la livraison des marchandises. ↩
- F. Dubuisson, « La répression de l’appel au boycott des produits israéliens est-elle conforme au droit à la liberté d’expression ? », RBDI, 2012/1, p. 184. ↩
- Il n’existe pas en France d’obligation légale ou réglementaire imposant le marquage d’origine des produits, à l’exception de quelques produits spécifiques, notamment les produits alimentaires (art. R. 112-1 à R. 112-31 du Code de la consommation). Le marquage d’origine est donc, sauf pour certains produits, facultatif et volontaire. Il est effectué sous la seule responsabilité du fabricant ou de l’importateur. Cependant, toute indication d’une mention fausse ou de nature à induire le consommateur en erreur quant à la provenance d’un produit constitue une infraction de tromperie et la mention d’origine doit toujours pouvoir être justifiée (art. L. 111-1 du Code de la consommation imposant au professionnel une obligation générale d’information sur les caractéristiques essentielles du produit et art. L. 121-1, L. 121-1-1, L. 121-6 et L. 213-1 du même code sanctionnant les faits de tromperie). Parmi les produits israéliens vendus en France, induiraient le consommateur en erreur ceux étiquetés « made in Israel » bien que fabriqués en tout ou partie dans les colonies israéliennes des territoires palestiniens. ↩
- Par ex : art. L. 114-1, L. 121-20 et L. 122-11 du Code de la consommation. ↩
- V. en sens, TGI Paris, 4ème ch civ., 2ème section, 23 janv. 2014, SAS OPM France c/ Association France Palestine Solidarité n° RG 13/06023. Ce jugement civil statue sur les appels au boycott lancés par une association contre la marque israélienne Sodastream, dont les produits sont fabriqués dans une colonie israélienne. ↩
- Un tel argument se retrouve également parfois dans les décisions des juges ayant eu à statuer sur les poursuites pénales contre des militants BDS ; v. en ce sens : TGI Bobigny, 3 mai 2012, n° 09-07782469 : « De même, doit être accueilli favorablement l’argument selon lequel la condamnation d’un tel appel au boycott de produits en considération de leur Etat de provenance interdirait désormais de recommander l’achat de produits français (par exemple), de tels propos revenant à discriminer tous les autres Etats ». ↩
- V. par ex. le rapport annuel de la conférence internationale du travail de 2010 sur le travail des enfants : http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/@ed_norm/@relconf/documents/meetingdocument/wcms_136696.pdf.
- Cette campagne commença en 1956, après que Rosa Parks, une citoyenne noire de Montgomery, refusa de quitter un banc réservé aux blancs dans un bus. Son arrestation souleva l’émotion et une campagne soutenue par le mouvement des droits civiques et Martin Luther King, incitèrent la communauté noire à boycotter les bus d’Alabama durant 381 jours et mit fin à la ségrégation dans les transports en commun. ↩
- Pour d’autres exemples, v. C. Fourest, Face au boycott : l’entreprise face au défi de la consommation citoyenne, éd. Dunod, 2005. ↩
- Et réciproquement, des appels au boycott des produits français avaient également été lancés aux Etats-Unis en 2003 et 2004, lors du refus français de participer à l’opération militaire en Irak. ↩
- L’appel au boycott des manifestations sportives internationales pour protester contre la politique d’un Etat organisateur (avec les effets économiques ou politiques qui en sont escomptés) est une tradition bien ancrée : coupe du monde de football en Argentine en 1978, Jeux Olympiques de Montréal en 1976, de Moscou en 1980 et de Pékin en 2008… ↩
- V. en ce sens les motifs du jugement du TGI Paris, 8 juil. 2011, n° 09-18708077 : Gaz. Pal. 1er sept. 2011, p. 15, note G. Poissonnier : « les appels, émanant de certains secteurs de la société civile, au boycott de tels produits en provenance d’un pays ou d’une entreprise sont nombreux, sans qu’ils aient jamais été incriminés dans l’ordre des abus de la liberté d’expression ». ↩
- Interview de Mme Christiane Taubira par Eric Fassin chez Mediapart, 18 déc. 2013 qui considère que le boycott est un « acte militant » qui était légitime pour la situation en Afrique du Sud ; intervention le même jour de la garde des Sceaux à l’Université de Paris 8 qualifiant l’appel au boycott des produits issus d’un régime oppressif de « pratique militante, reconnue, publique ». La ministre a même reconnu que cette circulaire contenait une interprétation de la loi qui pouvait être considérée comme « injuste » ou « abusive ». ↩
- Il s’agit précisément du but visé : réduire les ventes et donc les profits de ces entreprises pour les inciter elles-mêmes à faire pression sur le gouvernement israélien afin qu’il se conforme au droit international. On sait que les milieux d’affaires sud-africains, qui étaient affectés par le boycott de leurs produits, ont joué un grande rôle dans la décision du gouvernement sud-africain de mettre un terme à l’apartheid et d’engager de vraies négociations avec l’ANC. ↩
- V. ce sens TGI Pontoise, 20 déc. 2013, n° 10208005397 : le jugement énonce que les faits reprochés « s’analysent comme la manifestation d’une opinion et non comme une véritable incitation à une action discriminatoire, d’autant plus que les effets concrets et les conséquences pratiques de cet appel au boycott, notamment une entrave à l’exercice de l’activité économique des producteurs israéliens, n’ont pas été démontrés » : AJ Pénal, fév. 2014, p. 78, obs. G. Poissonnier. ↩
- V. en ce sens : TGI Alençon, ch. correct. 19 sept. 2013, n° 479/13 ; CA Caen, ch. appels correct. 24 nov. 2014, n° 14/00235, D. 2015, p. 158, obs. G. Poissonnier : dans cette affaire, le retrait ponctuel des produits israéliens mis en rayon au sein du supermarché Carrefour par les militants BDS était sans doute susceptible de constituer l’infraction d’entrave à l’exercice normal d’une activité économique quelconque. Cependant, les deux décisions rendues ne sont pas exemptes de critiques : la première retient que la distribution de tracts et les échanges avec la clientèle et la direction du magasin sont constitutives de l’infraction (alors qu’aucune pression ou intimidation n’a été exercée) et considère Carrefour (pourtant société française) victime de discrimination nationale ; la seconde retient l’Etat d’Israël (bien que n’exerçant aucune activité économique dans le supermarché) comme victime de l’infraction, sans évoquer les fournisseurs ou producteurs israéliens concernés. Ce dernier point est pourtant essentiel pour caractériser l’infraction de discrimination consistant à entraver l’exercice normal d’une activité économique, bon nombre de produits présentés comme israéliens vendus en France étant issus des colonies ne pouvant précisément pas être considérés comme des produits des fournisseurs ou producteurs israéliens : CJUE, 25 fév. 2010, C-386/08, Firma Brita GmbH /Hauptzollamt Hamburg-Hafen. ↩
- Crim. 28 sept. 2004, n° 03-87.450, Dr. pénal 2005, n° 4, obs. M. Véron. ↩
- V. CEDH, aff. Willem c/ France, précit. ↩
- Ibid., § 39. ↩
- Mutatis mutandis, comme par exemple l’exercice du droit de grève. ↩
- » disent les anglo-saxons : http://www.bdsmovement.net/activecamps/consumer-boycott.
- Aux Etats-Unis, les appels au boycott, dit « secondaire », intègrent souvent un large champ d’acteurs dans l’environnement plus ou moins proche des entreprises ou activités ciblées : actionnaires, salariés, fournisseurs, universités collaboratrices, assureurs, banquiers, consultants, sous-traitants… Ce type d’actions vise à pousser les parties prenantes de l’entreprise à faire pression sur elle ; sur la question, M. Drillech, précit., pp. 29 à 31. ↩
- Il s’agit d’une liberté de valeur constitutionnelle : décision n° 84-181 DC du 11 octobre 1984, Loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse : « Considérant que, cependant, s’agissant d’une liberté fondamentale, d’autant plus précieuse que son exercice est l’une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale, la loi ne peut en réglementer l’exercice qu’en vue de le rendre [« le » renvoie au « droit de libre communication et de la liberté de parler, écrire et imprimer »] plus effectif ou de le concilier avec celui d’autres règles ou principes de valeur constitutionnelle ». ↩
- V. supra, note n°24. ↩
- TGI Paris, 8 juil. 2011, n° 09-18708077, Gaz. Pal. 1er sept. 2011, p. 15, note G. Poissonnier : « Une telle confrontation des points de vue est précisément de nature à convaincre que l’appel pacifique et sans contrainte au boycott des produits israéliens est indissociable du débat d’opinion que suscitent partout dans le monde les préoccupations liées au règlement d’un conflit endémique depuis plus de 60 ans ». ↩
- CA Paris, pôle 2, ch. 7, 24 mai 2012, n° 11/6623, Gaz. Pal. 25-26 juil. 2012, p. 20, note G. Poissonnier. ↩
- Ibid. V. aussi en ce sens TGI Pontoise, 20 déc. 2013, précit. : après avoir rappelé le contenu de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et qu’il convient, dans une société démocratique, d’accorder la plus haute importance à la liberté d’expression dans le contexte du débat politique, le jugement énonce que « cet appel au boycott est en réalité une critique passive de la politique d’un Etat, critique relevant du libre jeu du débat politique qui se trouve au cœur même de la notion de société démocratique. Ainsi dès lors que le droit de s’exprimer sur des sujets politiques est une liberté essentielle dans une société démocratique, cet appel au boycott entre dans le cadre normal de la liberté d’expression. En conséquence, la condamnation des prévenus s’analyserait en une ingérence non nécessaire et disproportionnée dans le droit à la liberté d’expression tel que consacré par la Convention européenne des droits de l’homme ». ↩
- CA Colmar, 27 nov. 2013, n° 13/01122 : JurisData n° 2013-030538 et n° 13/01129 : JurisData n° 2013-030536 ; JCP G 2014, 64, note G. Poissonnier et F. Dubuisson. ↩
- CEDH, aff. Chassagnou et autres c/ France, n° 25088/94, n° 28331/95, n° 28443/95, 23 avr. 1999 : JurisData n° 1999-590022, § 91 ; V. aussi C. Picheral, « Discrimination raciale et Convention européenne des droits de l’homme », RTDH 2001, p. 518. ↩
- Recommandation générale XIV, Définition de la discrimination, article 1 (1), 22 mars 1993. ↩
- Les Etats n’ont quasiment pas agi pour pousser Israël à se conformer au sens de l’Avis de la Cour internationale de justice de La Haye, alors qu’il leur revient, comme cet avis même les y invite, de « faire respecter » le droit international. La campagne BDS aboutit finalement à rappeler aux gouvernements leurs obligations juridiques. ↩
- En 2011, une loi israélienne a fait de l’appel au boycott des produits israéliens, y compris des produits des colonies, un délit. ↩
- Libération, 19 nov. 2010, « Il est désormais interdit de boycotter ». ↩