Le vice-ministre des Affaires étrangères d’Israël, Danny Ayalon, nous peint un tableau où Israël aspire innocemment et ardemment à la paix, implorant quasiment ces Palestiniens intransigeants de venir négocier pour aboutir à la « solution à deux Etats pour deux peuples » (« Qui a arrêté le processus de paix ? » le 14 décembre). Mais c’est un tableau qui ne représente aucunement ce que vivent véritablement les Palestiniens et qu’une grande partie du monde peut voir chaque jour.
Ayalon prétend que les colonies desquelles Israël refuse de cesser la construction sur la terre occupée sont un « faux problème » et ne constitue aucun obstacle à la paix pour la raison que, « depuis qu’Israël a pris le contrôle de la Cisjordanie il y a 43 ans, les zones construites des colonies représentent moins de 1,7 % de sa superficie totale ».
Mais rappelons-nous quelques réalités non contestées. Depuis que l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et Israël ont signé les accords de paix d’Oslo en 1993, le nombre de colons israéliens en Cisjordanie occupée, dont Jérusalem-Est, a triplé pour arriver à plus d’un demi-million. L’argument fallacieux d’Ayalon sur les « zones construites » ignore cette réalité que les colonies en sont arrivées aujourd’hui à contrôler 42 % de la Cisjordanie, selon un rapport de juillet dernier de l’organisation israélienne de droits de l’homme B’Tselem.
B’Tselem pointe le fait qu’il y a maintenant plus de 200 colonies israéliennes « qui sont reliées les unes aux autres, et à Israël, par un réseau routier minutieux ». Ces routes, ainsi que diverses « zones sécurité » interdites aux Palestiniens, traversent les terres des Palestiniens, les isolant dans de misérables enclaves souvent entourées de murs, de vrais ghettos.
En dépit d’un « moratoire » de 10 mois sur la colonisation, expirant fin septembre, Israël n’a jamais cessé de construire dans les colonies, ne serait-ce qu’un seul jour. Les constructions se poursuivent de façon quasiment ininterrompue comme l’indique l’association la Paix Maintenant, et dans les semaines qui suivirent la fin officielle du « moratoire », les colons avaient plus que rattraper la légère baisse en nombre de nouveaux logements des mois précédents. A Jérusalem-Est, où Israël n’a même pas fait semblant d’appliquer le moratoire, les colons, soutenus par le gouvernement israélien, continuent d’expulser les Palestiniens hors de nombreux quartiers.
Si les actions violentes d’Israël dans Jérusalem-Est occupée n’attirent que peu l’attention, son nettoyage ethnique rampant de la vallée du Jourdain n’en attire quasiment aucune. Israël a réduit la population de la vallée du Jourdain de 200 000 Palestiniens originaires de cette région à seulement 60 000, en démolissant leurs villages et en déclarant que de vastes zones de cette région vitale étaient interdites aux Palestiniens.
Le projet colonial d’Israël a un seul objectif : rendre le retrait d’Israël de la Cisjordanie et la solution à deux Etats impossibles. A défaut d’espoir de tracer une ligne entre les populations israéliennes et palestiniennes, il est temps de reconnaître qu’Israël a réussi et que nous nous trouvons aujourd’hui devant une réalité d’apartheid, en Israël, en Cisjordanie, et dans la bande de Gaza.
L’éminent démographe de l’université hébraïque, Sergio DellaPergola, a déclaré récemment au Jerusalem Post que les juifs constituaient un peu moins de 50 % de la population en Israël, Cisjordanie et bande de Gaza réunis. Effectivement, c’est une minorité juive qui règne sur une population majoritaire qui comprend 1,4 million de citoyens palestiniens (de seconde zone) en Israël, 2,5 millions de Palestiniens sous occupation en Cisjordanie, et 1,5 autre million de Palestiniens assiégés dans la prison à ciel ouvert qu’est la bande de Gaza. Toutes les projections crédibles montrent que les Palestiniens constitueront la majorité décisive dans les quelques années à venir.
Cette injustice est intolérable. Du fait de la politique israélienne et du refus des Etats-Unis d’exercer une pression réelle, cela ne finira jamais et les perspectives d’un bain de sang catastrophique se renforcent.
En l’absence de toute action réelle de la part des Etats-Unis ou d’autres gouvernements pour en tenir Israël pour responsable, il revient à la société civile d’intervenir. Quand les Sud-Africains noirs ont vu que le monde n’en avait rien à faire de l’apartheid dans les années cinquante, ils ont fait appel à la société civile mondiale pour qu’elle impose un boycott et le désinvestissement de leur pays et qu’elle prononce des sanctions. Dans les années soixante-dix et quatre-vingt, de telles campagnes étaient courantes aux Etats-Unis, dans les Églises, les campus et les communautés, et des personnalités politiques qui avaient d’abord été réticentes à soutenir les sanctions contre l’Afrique du Sud y sont finalement venues.
Aujourd’hui, nous voyons un mouvement similaire de boycotts, désinvestissements et sanctions, un mouvement massivement approuvé par la société civile palestinienne et de plus en plus à travers le monde. Il a même acquis le soutien de quelques Israéliens. Ses objectifs sont de faire ce que le gouvernement U.S. devrait faire et ne fait pas : exercer une pression sur Israël pour qu’il mette fin à la discrimination contre les Palestiniens en Israël, à son occupation en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, et qu’il respecte le droit des réfugiés palestiniens dont Israël refuse toujours d’accepter le retour dans leur foyer, parce qu’ils ne sont pas juifs.
Ce mouvement n’est pas une fin en soi, mais un véhicule qui va nous conduire sur le chemin d’une paix juste, bâtie sur une égalité entre Israéliens et Palestiniens. La politique d’Israël, caractérisée par les diversions fallacieuses d’Ayalon, ne nous laisse aucun autre choix.
Ali Abunimah est rédacteur en chef de The Electronic Intifada et l’auteur de One Country : A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse.
17 décembre 2010 – Los Angeles Times – traduction : JPP – photo : un Palestinien de Yanoun, Cisjordanie occupée, (CCIPPP).