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14/04/23

Investir dans l’apartheid israélien : Idéologie ou intérêt économique ?

Date d'origine : 13/04/2023
Auteur : Comité national palestinien du BDS (BNC)
Traduit par : AGP pour BDS France

The Intercept a récemment révélé que David Fingold, un gestionnaire de fonds d’investissement pro-israélien, a investi de manière douteuse 500 millions de dollars pour la Banque Scotia dans Elbit Systems, une entreprise d’armement israélienne impliquée dans des crimes de guerre contre les Palestiniens, en dépit de la politique d’investissement de base de la banque canadienne qui consiste à « faire progresser les droits de l’homme ».

Le groupe militant pour l’investissement éthique Eko, anciennement SumOfUs, a protesté lors de la récente assemblée générale annuelle de la Banque Scotia, en présentant une pétition signée par 12 000 personnes demandant à la banque de se désinvestir d’Elbit Systems. « Il s’agit d’une entreprise dont les armes ont causé la mort d’innombrables civils », a déclaré Angus Wong, directeur principal de la campagne d’Eko. « La question n’est pas de savoir pourquoi la banque possède des actions, mais pourquoi elle est le plus gros actionnaire étranger d’Elbit. Nous exigeons de savoir pourquoi la Banque Scotia investit dans cette entreprise des centaines de millions de dollars provenant de familles de la classe moyenne ».

Elbit Systems est l’un des principaux fournisseurs d’armes, notamment de drones militaires, de l’armée d’occupation israélienne. Ses armes sont régulièrement utilisées pour commettre des crimes de guerre, notamment contre les Palestiniens de Gaza. L’entreprise a également fourni des équipements de surveillance au mur israélien dans le territoire palestinien occupé, qui a été déclaré illégal par la Cour internationale de justice en 2004.

M. Fingold, dont les messages sur les réseaux sociaux témoignent d’un racisme anti-palestinien virulent et d’un soutien fervent à l’apartheid israélien, a également investi de manière disproportionnée l’argent de la banque dans d’autres entreprises et banques israéliennes impliquées dans des crimes de guerre, dont l’une figure dans une base de données de l’ONU sur les entreprises qui profitent des colonies israéliennes illégales dans les territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est.

En 2021, la Banque Scotia s’est débarrassée de toutes ses actions dans Unilever au plus fort d’une campagne massive de désinvestissement et de dénigrement menée par Israël et ses groupes de pression contre l’entreprise pour la forcer à revenir sur la décision de sa filiale Ben & Jerry de se retirer d’Israël en raison de son bilan en matière de droits de l’homme. Malgré l’énorme pression exercée par Unilever sur le conseil d’administration indépendant de Ben & Jerry, le fabricant de crèmes glacées socialement responsable a finalement renoncé à tout engagement en Israël en 2022.

Le rapport de The Intercept sur les « investissements qui font sourciller » de Fingold dans des entreprises israéliennes impliquées dans de graves violations des droits de l’homme n’est que le dernier en date des rapports récents exposant comment l’engagement en faveur du sionisme et de l’apartheid israélien a joué un rôle décisif dans le flux de milliards de dollars d’investissements étrangers dans les entreprises israéliennes de haute technologie et d’armement.

Il y a quelques semaines, le vice-président israélien d’Intel, Tzahi Weisfeld, a admis avoir convaincu des dirigeants de grandes multinationales d’investir en Israël « parce que je suis sioniste et fier d’être Israélien ». Nombre de ces conglomérats s’étaient interrogés, pour des raisons évidentes, sur l’opportunité d’investir massivement en Israël.

Intel a investi des milliards dans l’économie israélienne en dépit des risques exceptionnels qu’elle encourt. Sa principale usine se trouve à Kiryat Gat, une colonie construite sur le village palestinien d’Iraq al Manshiya, qui a fait l’objet d’un nettoyage ethnique par Israël après la Nakba de 1948. Ce faisant, Intel s’est exposée à d’éventuelles poursuites judiciaires de la part des survivants palestiniens de la Nakba, sur les terres volées desquels l’entreprise a construit son usine. Kiryat Gat est également très proche de la bande de Gaza occupée, où plus de 2 millions de Palestiniens ont souffert des conditions de siège brutales d’Israël, qui constituent un « génocide progressif », selon les termes de l’historien progressiste israélien Ilan Pappe.

Un gestionnaire de fonds est tenu de « mettre de côté ses intérêts personnels ou ses engagements idéologiques ». Fonder les décisions d’investissement d’une institution sur de tels préjugés – tels que l’engagement en faveur du sionisme, de la suprématie blanche, d’autres formes de racisme, de l’apartheid, etc. – qui contredisent directement son engagement public en faveur de la responsabilité sociale et des droits de l’homme, trompent les clients de l’institution et violent ses obligations par défaut. Ce conflit d’intérêts manifeste constitue une violation de l’obligation fiduciaire, sans parler de l’obligation de respecter les droits de l’homme imposée par les Nations unies à toutes les entreprises.

Étant donné qu’environ 90 % de tous les investissements dans la technologie israélienne proviennent de sources étrangères, les défenseurs des droits de l’homme se demandent dans quelle mesure ces investissements sont motivés par des considérations idéologiques et politiques.

L’appel au désinvestissement du régime israélien d’apartheid a récemment été relayé par 250 chefs d’entreprise juifs américains. Prévenant le gouvernement israélien d’extrême droite que sa réforme judiciaire pourrait conduire à la « destruction » de l’économie israélienne, ils ont déclaré qu’ils pourraient être contraints de « réévaluer leur dépendance à l’égard d’Israël en tant que destination stratégique pour les investissements« .

Selon des analystes israéliens chevronnés, « les investissements en Israël ont presque disparu ces derniers mois » en raison du « manque d’appétit pour les investissements de la part des investisseurs étrangers [et israéliens] », conséquence du « coup d’État » judiciaire du gouvernement d’extrême droite, de la corruption et de l’autoritarisme.

Il existe de nombreuses raisons morales et juridiques de se désinvestir d’un État comme Israël qui perpétue le crime contre l’humanité qu’est l’apartheid, principalement pour éviter d’être complice de graves violations des droits de l’homme. Mais il est également important de prendre en compte les raisons fiduciaires du désinvestissement, y compris les 12 développements financiers récents.