PACBI : A la Société internationale de psychologie politique : répondez à l’appel pour le boycott d’Israël !
jeudi 30 mai 2013 – 06h:13
La campagne palestinienne pour le boycott universitaire et culturel d’Israël (PACBI) est profondément inquiète de la décision de la Société internationale de psychologie politique (ISPP) de tenir sa conférence au Centre interdisciplinaire (IDC), Herzliya (district de Tel Aviv), du 8 au 11 juillet 2013 (1). Nous exhortons l’ISPP à modifier le lieu de sa conférence vers un autre pays qui n’incarne pas l’injustice en aidant au maintien d’un régime d’occupation, de colonialisme et d’apartheid (2), comme Israël. Nous appelons aussi tous les membres de l’ISPP à s’abstenir de toute participation à la conférence dans le cas où elle se réunirait en Israël, à l’instar de la plus grande partie des universitaires qui ont évité de se rendre en Afrique du Sud tant qu’elle n’avait pas mis fin à son système d’apartheid.
En tant qu’érudits, vous êtes parfaitement conscients qu’Israël bafoue le droit international depuis plusieurs décennies (3). Puisque les puissances mondiales se rendent activement complices en favorisant et en perpétuant la politique coloniale et oppressive d’Israël, nous pensons que la seule voie ouverte pour obtenir la justice et le respect du droit international passe par un travail soutenu de la part de la société civile palestinienne et internationale pour faire pression sur Israël et ses institutions complices pour que cesse cette oppression.
Votre volonté de participer à une conférence en Israël et de vous engager dans une institution universitaire israélienne tombe à un moment où le boycott universitaire d’Israël prend de plus en plus d’importance. Tout récemment, la Conférence internationale sur la psychologie communautaire – les perspectives mondiales et les pratiques locales – qui s’est tenue à l’université de Birzeit, en Palestine occupée, a publié une déclaration soutenant le boycott universitaire et culturel (4), et l’Association pour les Études américaines asiatiques (AAAS) a également voté une résolution pour soutenir l’appel palestinien (5). Dans le domaine de la science, après que des érudits palestiniens aient pris contact avec Stephen Hawking (6), celui-ci a annulé sa participation à une conférence israélienne, citant les opinions palestiniennes unanimes qui l’ont appelé à ne pas y participer et en motivant sa non-participation par le boycott. Cette décision a reçu l’approbation de la presse grand public, par exemple le Boston Globe (7).
L’université israélienne n’est pas seulement profondément impliquée en fournissant une base idéologique rationnelle et « scientifique » à la politique coloniale d’Israël, mais elle est aussi un partenaire à part entière dans le maintien de l’infrastructure militaire et sécuritaire d’un État qui pratique des formes de colonialisme, d’occupation et d’apartheid. L’IDC d’Herzliya est par lui-même une institution complice des violations d’Israël du droit international et des droits humains. C’est une université privée qui a des liens étroits avec la communauté des renseignements militaires israéliens. Elle se dit fière de ses liens avec l’armée israélienne, malgré les crimes de guerre de cette armée, notamment le siège brutal de la bande de Gaza. Les représentants des fabricants d’armes les plus génératrices de profits siègent fréquemment à la commission de gestion de l’IDS, pendant que 10 % des admissions des étudiants sont réservés aux vétérans des unités d’élite de combat de l’armée israélienne. L’IDC est ainsi partie intégrante dans l’élaboration de la stratégie militaire et politique d’Israël pour renforcer son système oppressif de colonialisme de peuplement, d’occupation et d’apartheid (8). Est-ce une institution dont vous souhaitez promouvoir la mission en lui permettant de se faire l’hôte de vos initiatives ?
En outre, nous tenons à souligner que les conférences de cette sorte sont utilisées politiquement comme un outil pour les relations publiques israéliennes dans le but de camoufler les violations d’Israël des droits humains des Palestiniens et de saper le mouvement mondial de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), mouvement approuvé par la majorité absolue de la société palestinienne. Une source d’informations grand public israélienne a rapporté que de nombreux professionnels internationaux ne vont pas en Israël à cause de ses violations du droit international et par respect pour l’appel palestinien au boycott (9). Une participation de votre part à cette conférence et à son organisation constituerait un rejet direct de cet acte de résistance non violente de la société civile palestinienne (10).
En participant à une telle conférence dans une institution israélienne, l’ISPP conférerait sa légitimité à Israël, lui permettant de blanchir ses crimes en le faisant apparaître comme un pôle d’érudition et un bastion du libéralisme et de la liberté académique.
La contrepartie indispensable de la liberté académique
L’appel de PACBI cible les institutions universitaires israéliennes, pas les universitaires en tant que personnes. L’argument selon lequel un tel boycott nuancé et ciblé empiète sur la liberté académique ne fait pas qu’ignorer cette réalité fondamentale ; il est contraire aussi au boycott universitaire sud-africain qui ciblait toutes les institutions et universités d’Afrique du Sud, et qui a finalement obtenu un soutien massif des universitaires du monde entier après des années d’hésitation.
Par ailleurs, le Comité de l’ONU des droits économiques, sociaux et culturels définit la liberté académique comme :
« la liberté des personnes à exprimer librement leurs opinions sur les institutions ou le système dans lequel elles travaillent, de remplir pleinement leurs fonctions sans discrimination ni crainte de répression par un État ou tout autre acteur, de participer dans des organes professionnels ou universitaires représentatifs, et de jouir de tous les droits internationalement reconnus applicables aux autres personnes dans la même juridiction. La jouissance de la liberté d’expression est assortie d’obligations, telles que l’obligation de respecter la liberté académique des autres, d’accepter la confrontation loyale de points de vue opposés, et de tout traiter sans discrimination sur l’un ou l’autre des motifs illicites (11) » (surlignage par l’auteur).
Sur cette base, les institutions universitaires d’Israël sont profondément impliquées dans un système oppressif qui dénie aux Palestiniens leurs libertés fondamentales, dont la liberté académique. Elles institutionnalisent également une discrimination raciale contre les étudiants « non juifs », alimentant l’ensemble du système de l’apartheid israélien. Judith Butler nous a demandé de mettre en doute la conception libérale classique de la liberté académique avec une approche prenant en compte les réalités politiques en jeu, et de considérer que nos luttes pour la liberté académique doivent aller de concert avec l’opposition à la violence d’État, la surveillance idéologique, et la dévastation systématique de la vie quotidienne. (12)
Il incombe aux universitaires de développer une telle compréhension nuancée de la liberté académique si nous voulons appeler à une justice sociale et travailler aux côtés des opprimés dans leurs luttes.
L’université israélienne n’est pas le bastion de la contestation et du libéralisme comme le prétendent ceux qui cherchent à défendre Israël, et, ce faisant, qui tentent de délégitimer l’appel palestinien au boycott universitaire. La plus grande partie de la communauté universitaire israélienne est insensible à l’oppression du peuple palestinien – tant à l’intérieur d’Israël que dans le territoire occupé – et n’a jamais lutté pour s’opposer aux pratiques et à la politique de son État. En réalité, elle est dûment au service des forces de réserve de l’armée d’occupation et, en tant que telle, elle est l’auteur ou le témoin silencieux de la brutalité quotidienne de l’occupation et des autres formes de violations des droits humains. Elle n’hésite pas non plus à s’associer aux recherches universitaires de l’establishment militaro-sécuritaire qui est l’architecte en chef et l’exécuteur de l’occupation et des autres formes d’oppression du peuple palestinien.
Ceci sans parler de la connivence universitaire dans les différentes structures institutionnelles d’oppression, comme en soutenant l’armée, en construisant des universités sur des terres dont avaient été dépossédés les Palestiniens, ou en pratiquant des formes de discrimination contre les étudiants palestiniens. Tout cela, et plus encore, rend l’université israélienne profondément complice dans les pratiques et la maintenance de l’occupation, du colonialisme et de l’apartheid.
Aujourd’hui, de nombreux artistes, intellectuels et travailleurs culturels internationaux rejettent l’utilisation cynique d’Israël des arts et de l’université pour blanchir sa politique d’apartheid et de colonisation. Parmi ceux qui ont soutenu le mouvement BDS se trouvent d’éminents artistes, écrivains et militants antiracistes comme l’archevêque Desmond Tutu, John Berger, Judith Butler, Stephen Hawking, Arundhati Roy, Adrienne Rich, Ken Loach, Naomi Klein, Alice Walker et Roger Waters. Pourtant, nous ne vous demandons pas à ce stade de prendre leur courageuse position ni d’approuver le boycott d’Israël, nous vous demandons simplement de ne pas traverser le piquet de grève de notre boycott – de ne pas saper notre lutte pour la liberté, la justice et l’égalité.
Nous demandons, par conséquent, aux membres de la Société internationale de psychologie politique de faire pression afin que le lieu de la conférence soit porté dans un autre pays ayant un meilleur bilan sur les droits humains et le respect du droit international. Dans le cas où cette demande ne serait pas entendue, nous exhorterions à un boycott général de cette conférence. Aucun organisme professionnel qui se respecte, et surtout pas un dont la portée pratique est guidée par les principes des droits humains universels (13), ne doit favoriser ou blanchir un régime d’occupation et d’apartheid.
Cordialement
PACBI – http://pacbi.org/ – pacbi@pacbi.org
À propos de PACBI et du mouvement BDS
En 2004, inspirée par le boycott culturel triomphal du boycott culturel de l’Afrique du Sud de l’apartheid, et soutenue par les syndicats et groupes culturels palestiniens, PACBI a publié un appel au boycott universitaire et culturel des institutions impliquées dans l’occupation et l’apartheid israéliens (14). L’appel palestinien de 2004 appelle la communauté universitaire internationale, entre autres choses, à « s’abstenir de toute participation dans quelque forme de coopération universitaire et culturelle, collaboration ou projets communs que ce soit avec les institutions israéliennes » (15).
Par la suite, en 2005, une majorité écrasante dans la société civile palestinienne a appelé à une campagne BDS globale basée sur les principes des droits humains, de la justice, de la liberté et de l’égalité (16). Le mouvement BDS adopte une stratégie non violente, moralement cohérente pour qu’Israël ait à rendre des comptes sur les mêmes règles des droits humains et de droit international que les autres nations. Il demande à la communauté universitaire internationale de répondre à l’appel au boycott, comme elle l’a fait dans la lutte contre l’apartheid sud-africain, jusqu’à ce qu’ « Israël se retire de tous les territoires occupés en 1967, dont Jérusalem-Est ; retire toutes ses colonies sur ces terres ; accepte les résolutions des Nations-Unies relatives à la restitution des droits des réfugiés palestiniens ; et au démantèlement de son système d’apartheid » (17).
[1] http://www.ispp.org/meetings
[2] Dans sa dernière session au Cap, en Afrique du Sud, le Tribunal Russel sur la Palestine a conclu que, « la domination d’Israël sur le peuple palestinien, où qu’il réside, correspond collectivement à un régime unique intégré d’apartheid. » – http://www.russelltribunalonpalesti….
[3] http://www.pacbi.org/etemplate.php?…
[4] http://www.pacbi.org/etemplate.php?…
[5] http://www.aaastudies.org/content/i…
[6] http://www.pacbi.org/etemplate.php?…
[7] http://www.pacbi.org/etemplate.php?…
[8] http://usacbi.files.wordpress.com/2…
[9] http://www.ynetnews.com/articles/0,…
[10] « Votre décision de tenir une conférence en Israël transgressera l’appel palestinien au boycott en contrevenant spécifiquement à la clause 1 des « lignes directrices de PACBI pour le boycott universitaire international d’Israël », dans laquelle il appelle au boycott des « événements universitaires (comme les conférences, les symposiums, les ateliers, les livres et les oeuvres de musée), réunis ou co-parrainés par des institutions israéliennes. Tous les événements universitaires, qu’ils se tiennent en Israël ou à l’étranger, et réunis ou co-parrainés par les institutions universitaires israéliennes ou leurs départements et instituts, méritent d’être boycottés pour des raisons institutionnelles. Ces activités boycottables incluent les invités et les autres activités parrainées ou organisées par les organismes universitaires ou associations israéliens aux conférences internationales en dehors d’Israël. Surtout, elles incluent aussi l’organisation en Israël de rencontre de corps et associations internationaux ».(surlignages par l’auteur). Voir : http://www.pacbi.org/etemplate.php?…
[11] Comité des Nations-Unies pour les droits économiques, sociaux et culturels – Le droit à l’éducation (art. 13) 8 décembre 1999 – http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/%2…
[12] Judith Butler. Israël/Palestine et les paradoxes de la liberté académique – Radical Philosophy – Vol 135. pp. 8-17, janvier/février 2006. http://www.egs.edu/faculty/judith-b… (disponible depuis le 10 décembre 2011)
[13] http://www.ispp.org/about/constitution
[14] http://pacbi.org/etemplate.php?id=869
[15] Ibid
[16] http://bdsmovement.net/?q=node/52
[17] http://www.pacbi.org/etemplate.php?…
20 mai 2013 – PACBI – traduction : Info-Palestine/JPP – source : http://www.info-palestine.net/spip.php?article13581