Cet article est issu de Palestinian Academy for Science and Technology (PalAST), Palestinian Federation of Unions of University Professors and Employees (PFUUPE)
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Le CERN a récemment suspendu la Russie à cause de son invasion illégale de l’Ukraine. Le CERN doit mettre fin à son hypocrisie et demander des comptes à Israël avec les mêmes standards. Déplacer son Ecole de physique des hautes énergies serait un premier pas modeste dans cette direction.
Plus tôt cette année, l’Académie palestinienne pour la science et la technologie (Palestinian Academy for Science and Technology, PalAST) et la Fédération palestinienne des syndicats de professeurs et d’employés des universités (Palestinian Federation of Unions of University Professors and Employees, PFUUPE) ont envoyé la lettre qui suit à l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (ex-Centre européen pour la recherche nucléaire, CERN) et à l’Institut unifié de recherches nucléaires (Joint Institute for Nuclear Research, JINR). Les organisations savantes palestiniennes leur ont demandé de changer le lieu de l’Ecole européenne de physique des hautes énergies, prévue du 18 au 31 mai 2022, hors de l’Israël de l’apartheid, dû au déni long de plusieurs décennies et bien attesté des droits des Palestiniens par Israël, y compris du droit à l’éducation.
La réponse que les organisations palestiniennes ont reçue ne répondait pas du tout à leurs inquiétudes. A la place, elle vantait une croyance en « la science comme objectif commun » pour rapprocher les peuples et en la mission de l’Ecole d’ « encourager le dialogue » et d’être « aussi inclusive que possible », faisant allusion à la justification fréquemment utilisée pour l’inaction selon laquelle la science est au-dessus de la politique.
Depuis qu’il a envoyé cette réponse, le CERN a suspendu le statut d’observateur de la Russie et toutes les collaborations avec elle, à cause de son invasion illégale de l’Ukraine, en affirmant que « l’agression d’un pays par un autre va contre les valeurs que défend l’organisation ».
Le CERN a montré qu’il est préparé à prendre des mesures de reddition de comptes dans le cas de violations du droit international, mais cependant d’une manière hypocrite et sélective. Le CERN doit mettre fin à son hypocrisie et demander des comptes à Israël sur les mêmes standards. Déplacer l’Ecole de physique des hautes énergies serait un premier pas modeste dans cette direction.
Contexte
Les scientifiques de Palestine poursuivent leur travail universitaire au milieu de problèmes et d’épreuves importants liés au contexte, dont la plupart dérivent de l’occupation militaire prolongée et soutenue par Israël de leur pays : fermetures, restrictions de voyages tant vers l’intérieur que vers l’extérieur, incursions ainsi qu’une série de mesures perturbatrices qui créent un climat d’incertitude, de précarité et de vulnérabilité.
Sur le long terme, la recherche scientifique et l’enseignement supérieur palestiniens ont payé un lourd tribut aux mesures d’Israël. Celles-ci ont privé nos universités et nos communautés universitaires de leurs traits caractéristiques d’être des phares de diversité multiculturelle et d’universalité. Dans les 18 universités palestiniennes qui rassemblent plus d’un quart de million d’étudiants, on peut à peine trouver d’étudiant ou d’enseignant étranger à cause des restrictions israéliennes. Cela a été plutôt appauvrissant, de plus d’une façon. Un environnement multiculturel est a priori enrichissant, stimulant et intéressant, permettant aux étudiants d’élargir leurs perspectives et d’apprécier des manières alternatives d’être et de vivre. Etre privé d’une telle expérience, c’est manquer de quelque chose de très précieux.
Les obstacles dressés par Israël ont conduit un nombre immense d’universitaires et de technologues palestiniens à résider et à poursuivre leurs carrières à l’étranger, ce qui a causé une importante fuite de cerveaux.
Cela a rendu encore plus impératif pour nous de poursuivre vigoureusement la diffusion scientifique et la collaboration internationalement. Pour ce faire, nous avons travaillé dur pour organiser et consolider la science en Palestine par la formation de sociétés scientifiques disciplinaires et multidisciplinaires et de groupes qui auront la masse critique pour entreprendre des activités scientifiques efficaces et toucher leurs homologues dans le monde entier : sociétés de mathématiques, de physique, de biologie, de chimie, d’agriculture et environnement, de technologies de l’information et de la communication, … et d’autres encore ont été établies.
Malgré les problèmes de l’occupation militaire d’Israël, nous avons aussi poursuivi l’établissement de ponts scientifiques entre la Palestine et d’autres pays : Allemagne, Canada, Tchéquie, France et Russie. Ces ponts ont créé des opportunités pour la mobilité et l’échange des étudiants et des enseignants, pour la recherche collaborative et plus encore.
Nous avons poursuivi les contacts avec les scientifiques palestiniens contraints à continuer leurs carrières à l’étranger en espérant les engager effectivement dans nos efforts pour l’avancement de la connaissance et de la recherche dans leur pays natal : par des écoles d’été et d’hiver, des visites de courte durée, du travail de consultant scientifique, et autres.
Notre Message
Nous écrivons de l’Académie palestinienne pour la science et la technologie et la Fédération palestiniennes des syndicats de professeurs et d’employés des universités (PFUUPE), en tant que collègues scientifiques et universitaires, pour inciter l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) et l’Institut unifié pour les recherches nucléaires (JINR) de déplacer l’Ecole européenne de physique des hautes énergies, prévue du 18 au 31 mai 2022, en dehors de l’Israël de l’apartheid.
Nous n’utilisons pas le terme « apartheid » à la légère. Les universitaires palestiniens ont depuis des décennies documenté la manière dont le régime d’Israël de domination raciale et d’oppression systématique des Palestiniens constitue un régime d’apartheid, tel qu’il est défini par le droit international. Plus tôt cette année, la célèbre organisation de défense des droits humains Human Rights Watch et la principale organisation de défense des droits humains d’Israël B’Tselem ont toutes deux publié des rapports détaillés concluant qu’Israël est coupable du crime d’apartheid.
Plus récemment, en février 2022, le gouvernement israélien a publié une nouvelle « Procédure pour l’entrée et la résidence des étrangers dans la région de Judée et Samarie », la désignation d’Israël pour la Cisjordanie palestinienne occupée. Cette nouvelle régulation coloniale israélienne donne à Israël le droit absolu de sélectionner quels universitaires et étudiants internationaux peuvent être présents dans les universités palestiniennes, et instaure des critères arbitraires sur les domaines d’étude qui sont autorisés et sur les qualifications acceptables.
Ces draconniennes mesures générales attaquent le droit des Palestiniens à l’éducation et à la liberté académique, ainsi que l’autonomie des universités palestiniennes. La déclaration de l’université Birzeit appelle tous les universitaires et toutes les organisations académiques à rejoindre leur lutte contre la procédure proposée, pour leur droit souverain à être une université autonome.
En tant qu’universitaires et scientifiques palestiniens, nous sommes souvent confrontés à des appels à ne pas mélanger la politique et la science. Cependant, il n’y a pas de séparation entre les deux pour nous qui vivons, enseignons et menons nos recherches sous apartheid et régime colonial israéliens. Nous avons confiance dans le fait que vous reconnaîtrez qu’avoir l’Ecole européenne de physiques des hautes énergies du CERN et du JINR dans l’Israël de l’apartheid et en partenariat avec des institutions israéliennes complices, malgré l’opression continue d’Israël de millions de Palestiniens, sont des choix profondément politiques. Ils nous portent préjudice directement, ainsi qu’à notre travail de recherche et à la lutte de notre peuple pour sa liberté et son auto-détermination.
Nous appelons le CERN et le JINR à déplacer l’Ecole de physique des hautes énergies hors de l’Israël de l’apartheid et à s’abstenir d’y organiser des événements à l’avenir, jusqu’à ce qu’Israël mette fin à son déni long de plusieurs décennies des droits humains des Palestiniens et à son mépris flagrant du droit international.
Nous incitons les étudiants qui ont été acceptés à renoncer à leur participation à moins que le CERN et le JINR ne déplacent l’Ecole, se mettant ainsi en conformité avec leurs mission et charte respectives de « repousser les frontières de la science et de la technologie, pour le bénéfice de tous » et d’utiliser la recherche « pour des objectifs pacifiques pour le bénéfice de toute l’humanité ».
Notre Recommandation
Collègues scientifiques, c’est notre espoir sincère que vos discussions aboutissent à des manières innovantes de forger un pont scientifique entre la Palestine et ses collègues scientifiques dans le monde entier. Un tel pont sera un investissement visionnaire et à long terme dans de jeunes talents et dans l’espérance, quand l’espérance est devenue une denrée rare.
Bien cordialement,
Signataires:
- La Fédération palestinienne des syndicats de professeurs et d’employés des universités (The Palestinian Federation of Unions of University Professors and Employees, PFUUPE), représentant plus de 6000 membres du personnel de l’université palestinienne dans 13 institutions d’enseignement supérieur sur le Territoire palestinien occupé.
- L’Académie palestinienne pour la science et la technologie (PALAST), une institution nationale qui fonctionne comme un parapluie pour de nombreux projets et innovations visant à l’avancement de la science, de l’innovation et de la technologie en Palestine, et comprenant :
- Société palestinienne de mathématiques
- Société palestinienne de physique (PPS)
- Société palestinienne de chimie
- Société palestinienne de biologie
- Société palestinienne de production et de protection du végétal
- Société palestinienne de communications et d’informatique
- Branche nationale Palestine OWSD
- Académie de la jeunesse de Palestine (PYA)