17 juillet 2017
Dans une lettre au chanteur vedette de Radiohead, Thom Yorke, des artistes palestiniens rappellent au groupe qu’il n’est jamais trop tard pour revenir du bon côté de l’histoire.
Cher Thom Yorke,
Nous sommes des artistes palestiniens et nous écrivons pour vous demander une seule chose, comme beaucoup d’autres l’ont fait avant nous, que vous respectiez les souhaits de la majorité absolue de la société civile palestinienne et ne transgressiez pas la limite que nous avons clairement définie.
Notre appel au boycott répondait à des décennies de violations des droits de l’Homme par Israël, sa politique d’apartheid, son nettoyage ethnique continu, les démolitions de maisons, le déni des droits des réfugiés, les dix ans de siège de Gaza et les colonies illégales en Cisjordanie occupée. Le régime israélien nous soumet à la fragmentation, à l’occupation et au colonialisme de peuplement.
En tant qu’artistes palestiniens, nos libertés de réunion et d’expression, de même que nos autres droits fondamentaux, sont gravement limitées par le régime israélien. Nous sommes obligés d’attendre des heures à l’un des nombreux checkpoints militaires qui découpent la Cisjordanie occupée, incapables d’aller participer aux répétitions et aux concerts, sans parler de nos engagements à l’étranger. A Gaza, nous sommes sous blocus depuis dix ans, blocus installé pour nous garder « au régime ».
Des générations de familles palestiniennes sont toujours des réfugiées de la Nakba, « catastrophe », quand, en 1948, selon une campagne planifiée de nettoyage ethnique, les Palestiniens ont été déplacés hors de Palestine. Ce qui nous amène au concert que vous avez prévu sur les ruines d’un village palestinien, Jarisha. La plupart des Palestiniens ne pourraient pas assister à votre spectacle bien sûr, piégés dans la machine brutale de l’occupation israélienne ou vivant dans des camps de réfugiés hors de la Palestine historique, avec l’interdiction de revenir dans leur patrie par les lois racistes d’Israël qui nous empêchent d’exercer notre droit fondamental au retour.
Préserver votre statut de groupe politiquement progressiste tout en continuant à servir ainsi le gouvernement israélien s’avère impossible pour vous. Les filières officielles des médias sociaux de l’ Etat d’Israël ont souscrit à vos déclarations qui ont rejeté nos demandes de discussions avec vous. Peut-être avez vous l’intention de dire quelque chose depuis la scène à Tel Aviv, bien que vous ne puissiez pas à nouveau faire référence à des « putains de gens ». Mais c’est votre présence même qui manifeste votre soutien à la politique évidente de ce régime de blanchiment de ses crimes contre les Palestiniens au moyen d’activités culturelles. Peu importe ce que vous direz, vous ne pourrez changer le fait que vous aurez choisi de rejeter le dialogue avec les Palestiniens qui vous ont demandé d’annuler.
Déclarer simplement que vous ne soutenez pas Netanyahu ne changera pas le fait que le gouvernement israélien utilisera, et utilise déjà, votre concert et votre statut à des fins politiques spécifiques, c’est à dire : détourner l’attention de ses crimes contre les Palestiniens. En tant que fonctionnaire du ministère israélien des Affaires étrangères, Nissim Ben-Sheetrit a dit en 2005 : « Nous voyons dans la culture un outil de hasbara [propagande] de premier plan, et je ne fais pas de différence entre hasbara et culture. » Votre concert et d’autres comme le vôtre sont essentiels pour le programme de « Marque Israël ».Comme l’a écrit la semaine dernière le Jerusalem Post, vos commentaires ont fait partie des « meilleures hasbaras dont Israël ait bénéficié dernièrement ».
De même que tous les artistes progressistes ont boycotté Sun City en Afrique du Sud de l’apartheid, les Palestiniens vous ont appelé à boycotter Tel Aviv, vous demandant de refuser de participer à l’embellissement du régime d’occupation et d’apartheid qui existe et dénie aux Palestiniens nos droits inaliénables. Que vous ayez jusqu’ici complètement et consciemment ignoré les voix de la majorité absolue de la société palestinienne, y compris celles des plus éminents artistes, qui ont appelé au boycott culturel d’Israël, c’est décourageant Thom, mais il n’est jamais trop tard.
Vous pouvez choisir, soit de divertir l’apartheid israélien, sans tenir compte des appels des Palestiniens colonisés et brutalisés, soit d’être du bon côté de l’histoire et refuser de servir à la prolongation de l’injustice et de l’oppression coloniale. Vous ne pouvez pas choisir les deux.
Il n’est jamais trop tard pour revenir du bon côté de l’histoire.
Signé par :
Salim Abu Jamal, producteur et réalisateur
Raed Andoni, réalisateur
Asma’a Azaizeh, poète
Mohammad Bakri, acteur et réalisateur
Saleh Bakri, acteur
Ziad Bakri, acteur et cinéaste
Samir Eskanda, musicien
Mahdi Fleifel, réalisateur
Annemarie Jacir, cinéaste et poète
Remi Kanazi, poète
Hannah Khalil, auteure de théâtre
Kiras Khoury, acteur
Ramzi Maqdisi, acteur
Rakan Matasi, réalisateur
Jowan Safadi, musicien
Kareem Samara, musicien
Source: bdsmovement
Traduction : J. Ch. pour BDS France