Au tout début de la nouvelle manifestation parisienne en soutien à Gaza, qui a rassemblé entre 3 500 et 8 000 personnes, samedi 9 août, un homme distribue un document. Quatre pages agrafées avec un tableau répertoriant les produits israéliens ou issus des colonies à boycotter. Chaque groupe visé voit les marques qu’il possède détaillées.
C’est le cas de L’Oréal, qui est cité au même titre que Garnier ou Vichy. La dernière case explique les raisons de les boycotter. Dans le cas du géant de la cosmétique, c’est parce qu’il aurait investi des « millions en créant une unité de production à Migdal Haemeck [une ville du nord d’Israël] ».
Ce type d’appels au boycott connaît un certain succès parmi les manifestants qui prennent les documents qu’on leur tend. A l’image de Lina, hôtesse de l’air de 29 ans, qui « soutient la Palestine depuis toujours » mais n’est devenue réellement militante que depuis le début de l’opération « Bordure protectrice ».
LISTE FACEBOOK
« Choquée par les images d’enfants massacrés », la jeune femme a depuis revu tout son mode de vie. Elle fume dorénavant des cigarettes espagnoles, ne fréquente plus Carrefour et n’achète plus aucune boisson produite par Coca-Cola.
Lina est persuadée de la véracité des informations qu’elle rapporte. Elle a écumé les sites Internet et Facebook pour établir une liste des produits ou enseignes à éviter. Convaincue de l’efficacité de la démarche, elle pense que si de nombreux militants l’imitent, cela peut créer un vrai impact.
« Je m’en fiche que François Hollande considère cela comme une arme indigne ; tuer des civils sans défense, ce n’est pas indigne, ça ? » En France, depuis la circulaire Alliot-Marie de 2010, toujours en vigueur, il est interdit d’appeler au boycott d’un pays. Une interdiction qui ne dissuade pas les manifestants.
« ALLER PLUS LOIN »
Rachid et Nadia, 35 et 34 ans, eux, sont plus aguerris dans le boycott des produits israéliens. Ce couple a participé à toutes les manifestations de soutien à la Palestine, y compris celles qui ont été interdites, comme celle de Barbès le 19 juillet.
Rachid brandit même une pancarte qui incite au boycott d’Israël. Un principe qu’ils disent suivre dans leur vie quotidienne depuis plusieurs années. Ces trentenaires expliquent éviter « tout ce qui peut de près ou de loin financer l’achat d’armes ou de matériaux pour construire des colonies ».
Lorsqu’elle fait ses courses, Nadia est aiguillée par l’application Buycott , téléchargée sur son smartphone, pour identifier les produits à bannir. « Ça prend deux fois plus de temps, mais permet d’aller plus loin », explique-t-elle.
Les militants dans le cortège partagent souvent ce raisonnement : pour eux, manifester ne suffit pas, et le boycott est un mode d’action à mener au quotidien.
MOUVEMENT LANCÉ EN 2009
Un peu plus loin dans le cortège, Martine, 61 ans, un pied entre les Antilles et le Maroc, profite de sa présence à Paris pour manifester pour la première fois. Elle aussi dit avoir été choquée par « les images des Palestiniens qui n’ont rien pour se défendre ».
Pour les aider, elle a décidé de « peaufiner sa liste » des produits israéliens à ne pas acheter :
« C’est une action concrète, les puissants ne comprennent que le pouvoir de l’argent. C’est pacifiste et les effets sont positifs. En fait, c’est tout ce qui nous reste. »
Françoise, 82 ans, dans le cortège de l’association organisatrice, France-Palestine Solidarité, partage le même constat. Cette militante de longue date explique avoir déjà boycotté l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid.
Elle le fait aujourd’hui avec Israël, dont elle n’achète ni les fruits, ni les légumes, ni les médicaments, car « nous oublions souvent que le meilleur soutien à Israël, c’est nous », dit-elle.
Imen, l’une des animatrices du mouvement BDS (Boycott, désinvestissement, sanctions) France, fer de lance du mouvement de boycott lancé en 2009 lors de l’opération « Plomb durci », raconte que depuis un mois leur page Facebook « explose d’encouragements et de demandes ».
Le mouvement a lancé cette campagne comme « seule réponse face à l’impunité d’Israël. Nous appelons à boycotter les institutions et produits israéliens ». La branche française du mouvement respecte la liste établie par la maison mère palestinienne. Ainsi, Coca-Cola, pourtant souvent le premier produit visé par les manifestants, n’entre-t-il pas dans cette catégorie.
A l’arrivée aux Invalides, BDS organise une mobilisation éclair. Plusieurs militants s’allongent à terre recouverts de draps blancs maculés de ketchup, pour symboliser les victimes palestiniennes.
La mobilisation pour Gaza faiblit à Paris
Un mois après le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le collectif national pour une paix durable entre Palestiniens et Israéliens avait une nouvelle fois appelé à manifester à Paris samedi 9 août.
Le trajet était identique à la semaine précédente : Denfert-Rochereau – Invalides. Mais l’affluence fut moins importante que lors des précédents rassemblements où l’on a dénombré jusqu’à 15 000 manifestants. Cette fois-ci, 3 500 personnes ont défilé selon la police, jusqu’à 8 000 selon les organisateurs, avant de se disperser dans le calme.
Le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), le Parti communiste (PC), Europe Écologie les Verts ou la CGT étaien en tête du le cortège clairsemé. Le Collectif Cheikh Yassine, également présent, appelle à la « résistance », dans la lignée de slogans reprenant ceux des autres manifestations : « Israël assassin, Hollande complice », « Nous sommes tous des Palestiniens » ou encore « Israël assassin, boycott ».
Une manifestante avec une pancarte qui détourne la Marseillaise (« Aux armes Palestiniens, formez vos bataillons. Marchons, marchons ») interprète l’affluence moindre comme une conséquence de la trêve de trois jours entre Israël et le Hamas, et des vacances en France : « Les gens se sont endormis ».
Faïza Zerouala
Journaliste au Monde