Editorial du PACBI
Tandis que le mouvement BDS continue de progresser à vive allure, beaucoup de militants dans le monde, y compris en Palestine, se demandent quelle institution ou compagnie cibler et comment. Qu’il s’agisse d’une campagne BDS académique, culturelle, économique, sportive ou autre, sélectionner la cible du boycott ou du désinvestissement n’est pas aussi évident que beaucoup l’imaginent, surtout si on prend en considération la stratégie intégrée BDS. Ici, nous nous focalisons spécifiquement sur les cibles du boycott culturel et académique.
Chaque institution académique et culturelle israélienne – et nous considérons les chorales, orchestres et troupes de danse comme des institutions – est complice du régime d’occupation israélien, du colonialisme de peuplement et de l’apartheid, à moins qu’elle dénonce publiquement les violations du droit international par Israël et qu’elle admette l’intégralité et l’égalité des droits pour les Palestiniens.
Selon les lignes directrices adoptées par la société civile palestinienne pour le boycott international d’Israël (1), le simple fait qu’une institution reçoive un financement de l’Etat n’est pas une condition suffisante pour appeler à la boycotter. Mais recevoir une aide financière de l’Etat oblige d’autant plus l’institution en question à s’opposer publiquement au régime d’oppression pratiqué par cet Etat contre le peuple palestinien.
Comme pour la lutte contre l’Apartheid en Afrique du Sud, une institution ne peut se revendiquer « au-dessus » de la politique (2) simplement parce qu’elle fournit un travail littéraire ou scientifique. L’institution est complice et donc soumise au boycott tant qu’elle profite du régime injuste en vigueur et choisit de n’en rien dire. Si un forum international invite une institution ainsi complice, il devient alors lui aussi complice et boycottable.
Cependant, le mouvement BDS, et PACBI en tant qu’un de ses membres, ne boycotte pas tous les événements, produits ou institutions boycottables, car cela ne permettrait pas d’atteindre des résultats concrets. Notre stratégie est de soigneusement sélectionner nos cibles et la façon de mener nos interventions dans chaque cas.
Si une manifestation risque de nous procurer plus d’ennemis que d’amis, nous l’évitons.
Si une protestation « artistique » digne marche mieux, alors nous la faisons. Comme par exemple, à Londres en 2011, l’éclatante interruption musicale, dont un numéro de soprano, par nos partenaires britanniques contre l’Orchestre Philharmonique d’Israël, dont une partie a été diffusée sur la BBC avant que la station ne réalise ce qui se passait (3). Si un simple communiqué est jugé préférable, nous l’émettons. Si ignorer l’événement boycottable tout en mettant les projecteurs sur des cibles plus importantes nous aide à mieux attirer l’attention et à gagner un meilleur soutien dans le grand public, alors c’est ce que nous faisons. Après tout, BDS concerne un mouvement qui se construit de la base au sommet.
Indépendamment des tactiques d’intervention, pour être stratégiquement valable, le processus de sélection d’une cible de BDS tirerait profit à prendre en considération les trois critères suivants :
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Le niveau de complicité : Plus la complicité est profonde, plus il est facile de mobiliser un soutien à une action BDS contre quelque cible que ce soit. Par exemple, le fait que les Universités de Tel Aviv et Technion soient grandement impliquées dans le développement de produits et de disciplines militaires utilisés par Israël dans la perpétration de crimes de guerre contre des civils palestiniens et libanais fait de ces deux institutions des cibles parfaites pour BDS.
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Le potentiel pour obtenir une large coalition transversale contre la cible : Boycotter par exemple le géant de la sécurité G4S est beaucoup plus significatif que boycotter une compagnie qui viole simplement les droits des Palestiniens, alors que G4S viole les droits des immigrants, est gravement impliqué dans la privatisation de services publics vitaux dans de nombreux pays, etc., ce qui en fait une cible idéale qui encourage la formation d’une vaste coalition contre elle (syndicats, groupes anti-privatisation, artistes, réseaux d’avocats des demandeurs d’asile, entre autres).
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La possibilité de réussir : Même si nous satisfaisons aux deux conditions ci-dessus, nous ne lançons pas une campagne contre une cible sans avoir une chance raisonnable de succès. Parfois, réussir signifie simplement atteindre un très large public et gagner son soutien, plutôt que réussir vraiment à faire annuler un événement, convaincre un supermarché de ne plus se fournir dans telle ou telle société impliquée dans l’occupation ou l’apartheid israélien, ou obtenir l’annulation d’un programme d’échanges avec une université israélienne.
Mais des victoires symboliques seules ne suffisent pas. Nous sommes engagés dans BDS pour obtenir enfin les droits des Palestiniens, pas pour marquer des points et nous sentir bien avec de simples gestes symboliques. Seuls des succès soutenus, cumulés, croissants et grand public peuvent permettre à BDS d’atteindre ses objectifs – liberté, justice et égalité.
1) Lignes directrices du boycott académique : http://www.pacbi.org/etemplate.php?id=1108
Lignes directrices du boycott culturel : http://www.pacbi.org/etemplate.php?id=1047
(2): http://www.pacbi.org/etemplate.php?id=2010
(3): http://www.nytimes.com/2011/09/03/world/europe/03london.html?pagewanted=all
Envoyé le 05.05.2014
Traduction : J.Ch. pour BDS France