Trente-sept personnes ont assisté, le 7 novembre à Clermont-Ferrand (maison des associations, rue de l’Oradou) à la conférence de Thomas Vescovi, professeur dans le secondaire et chercheur indépendant en histoire contemporaine.
En raison d’un retard SNCF, les participants ont consacré la première heure de la soirée à visionner la magnifique chanson de Dominique Grange « Détruisons le mur » (https://youtu.be/wRDdqDluwNg), à faire des photos de citoyens boycottant PUMA et l’Eurovision 2019 (pour les réseaux sociaux, à la demande du PACBI) puis à discuter de la situation en Palestine, des actions de parrainages (correspondance) aux prisonniers et des actions BDS en cours et futures dans le 63 (produits des colonies, PUMA, AXA, Eurovision 2019, …).
Dès son arrivée, Thomas a captivé l’auditoire par une présentation très documentée et très claire sur la vie politique israélienne, afin de mieux comprendre pourquoi Israël s’allie à des partis de gouvernement d’extrême droite et antisémites (USA, Brésil, Hongrie, Pologne, Autriche, Pays-Bas, Italie, …) ainsi qu’aux évangélistes chrétiens, eux aussi antisémites.
Le sionisme israélien, qui veut un État pour les juifs, a évolué après les années 80 vers le post-sionisme et le néo-sionisme. Le post-sionisme, porté par la gauche sioniste issue notamment des juifs venus d’Europe (25 % des juifs israéliens) propose une société tournée vers des relations apaisées avec le M.O., étant donné la supériorité militaire évidente d’Israël. Mais c’est surtout le néo-sionisme qui s’est développé, en cultivant après la chute du bloc soviétique et surtout après le 11 septembre 2001, la peur du « choc des civilisations », de l’islam politique, du grand remplacement. Netanyahou s’est employé à développer une alliance entre la droite nationaliste, les juifs ultra-orthodoxes, et les juifs orientaux humiliés par la gauche sioniste. Ce mouvement veut continuer à conquérir des territoires vidés des Palestiniens, assimilés à des terroristes. Un proto-fascisme se développe et arrive au gouvernement, unifiant les droites nationaliste et religieuse, dont les jeunes attaquent physiquement les Palestiniens en toute impunité, les détournant ainsi de la lutte politique contre la colonisation et l’apartheid, et pour leurs droits nationaux.
La gauche israélienne, sioniste ou pas, ne parvient pas à développer une contre-culture capable de concurrencer les partis nationalistes et religieux. Depuis 2011, ces derniers ont fait voter un vaste ensemble de lois liberticides, dont la loi sur l’État-nation du peuple juif, de juillet 2018, qui légalise l’apartheid en Israël. Toutes ces mesures visent à favoriser l’immigration juive tout en poussant les Palestiniens à partir. De nombreux juifs israéliens antisionistes, marginalisés par cette évolution et menacés par la fin du jeu démocratique qui les protégeait autrefois, ont aussi quitté le pays.
Cet exposé a été suivi par une riche discussion.
Le cas des immigrants russes, juifs ou non, et représentés par le fasciste non-religieux Lieberman, est évoqué, dans sa surenchère avec les nationalistes religieux autour de Bennett, dont certains veulent raser Gaza, et d’autres l’occuper à nouveau. Des tentatives de séparer Gaza de la Palestine existent par ailleurs depuis longtemps et sont réactivées depuis la période Trump, où Israël, allié à l’Egypte et à l’Arabie Saoudite, fait des appels du pied au Hamas.
Le mouvement des femmes israéliennes et palestiniennes pour la paix, avec notamment des mères de jeunes décédés, est intéressant mais n’a pas de débouché ni politique ni électoral. Le journal Haaretz n’est que peu lu en Israël, mais la société israélienne ne pourra pas dire qu’elle ne connaissait pas ce qu’il dénonce. De nombreux jeunes juifs américains ne veulent pas qu’Israël et l’AIPAC parlent en leur nom, et BDS se développe sur les campus américains où un débat intense existe avec les propagandistes enrôlés par l’AIPAC.
La situation est d’autant plus inquiétante que la communauté internationale continue de refuser de contraindre les dirigeants israéliens à respecter les droits humains, le droit international et les nombreuses résolutions de l’ONU. Quelles perspectives pour le peuple palestinien dans cette droitisation de la société israélienne ? Quel avenir pour Jérusalem, censée être la capitale des deux États israélien et palestinien ? Comment les enjeux géopolitiques du Moyen-Orient pèseront-ils sur la région ?
Le mouvement BDS met l’accent sur la lutte pour les droits humains sur le territoire de la Palestine historique. Le gouvernement israélien considère que BDS est une menace sérieuse pour lui et son image et il a pris des mesures pour lutter contre les militants BDS. La lutte du BDS culturel répond aux tentatives israéliennes de développer une image acceptable autour du tourisme, du pink washing à Tel-Aviv, d’une start up nation civilisée, ayant des valeurs humaines et culturelles (importance de la campagne contre l’Eurovision 2019 à Tel-Aviv). La fascisation d’Israël, le documentaire publié par Orient XXI sur les méthodes du lobby israélien aux USA, et le projet de loi israélien pour exiger l’allégeance des artistes à l’État nation du peuple juif facilitent l’argumentation et le développement du mouvement BDS.